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Chapitre 1
Qu'est-ce qu'un aliment de sevrage?
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La Production Artisanale de Farines Infantiles. Expériences et Procédés. (GRET, 1994)

Chapitre 1

Qu'est-ce qu'un aliment de sevrage?

Les aliments de sevrage trouvent leur place dans l'alimentation du nourrisson entre le lait maternel exclusif et une nourriture de type adulte (cf. tableau page suivante). Pendant cette période délicate, le lait maternel ne suffit pas parce que sa quantité n'augmente plus avec l'appétit de l'enfant. Il faut donc apporter des aliments en plus du lait maternel.

Insistons dès maintenant sur le fait que la distribution et la commercialisation d'aliments de sevrage doit absolument s'accompagner d'une sensibilisation et d'une information des mères sur la manière de les utiliser. Celles-ci doivent bien comprendre que les farines de sevrage ne font que compléter l'alimentation du nourrisson; elles ne peuvent en aucun cas se substituer au lait maternel qui reste indispensable.

Les qualités de l'aliment de sevrage

Pour répondre aux besoins de l'enfant, un aliment de sevrage doit être:

· Une bouillie ou une purée : l'aliment doit être facile à manger pour que l'enfant ne le refuse pas. Il a la consistance de la crème, c'est-à-dire onctueux, pas trop épais et sans gros morceaux solides. De plus, son goût est agréable, même s'il n'est pas très sucré.

· Un aliment très nourrissant : beaucoup de mères pensent que plus un aliment est épais, plus il est nourrissant pour le bébé. C'est une erreur. La qualité de l'aliment ne dépend pas de sa consistance, mais de sa teneur en énergie. Par exemple; bien que liquide, le lait maternel est très nourrissant il apporte 72 calories pour 100 ml (ou 100 g). Une bouillie de mil ou de maïs ordinaire ne contient que 40 à 75 calories pour 100 g (cf. Les limites des bouillies traditionnelles ). On ne peut pas compenser la faible valeur nutritive d'un aliment en en donnant une plus grande quantité à l'enfant car le volume de son estomac est limité. L'aliment de sevrage idéal est celui qui apporte beaucoup de calories sous un faible volume (120 calories pour 100 g environ).

· Un aliment équilibré : pour que sa croissance soit harmonieuse, l'enfant a besoin de plusieurs nutriments:

- des aliments énergétiques (sucres ou glucides, matières grasses ou lipides);
- des aliments constructeurs (protéines);
- des aliments protecteurs (vitamines et sels minéraux).

L'aliment de sevrage doit contenir, dans de bonnes proportions, tous ces éléments. En pratique, il est composé de céréales, que l'on enrichit avec des protéines animales (lait) ou végétales (légumineuses), des matières grasses et des fruits frais.

· Un aliment digeste : bien sûr, l'alimentation adulte ne convient pas à l'enfant dont le tube digestif n'est pas encore capable de tout digérer et absorber. L'aliment de sevrage subit donc une préparation spéciale qui le rend plus facile à assimiler (prédigestion):

- le grillage, pour détruire les facteurs antitrypsiques qui empêchent les enzymes de décomposer les protéines des aliments, permet une précuisson de l'aliment et la dégradation partielle de l'amidon;
- la mouture, pour éliminer les morceaux et obtenir une farine très fine;
- le tamisage, pour retirer certaines fibres non digestes;
- la cuisson, pour rendre les molécules constitutives de l'amidon sensibles aux enzymes digestives (et pour détruire certains facteurs anti-nutritionnels);

· Un aliment sain : on utilise pour préparer les farines des produits sains, et l'on élimine notamment tous les produits toxiques comme les moisissures qui peuvent sécréter des mycotoxines (aflatoxines sur les arachides abimées par exemple). Il faut également se méfier des matières premières qui ont été traitées contre les insectes et qui contiennent encore des pesticides. L'aliment doit être protégé des mouches. Enfin, il doit être cuit juste avant d'être donné à l'enfant pour détruire tous les microbes porteurs de maladies (pathogènes) et que ceux-ci n'aient pas le temps de recontaminer l'aliment.

· Un aliment bon marché et facile à préparer: si l'aliment de sevrage est trop cher, seule la frange la plus riche de la population peut l'acheter. De plus, un aliment coûteux n'est utilisé que de manière irrégulière. Ou pire encore, il est trop dilué par les mères. Dans tous les cas, l'objectif de lutte contre la malnutrition n'est pas atteint. Proposer un produit bon marché est donc une priorité.

