Back to Home Page of CD3WD Project or Back to list of CD3WD Publications

PREVIOUS PAGETABLE OF CONTENTSNEXT PAGE

5 Détermination des pertes : que se passe-t-il durant le stockage ?


5.1 Quelles sont les pertes causées par les ravageurs des stocks ?

Pendant longtemps, on a présumé que les pertes post-récolte dues aux insectes étaient importantes, sans toutefois procéder à des calculs précis. Selon un rapport publié par la National Academy of Sciences de Washington (NATIONAL RESEARCH COUNCIL, 1978), les pertes de stockage du maïs dans les pays en développement se situaient dans une fourchette allant de 1 % à 100 %, ce qui est une information bien peu utile. Étant donné l'absence de méthodes exactes et universellement applicables pour le calcul des pertes, on s'est habitué à considérer que les pertes post-récolte sont en général de l'ordre de 30 %. Certaines estimations plus récentes, qui sont cependant contestées, font état elles aussi de pertes globalement élevées (cf. OERKE et al., 1996).

Dans le but d'optimiser la fiabilité des données de base, une étude comparative de différentes méthodes d'analyse des pertes dans des greniers à maïs de petits cultivateurs du sud du Togo a été mise en chantier à partir de 1983 dans le cadre d'une thèse de doctorat financée sur des fonds de projet (PANTENIUS, 1988). Compte tenu de la somme de travail requise et de la fiabilité des résultats, c'est la méthode du comptage et du pesage qui s'est avérée la plus appropriée. Outre la mise au point de la méthode elle-même, on a pu chiffrer pour la première fois avec précision les pertes survenues dans des greniers à maïs traditionnels, en distinguant entre les greniers infestés et les greniers non infestés par le GCM (cf. encadré 1).

Encadré 1 : Pertes de maïs dans le sud du Togo

Dans une étude ayant duré deux ans, PANTENIUS (1988) a examiné les pertes subies au stockage par le maïs en épis avec spathes dans des greniers traditionnels du sud du Togo (grenier des types Ebliva et Kédélin, et maïs séché au-dessus du foyer). Diverses séries d'essais impliquant du maïs non traité ont donné les résultats suivants :

· au bout de 6 mois sans le GCM : 7,1 % de pertes (matière sèche)
· au bout de 6 mois avec le GCM : 30,1 % de pertes (matière sèche)
· les variétés hybrides sont plus sensibles que les variétés locales
· des conditions météorologiques défavorables réduisent l'aptitude au stockage
· les pertes sont beaucoup plus élevées durant la petite saison de stockage que pendant la grande

Les prélèvements continuels de maïs couramment effectués dans les greniers et destinés à la consommation personnelle ou à la vente conduisent du reste, dans la pratique, à une surévaluation des pertes au stockage effectives . Si l'on considère par exemple les 30 % de pertes établis par PANTENIUS (1988), il s'agit d'une indication relative, qui se rapporte uniquement à la quantité de maïs demeurée dans le grenier durant le dernier mois de stockage. Comme le montre le tableau 1, les pertes globales survenues sur toute la période de stockage et affectant également la quantité totale se réduisent à 17 % environ de la quantité stockée.

Tableau 1 : Calcul des pertes au stockage figurant dans l'encadré 1

Durée de stockage
en mois

Quantité stockée
(kg)

Prélèvements

Pertes au
stockage (%)

Pertes au stockage
(kg)

Mise en stock

100

-

-

-

1

90

10

2,0

0,2

2

80

10

4,0

0,4

3

60

20

8,6

1,7

4

40

20

18,9

3,8

5

20

20

25,0

5,0

6

0

20

30,1

6,0

Total

-

100

-

17,1

Dans le cadre de sa thèse de doctorat, BÖYE (1988) a effectué peu de temps après au Costa Rica des calculs de pertes portant sur le maïs en épis, dans lesquels le GCM jouait un rôle majeur. Ces résultats, également obtenus à l'aide la méthode du comptage et du pesage, sont résumés dans l'encadré 2.

Encadré 2 : Pertes de maïs au Costa Rica

Tenant compte de trois périodes de stockage (1985-87), BÖYE (1988) a calculé les pertes subies par des stocks de maïs en épis avec spathes, entreposés dans des structures de stockage traditionnelles costaricaines en bois du type « Troja ». Les pertes de matière sèche enregistrées s'établissent en moyenne comme suit :

· mise en stock pendant la saison sèche : 5 % au bout de 6 mois
· mise en stock pendant la saison des pluies : 12 % au bout de 6 mois
· mise en stock pendant la saison des pluies : 13,9 % au bout de 9 mois

Les différences ont été mises sur le compte de l'augmentation de l'intensité d'infestation et de l'amélioration des conditions de développement des ravageurs des stocks induites par la saison des pluies.

