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ETAT ET PERSPECTIVES DE LUTTE CONTRE LES RAVAGEURS DANS LES GRENIERS RURAUX AU BENIN, AVEC UNE REFERENCE AU GRAUND CAPUCIN DU MAÏS

A. TOKO & A.H. BOKONON-GANTA

Service Protection des Végétaux (SPV), Porto-Novo, Bénin


Avant-propos

Les récoltes de maïs subissent en cours de stockage d'importantes pertes occasionnées par les insectes nuisibles. Au nombre de ces derniers, le Grand Capucin du Maïs, Prostephanus truncatus, introduit accidentellement d'Amérique, provoque les dégâts les plus importants. Différentes approches de lutte ont été recommandées par le SPV pour lutter contre le ravageur, dont l'utilisation de pesticides binaires à base d'organo-phosphorés et de pyréthrinoïdes sur le maïs en grains. La contrainte majeure à l'application de cette approche de lutte par les paysans est l'égrenage du maïs. Par ailleurs, les risques liés à l'utilisation par ces derniers de produits de traitement non recommandés sur maïs en spathes ont amené le SPV à étudier, sans résultats positifs, la possibilité d'utiliser des insecticides moins toxiques pour la conservation du maïs en spathes. En conséquence, sur la base des résultats appréciables en matière de lutte biologique contre le ravageur, le SPV recommande et vulgarise depuis quelques années des approches de lutte intégrée, avec pour composante principale la lutte biologique. La présente communication fait le point des acquis en matière de lutte contre P. truncatus et examine les perspectives pour une gestion intégrée et durable du ravageur au Bénin.

Introduction

Les récoltes des cultures vivrières subissent d'importantes pertes causées par les insectes nuisibles pendant toute la durée de stockage. La plupart de ces nuisibles post-récolte sont transportés depuis le champ lors de la récolte jusque dans les structures de stockage. Il convient donc de protéger les récoltes par des stratégies de lutte qui intègrent différentes mesures pour une protection durable des denrées.

Les Acquis

Le complexe d'insectes nuisibles

Les principaux insectes qui vivent dans des stocks au Bénin appartiennent aux ordres des coléoptères et des lépidoptères. Ces insectes nuisibles infestent les denrées et les rendent impropres à la consommation. Au nombre des coléoptères nuisibles au maïs se trouvent le charançon, Sitophilus zeamais, le capucin des grains, Rhizopertha dominica, le Tribolium spp., le sylvain dentelé, Oryzaephilus surinamensis, le cucujide roux, Cryptolestes ferrugineus. Les principaux lépidoptères (teignes) sont la pyrale, Corcyra cephalonica, l'alucite des céréales, Sitotroga cerealella, Cadra cautela, et Plodia interpunctella qui peuvent causer des dégâts appréciables aux grains et farines de maïs en stockage. A ce complexe d'organismes nuisibles s'est ajouté, depuis une dizaine d'années, le grand capucin du maïs, P. truncatus, introduit accidentellement de l'Amérique Centrale et du Mexique. P. truncatus se distingue des autres insectes ravageurs par une incidence plus forte sur le maïs, sur divers autres produits stockés et même sur les matériaux de construction. L'infestation des stocks de maïs par P. truncatus se traduit par des pertes très sensibles chez les petits producteurs.

Les Principales Mesures de Lutte

Les mesures d'hygiène

Face au danger permanent qu'est la destruction de la production agricole en cours de stockage, différentes mesures de protection, notamment préventives et chimiques, ont été préconisées par le SPV pour sauvegarder les récoltes qui subissent des pertes occasionnées par les ravageurs cités plus haut. C'est ainsi que, pour protéger les denrées stockées, le SPV préconise entre autres des mesures d'hygiène (triage des épis et/ou grains, nettoyage des structures de stockage après chaque campagne), la récolte au moment propice et des traitements chimiques.

