Back to Home Page of CD3WD Project or Back to list of CD3WD Publications

1. En guise d'introduction. Une histoire vraie ou «La plus belle maison du village»

Table des matières - Précédente - Suivante

Gorouol-Galolé est un village comme il en existe beaucoup au Sahel. Il est situé à proximité de la route qui relie Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, au nord du pays. La plupart des maisons sont en terre glaise et sont aujourd'hui couvertes d'un toit de tôle ondulée. Dans la chaleur du jour, la vie se déroule au ralenti. Quelques chèvres et poules se sont rassemblées à l'ombre des greniers à millet construits avec art. Vers le soir, l'endroit s'anime et ses habitants font leur apparition. Décidément un village comme les autres. Et pourtant il a quelque chose qui le distingue de la majorité des villages voisins: la présence en son centre d'un superbe bâtiment blanchi à la chaux et doté de piliers puissants et d'un toit en forme de dôme. Une mosquée ? Pas du tout, puisque c'est ici qu'habite l'instituteur de la petite école communale. Le doyen du village, lui, sait comment on en est arrivé à cette situation:

«Ca s'est passé il y a près de quinze ans, en 1980. Je m 'en souviens comme si c'était hier. Un 4 x 4 blanc a quitté la route de Dori pour se diriger tout droit vers notre village. Deux toubabs en sont descendus et ont demandé à me parler. Ils voulaient construire ici une banque de céréales. Il s'agit d'un entrepôt dans lequel nous pouvons stocker des réserves pour les périodes difficiles afin de n'être plus tributaire d'une aide extérieure. Les toubabs étaient prêts à nous faire cadeau des matériaux nécessaires, et nous, nous devions donner un bon coup de main lors de /a construction.

Les gens étaient tout feu tout flamme. On allait désormais pouvoir mettre un terme à la misère. Combien de fois déjà avions-nous souffert de la famine à la suite de mauvaises récoltes ? Le nouvel entrepôt fut construit rapidement, et il faut dire qu'il était vraiment beau. Avec ses façades peintes en blanc, on voyait tout de suite que c'était un bâtiment tout à fait à part. Les toubabs nous accordèrent même un crédit pour que nous puissions acheter des céréales aux paysans après la récolte. Cette année-là, la récolte fut très bonne et le magasin rapidement rempli Peu de temps après, cependant, apparurent les premières difficultés. Nous étions censés en effet vendre les céréales aux habitants du village six mois plus tard. Mais eux, au début, ne voulaient pas en entendre parler vu qu'ils avaient suffisamment de céréales dans leurs propres greniers.

En fait, nous voulions attendre l'année suivante pour vendre, mais il fallait bien que nous remboursions le crédit En fin de compte nous avons réussi à écouler les céréales, mais à un prix assez bas, ce qui nous a malgré tout permis de rembourser nos dettes. Entre-temps, nous n'avions toutefois plus grand-chose en caisse.

Lors de la saison suivante, la récolte n'a pas été spécialement bonne, et les prix ont passablement remonté peu après la récolte. Ma foi, avec l'argent qui nous restait, nous avons acheté encore quatre sacs, mais il y a eu à nouveau des problèmes parce qu'au moment de la soudure, nous étions loins d'avoir assez de céréales pour pouvoir approvisionner tout le monde. Après, toute cette histoire est tombée dans l'oubli. Les toubabs ne sont plus revenus. L'entrepôt est resté inoccupé pendant un certain temps, jusqu'à l'arrivée du nouvel instituteur, qui était à la recherche d'un logement pour lui et sa famille... ».

En définitive, c'est le sens pratique qui l'a emporté et l'entrepôt changé de fonction. D'ailleurs, l'instituteur s'y sent tout à fait bien, car le bâtiment est trais et spacieux. Si cette histoire a eu par conséquent une fin heureuse, le projet initial était néanmoins totalement différent.

Malgré son épilogue inhabituel, cette histoire est parfaitement révélatrice de l'échec subi par bon nombre des ces entreprises. On peut postuler qu'au Burkina Faso 70 % des banques de céréales subventionnées par l'Etat et 20 % de celles qui ont été installées par des organisations non gouvernementales sont inefficaces. Dans les 790 banques actives, on a stocké en moyenne en 1990 7,3 t de céréales, ce qui, par rapport à une capacité de stockage moyenne de 31 t pour l'ensemble des banques, représente un faible résultat (GERGELY, N. ET AL. 1990).

Nous allons dans la suite étudier plus en détail les causes de ces échecs, de même que les différents points sur lesquels les donateurs devraient faire porter la réflexion avant de financer des projets similaires.


Table des matières - Précédente - Suivante

CD3WD Project Donate