Le fait que ces pertes soient nettement moins élevées qu'au Togo a conduit à rechercher des facteurs de limitation naturelle dans le pays d'origine du GCM. Ces recherches ont abouti à la découverte de l'organisme utile Teretriosoma nigrescens et à un lâcher de cet insecte dans plusieurs pays africains. L'ampleur des pertes intervenant dans les systèmes de stockage traditionnels a également été au centre d'autres thèses de doctorat. HELBIG (1995) a confirmé pour l'essentiel l'éventail des pertes décrites par PANTENIUS (1988). A la lumière d'études effectuées sur trois périodes de stockage, il a par ailleurs montré que le GCM, suivant la saison et le site, provoque au bout de 6 mois des pertes de matière sèche de 5 à 26,5 % dans les greniers du type Ebliva. Au bout de 8 mois, la valeur maximale des pertes s'établit à 36,5 %. D'autres calculs de pertes datant de la période ayant précédé le lâcher de Tn ont été réalisés par HENCKES (1992) en Tanzanie et ALBERT (1992) au Togo. Les résultats de ces calculs figurent dans les encadrés 4 et 5 (section 6).

Dans toutes les séries d'essais ainsi que dans les diverses études, les pertes de maïs constatées sont extrêmement variables. Cette hétérogénéité s'explique par de multiples facteurs d'influence dont les principaux sont indiqués ci-dessous :

· la variété de maïs et la qualité de la denrée stockée (maturité, taux d'humidité, etc.) ;
· le type de grenier, la durée et la méthode de stockage ;
· les facteurs climatiques suivant le site et la saison ;
· l'infestation aux champs
par des ravageurs des stocks ;
· l'éventail des ravageurs (espèce et fréquence relative).

Les calculs de pertes effectués ne constituent par conséquent que des études ponctuelles qu'il convient d'interpréter en fonction du contexte rencontré. Les résultats en provenance du sud du Togo permettent déjà de se faire une idée globale des pertes subies dans cette région. Il y a lieu cependant de se montrer prudent avant d'en tirer des conclusions pour d'autres régions sur lesquelles on possède moins d'informations. Il faut par ailleurs tenir compte du fait que, suivant la perspective dans laquelle on se place, les résultats ne constituent qu'une approximation.


5.2 Quels sont les effets de la lutte biologique contre le GCM sur les pertes ?

MUTLU (1994) a procédé à des premiers essais visant à déterminer les effets réducteurs de pertes de l'insecte utile Tn sur le GCM un an et demi après son lâcher dans le sud du Togo. Elle a pu mettre en évidence la propagation autonome de l'insecte utile ainsi que le recul des populations de GCM qu'il provoque, et enfin ses effets réducteurs sur les pertes de maïs stocké (cf. encadré 3).

Encadré 3 : Réduction des pertes par suite de la lutte biologique
contre le GCM au Togo

MUTLU (1994) a, durant deux périodes de stockage (1992-93), étudié la réduction des pertes causées par le GCM dans des greniers traditionnels du sud du Togo à la suite du lâcher de l'insecte utile Teretriosoma nigrescens (Tn). Ces greniers avaient été infestés artificiellement par le GCM, Tn immigrant alors de lui-même. Au bout de 8 mois de stockage, les pertes survenues étaient les suivantes :

· pendant la 1re saison : 11,6 % sans Tn et 8,4 % avec Tn
· pendant la 2e saison : 24,1 % sans Tn et 15,9 % avec Tn

Alors que les pertes peu importantes enregistrées au cours de la 1ère saison ne permettent pas de tirer des conclusions sur une influence éventuelle de Tn, une réduction des pertes de l'ordre d'un tiers a pu être observée au cours de la 2e saison. Cette diminution des pertes s'est accompagnée d'une population de GCM de 73 % inférieure à celle infestant les greniers sans Tn.

SCHNEIDER (inédit) continue depuis 1994 d'étudier la question de l'efficacité de Tn. Ses travaux portent sur la propagation du GCM et de Tn, de même que sur les dégâts, les pertes et certains paramètres du système prédateur-proie Tn-GCM. Il s'emploie en outre à collecter des paramètres économiques afin d'évaluer les avantages liés à la mise en _uvre de Tn. SCHNEIDER souligne qu'il n'est pas raisonnable de vouloir appliquer à des pays ou des régions entières des données de portée générale sur les pertes dues au GCM ou sur les réductions des pertes consécutives au lâcher de Tn. En effet, l'apparition erratique du GCM provoque des pertes qui sont élevées dans certaines zones et minimes dans d'autres. A partir des évaluations faites jusqu'à présent, il conclut que Tn entraîne dans certaines conditions un recul du GCM, et donc une réduction des pertes, et qu'il va empêcher à plus ou moins long terme une apparition généralisée et dévastatrice du ravageur lorsque le rapport prédateur-proie aura atteint un équilibre stable. Même à ce stade, il faudra néanmoins s'attendre encore à des foyers d'infestation ponctuels.

PREVIOUS PAGETABLE OF CONTENTSNEXT PAGE

CD3WD Project Donate