Enfin, l'aliment doit être facile à préparer et épargner le temps des mères.

L'alimentation du nourrisson de 0 à 2 ans

PÉRIODE

ALIMENTATION

de 0 à 4 mois

Lait maternel exclusivement

Tout autre aliment (lait, industriel, bouillies, tisanes) comporte un risque pour l'enfant (maladies, allergies, malnutrition).

de 4 à 6 mois

Lait maternel

+ éventuellement un peu de jus de fruit frais.

de 6 mois à farines un an

Lait maternel

+ aliments de complément:



de sevrage faciles à absorber et très nutritives.

Après 1 an

Lait maternel

+ aliments de sevrage et introduction de la nourriture familiale (petits morceaux de viande


L'alimentation du nourrisson de 0 à 2 ans


Densité énergétique de la bouillie

Les limites des bouillies traditionnelles

Au Congo, les mères donnent aux enfants en période de sevrage des bouillies qui sont le plus souvent préparées avec de la farine de manioc ou bien avec une pâte de mais fermentée appelée poto-poto.

Ces bouillies remplissent l'estomac de l'enfant et lui coupent momentanément l'appétit, mais elles ne sont pas très nourrissantes. La plupart du temps, leur densité énergétique est inférieure à 60 Kcal pour 100 ml, soit moins que le lait. De plus, elles sont pauvres en protéines, en vitamines, en sels minéraux...

Parmi les enfants de 4 à 7 mois qui mangent régulièrement de la bouillie, seulement 26 % en zones rurales et 21 % à Brazzaville en consomment plus de 2 fois par jour.

Source: Trèche, 1992.

Pour augmenter la densité énergétique des bouillies traditionnelles, on pourrait être tenté d'utiliser plus de farine ou de pâte pour une même quantité d'eau. Malheureusement, la viscosité des bouillies préparées avec des produits locaux non traités augmente très vite avec la concentration. Et les enfants ne mangent pas facilement une nourriture trop épaisse.

Dans la bouche, la bouillie se fluidifie sous l'action de l'amylase, une enzyme digestive salivaire. Ceci facilite l'ingestion et la digestion. Il ne faut donc pas faire manger l'enfant trop vite.

L'insuffisance d'amylase salivaire chez le jeune enfant explique que dans beaucoup de pays, les mères mêlent leur propre salive à l'aliment, ou le machent elles-mêmes, avant de le donner aux petits.

Elaborer des recettes d'aliments de sevrage

Les ingrédients

Les aliments utilisés pour les nourrissons varient beaucoup selon les ressources agricoles de la région, les habitudes alimentaires, les revenus des familles. Cette variété est un atout pour les petites unités de production d'aliments de sevrage: plutôt que d'importer des ingrédients, elles peuvent utiliser ceux qui sont disponibles sur place, que l'on trouve facilement dans les jardins ou sur les marchés. Les matières premières locales sont en outre peu coûteuses et d'usage courant dans les familles.

Un aliment de sevrage comporte quatre types d'ingrédients:

· un aliment de base : c'est l'ingrédient principal, de préférence une céréale: mil, riz, maïs, sorgho... Mais d'autres produits sont possibles, comme le manioc, l'igname, la banane;

· un complément riche en protéines : lait en poudre, haricots secs, soja, arachides, niébé...;

· un apport en énergie : matière grasse, huile;

· un supplément en vitamines et sels minéraux apportés après la cuisson de la bouillie sous forme de jus de fruit (mangue, orange, tomate, pain de singe).

La composition nutritionnelle standard

Pour 100 g de produit, un aliment de sevrage doit contenir:

glucides

68 %

protéines

13 %

matières grasses

7 %

fibres

5 %

cendres

2 %

eau

5 %

Soit 400 calories. La densité énergétique de la bouillie doit être de 1 kcal/ml.


Les aliments de sevrage

La farine Misola au Burkina Faso

Des enquêtes nutritionnelles réalisées en 1981 et 1985 dans la province de Gourma au Burkina Faso ont montré l'importance de la malnutrition protéino-énergétique chez les enfants de 6 mois à 2 ans. Aussi, l'Ong Frères des Hommes, en accord avec la direction provinciale de la Santé, a créé un atelier de production de farine de sevrage à Fada n'Gourma. Une recette de farine a été mise au point à partir des matières premières locales.