La lutte chimique

L'utilisation d'insecticides, notamment l'Actellic PP (Pyrimiphos-méthyle 2%) pour la plupart des nuisibles, l'Actellic Super PP (Pyrimiphos méthyle & Perméthrine) et le Sofagrain PP (Deltaméthrine 0,05% & Pyrimiphos méthyle 1,5%) en cas de présomption d'infestation par P. truncatus, a été recommandée pour le traitement du maïs grain à la dose de 50 g pour 100 kg de grains pour assurer une bonne conservation des stocks.
Si la pratique d'utilisation des pesticides est entrée dans les habitudes, les résultats en ce qui concerne le niveau de protection des stocks sont très variables. En effet, au Bénin, les dommages occasionnés par le grand capucin du maïs sur les stocks des petits paysans, qui stockent en spathes dans les greniers traditionnels, sont plus élevés qu'au niveau des grands producteurs possédant des structures améliorées de conservation et qui mettent en pratique les recommandations du Service de la Protection des Végétaux. Les investigations pour comprendre les freins à l'application de cette méthode ont montré que les paysans n'ont souvent pas le temps matériel de déspather le maïs avant le stockage et continuent de conserver leurs stocks en spathes. L'application des produits poudre pour poudrage offre une protection limitée à la surface de la marchandise stockée. Les insectes se trouvant dans l'épi avant l'application de l'insecticide, recouverts par les spathes, ne sont pas atteints par le produit et il en résulte une lutte peu efficace. L'utilisation des pesticides cités ci-dessus pour le traitement du maïs en spathes donne donc des résultats malheureusement peu encourageants. Dans le souci de protéger à tout prix et à peu de frais leurs stocks, les paysans se sont résolus à utiliser divers produits non recommandés, notamment les produits de traitement des cultures cotonnières et d'autres substances d'origine souvent douteuse.
Face à cette situation, et tenant compte des vœux des paysans qui souhaitent disposer d'un produit de traitement du maïs en spathes, le SPV a envisagé l'utilisation de produits de traitement disponibles en milieu paysan et présentant de faibles risques par rapport aux produits de traitement du cotonnier. Pour ce faire, un test de protection du maïs en spathes contre les insectes nuisibles aux stocks a été initié et mis en place dans le département de l'Ouémé, dans le sud-est du pays.
Les pesticides utilisés étaient le Kinikini CE (Cyfluthrine 9,6 g/l & Malathion 400 g/l) et le Sherlone CE (Cyperméthrine 30 g/l & Phosalone 500 g/l) à la dose de 50 ml de produit commercial dans 2 l d'eau pour traiter une tonne de maïs. Il ressort de ce test insecticide qu'aux doses utilisées, aucun des deux pesticides n'a été efficace pour la protection du maïs en spathes. A partir du quatrième mois, les pourcentages de dégâts et les pertes enregistrées étaient si élevés que les paysans avaient été obligés de déstocker leur maïs.

Les approches de lutte biologique

La lutte biologique constitue la composante essentielle de la lutte intégrée et pourrait garantir une protection durable des stocks contre le grand capucin du maïs. C'est sur la base des résultats fort appréciables dans ce domaine que le SPV a résolu de s'engager dans l'application des acquis de la lutte biologique à travers la mise en œuvre de différentes activités.

Le suivi de la distribution du ravageur

Dans ce cadre, le SPV a initié et/ou exécuté un certain nombre d'actions en collaboration avec le projet Supra Régional GTZ de lutte contre le Grand Capucin du Maïs. Au nombre de ces actions se trouvent les observations ponctuelles sur le terrain, les ateliers de planification, les séminaires de développement de technologies participatives post-récolte et les lâchers de l’ennemi naturel de P. truncatus, le prédateur Teretriosoma nigrescens.
La poursuite des prospections a pour objectifs l'identification d'autres sites d'infestation et la réalisation de lâchers de T. nigrescens en vue d'augmenter la population existante pour une action plus efficace au niveau des greniers.