En milieu urbain, où les familles disposent plus facilement d'une petite ressource monétaire, la farine est vendue à un prix bien plus modeste que celui des farines importées.

En milieu rural, le personnel des centres d'éducation nutritionnelle apprend aux femmes à préparer elles-mêmes leur farine.

Cette première recette, mise au point entre 1982 et 1986, comprenait:

farine de petit mil

45 %

farine de soja

20 %

lait écrémé en poudre

15 %

pâte d'arachide

10 %

sels de fer, d'iode et chlorure de sodium (sel de cuisine)

1 %

La farine doit son nom, Misola, à cette composition: Ml pour mil, SO pour soja, LA pour lait et arachide.

A partir de 1986, la formule est simplifiée. Le lait en poudre qui provenait de dons et rendait la production dépendante de l'extérieur a été supprimé, de même que les sels de fer et d'iode qui donnaient une bouillie très instable à la cuisson. La pâte d'arachide, difficile à mélanger avec la farine, a été remplacée par des arachides grillées et moulues.

La recette modifiée en 1986 comprenait ainsi:

farine de petit mil

53 %

farine de soja

24 %

arachides grillées

10 %

sucre

12 %

sel

1 %

Depuis, la recette a été de nouveau adaptée. La teneur en sucre a été diminuée, notamment en milieu rural, pour que les enfants ne s'y habituent pas.

Les proportions ont également été harmonisées afin d'obtenir deux formules homogènes, l'une en poids, l'autre en volume. En effet, en brousse, les femmes n'ont pas de matériel de pesée; elles utilisent comme unité de mesure la yorba et le bol.

Depuis 1987, la recette est donc:


EN POIDS

EN VOLUME

petit mil

60 %

2 yorbas (61 %)

soja

20 %

1 yorba (21 %)

arachides

10 %

1/2 yorba (12 %)

sucre

9 %

1/2 boite de 1 kilo (6 %)

sel

1 %

2 cuil, à soupe rases


Evolution de la composition de la farine Misola au cours de ces dernières années

Ainsi simplifiée, la formule garde une réelle valeur nutritive. La farine Misola est un bon complément de l'allaitement maternel quand les bouillies sont préparées avec 20 g de farine pour 100 ml de bouillie (bouillie à 20 % de matières sèches).

Les matières premières sont uniquement d'origine locale depuis que le lait en poudre a été éliminé. Seul le sel est importé de Côte-d'Ivoire, mais on le trouve à faible coût sur les marchés burkinabè.

· Mode de préparation : pour une bouillie, délayer 2 grosses cuillères à soupe de Misola dans un demi-litre d'eau froide. Porter à ébullition et laisser cuire 15 à 20 minutes. Il est recommandé d'ajouter un jus de tomate ou de citron en fin de cuisson.

L'utilisation des enzymes: la farine Vitafort au Congo

Si, pour les rendre plus nourrissantes, on augmente dans les bouillies traditionnelles, la quantité de farine par rapport à la quantité d'eau, elles épaississent trop. Cela est dû au gonflement de l'amidon, leur constituant principal. Or, l'enfant jeune préfère les bouillies fluides.

L'ajout d'aliments contenant peu ou pas d'amidon, comme les graines de légumineuses, le lait concentré ou le sucre, permet déjà d'améliorer la valeur énergétique de la bouillie. Mais il existe aussi des procédés qui limitent la viscosité en dégradant les molécules de l'amidon. Les plus connus sont la cuisson extrusion, le séchage sur tambour, le séchage par atomisation, l'hydrolyse acide et l'hydrolyse enzymatique. Cette dernière est la plus intéressante car la moins coûteuse. Elle utilise des enzymes appelées alpha-amylases.

· Il existe plusieurs sources naturelles d'alpha-amylases:

- les alpha-amylases animales que l'on trouve dans la salive humaine et la décoction du pancréas;

- les alpha-amylases bactériennes provenant de souches non pathogènes qui se trouvent dans la bouillie elle-même;

- les alpha-amylases présentes dans certains végétaux ou qui apparaissent au moment de la germination des plantes et des tubercules.