La formation et la production de masse de l'insecte utile

Conscient de la part importante de la Lutte Biologique dans l'approche de lutte intégrée pour une gestion durable des insectes nuisibles des stocks, et tenant compte des performances de l'ennemi naturel T. nigrescens et des résultats encourageants de son lâcher dans certains pays de la sous-région tels que le Togo et le Ghana, il était apparu important pour le SPV d'installer et de conduire une unité d'élevage du prédateur naturel de P. truncatus. C'est ce qui a justifié le stage de formation sur les techniques d'élevage de T. nigrescens, prédateur naturel du grand capucin du maïs. La formation avait pour but de renforcer les capacités techniques du SPV pour la mise en place et la conduite d'un élevage de l'ennemi naturel.
Cette formation de cinq jours s'est déroulée à l'IITA-Bénin grâce à l'appui financier du Projet Supra Régional GTZ. Elle a permis à un technicien du SPV de s'initier aux différentes phases de conduite d'un élevage, notamment l'installation et le maintien de la culture pure du ravageur et l'élevage de masse de l'insecte utile.

Les Perspectives

Depuis l'introduction du ravageur et au terme de plusieurs années de lutte, il se confirme que la lutte contre le grand capucin du maïs se présente beaucoup plus en termes de lutte collective que de lutte individuelle. Cet aspect collectif de la lutte se traduit par la collaboration entre les différents services, institutions et organisations intervenant dans le domaine de la protection des stocks ainsi que par la collaboration avec les paysans qui sont les principaux bénéficiaires des mesures mises en application. C'est ce qui justifie qu'en plus des mesures de lutte proprement dites, le SPV mette en œuvre d'autres activités, notamment la sensibilisation des populations sur le réel problème que pose le ravageur afin d'engager une lutte efficace et durable contre ce dernier.

De façon globale, les objectifs visés à travers l'exécution des différentes activités sont:

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mieux informer et sensibiliser les producteurs, les commerçants, les consommateurs et les autorités politico-administratives sur l'existence et les risques liés à l'introduction du ravageur;

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mettre en place et rendre opérationnel un système de gestion intégrée et durable du ravageur dans toutes les localités infestées.

Pour atteindre ces objectifs, les principales actions ci-après sont envisagées:

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Poursuite de la surveillance du ravageur dans toutes les zones agro-écologiques du pays;

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Renforcement des capacités de l'unité de production de masse de T. nigrescens installée au SPV;

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Réalisation de lâchers de T. nigrescens dans trente localités reconnues infestées et suivi de l'établissement de l'ennemi naturel.

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Installation à titre d'unités de démonstration de dix greniers dans cinq sous-préfectures (à raison de deux greniers par localité) fortement infestées par Ptruncatus pour le suivi par les paysans et en milieu réel de l'impact des lâchers de T. nigrescens dans le cadre de la protection intégrée des stocks;

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Réactualisation et édition de fiches techniques en français et en plusieurs langues nationales afin de mieux sensibiliser et informer les producteurs sur l'utilité d'une bonne conservation des denrées;

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Organisation de journées de réflexion sur la lutte biologique contre P. truncatus: Il est prévu deux journées de réflexion, l'une dans le sud et l'autre dans le nord, regroupant les participants des sites où les lâchers seront effectués. Ces journées seront des journées de sensibilisation et de réflexion sur l'ampleur de l'infestation de P. truncatus et sur les paniers technologiques disponibles;

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Conception et diffusion d'émissions sur les antennes de la radio nationale, des radios rurales locales et des radios privées du pays.

Conclusion

Le souci du SPV est de mieux s'imprégner des actions menées dans le cadre de la lutte contre le P. truncatus et de les mettre en œuvre dans un système de gestion intégrée du ravageur en vue d'une lutte efficace et durable.

 

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