Plusieurs préparations traditionnelles de bouillies de produits tropicaux utilisent des alpha-amylases naturelles. Il s'agit par exemple de la fermentation préalable des céréales que l'on trouve dans le ogi du Nigeria, le mahewu de l'Afrique du Sud, l' uji du Kenya, le kenkey du Ghana. Les racines de manioc peuvent aussi fermenter à l'air libre (bien que cela soit difficile à maîtriser) pour obtenir une farine udaga.

· Les céréales germées sont également riches en amylases . Bien que la préparation de farines de céréales germées demande du temps, c'est un procédé efficace et réalisable aussi bien dans de petites unités de production que dans les familles (cf. encadré ci-contre).

· Une troisième solution consiste à utiliser des enzymes produites industriellement. C'est une expérience qui a été récemment tentée au Congo à l'initiative de chercheurs de l'Orstom. Leurs travaux ont permis de sélectionner une enzyme de qualité alimentaire: la BAN 800 MG, produite par la firme Novo-Nordisk (voir Adresses utiles en fin d'ouvrage) pour le secteur agro-alimentaire. Les caractéristiques de cette enzyme lui permettent d'agir sur l'amidon en limitant son gonflement au moment de la préparation de la bouillie et de réduire sa viscosité.

Déterminer la quantité d'enzymes à incorporer dans les farines ne demande que quelques essais dans un laboratoire équipé d'un viscomètre. Une première approximation peut être réalisée sans équipement spécial.

L'utilisation d'enzymes industrielles est une alternative très pour les unités artisanales de fabrication de farines de sevrage: elle est très efficace, d'une grande commodité d'emploi et d'un coût réduit (moins de 1 % du prix de revient).

L'utilisation de céréales germées

· Préparation de la farine de mais ou de sorgho germés:

- décorticage manuel des grains de sorgho ou égrenage des épis de mais;

- trempage des grains dans de l'eau à température ambiante durant 24 heures;

- dépôt des grains sur un tissu maintenu humide à température ambiante et à l'abri des rayons directs du soleil. Cette phase de germination dure environ 48 heures, jusqu'à l'apparition d'une plantule de 5 cm environ;

- séchage au soleil des grains germés pendant 2 à 3 jours;

- dégermage des grains (retrait à la main des plantules séchées);

- écrasement des grains dégermés avec un pilon ou un broyeur à marteaux.

· Incorporation de la farine de céréales germées dans la farine de sevrage:

La farine de céréales germée est ensuite incorporée à des taux variant entre 5 et 15 % dans le mélange avec lequel sera préparée la bouillie.

Exemple: mélange manioc/soja (75 % - 25 %); mais/soja (85 % - 1 5 %).

· Préparation de la bouillie:

La préparation de la bouillie peut se faire en chauffant simplement à feu moyen la farine composée préalablement (diluée dans de l'eau: 1 volume de farine pour 1 à 1,5 volume d'eau), en la maintenant sur le feu sous agitation constante, pendant 5 à 10 minutes après l'apparition des bulles en surface.

Mais l'action des enzymes contenues dans les farines de céréales germées est plus efficace si l'on procède de la manière suivante:

- on dilue la farine composée dans un peu moins de la moitié de l'eau qui sera utilisée pour la préparation de la bouillie;

- porte à ébullition le reste de l'eau qui servira à la préparation;

- on verse la farine diluée dans le récipient d'eau bouillante après retrait du feu;

- on attend 5 minutes avant de replacer le récipient sur le feu;

- on maintient 5 à 10 minutes à ébullition tout en remuant.

Source: Trèche, Pezennec et Giamarchi, 1992.

Les chercheurs de l'Orstom, d'Agricongo et du Congo ont mis au point la farine Vitatort. Sa composition est la suivante:

farine de manioc

43,4 %

farine de mais

30,0 %

farine de soja

18,6 %

sucre

8,0 %

Ban 800 MG

28 KNU

pour 100 g de MB, soit 32,5 mg/100 g MB.

MB = matière brute.
KNU (kilo-unité alpha-amylase Novo) = quantité d'enzymes qui dégrade 5,26 g d'amidon soluble par heure selon la méthode standard Novo.

Cette formule peut être enrichie en minéraux et en vitamines. Dans ce cas, 1 kg de complément minéral et 0,1 kg de complément vitaminique se substituent à 1,1 kg de farine de manioc dans 100 kg de mélange.

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