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Table of contents


3 Division du travail selon le sexe

3.1 Profil des tâches

Organisation sociale du travail selon le sexe

Les rôles et les conditions de travail ne sont pas statiques; ils sont sans cesse redéfinis en fonction des changements sociaux. C'est ainsi que, par exemple, les activités qui, jadis, s'exerçaient dans le cadre d'actions communautaires villageoises, sont de plus en plus souvent rémunérées - les villageois(es) les plus pauvres travaillent chez les plus riches.

Avec la raréfaction du facteur main-d'oeuvre, les coûts d'opportunité prennent eux aussi de l'ampleur: l'achat de riz décortiqué pour la préparation des repas peut parfois se révéler plus économique que le décorticage et le nettoyage fastidieux du riz au foyer. Les femmes peuvent alors utiliser plus efficacement leur force de travail et leur temps pour les travaux des champs.

Division du travail au sein de la famille

La désintégration progressive des structures familiales entraîne aussi des changements dans la division du travail qui s'opèrent souvent au détriment des femmes. Outre les tâches domestiques qui leur incombent traditionnellement, comme l'approvisionnement fastidieux et pénible en eau et en bois de chauffe par exemple, les femmes sont de plus en plus souvent mises à contribution dans des domaines qui relevaient autrefois de la responsabilité des hommes.

Le travail au sein de la famille est organisé et divisé en fonction de la taille de la famille, de la disponibilité et de l'ampleur des travaux à accomplir dans les champs des femmes. La désintégration de la grande famille en petites familles entraîne souvent une pénurie de main-d'oeuvre familiale, si bien que l'apport de la femme devient indispensable dans tous les domaines de l'agriculture. Dans les cas où les femmes disposent de leurs propres champs, les hommes s'attendent généralement à ce que ces champs soient cultivés par les femmes elles-mêmes ou avec l'aide de leurs enfants - alors qu'elles-mêmes sont obligées de participer en priorité au travail des champs de leur mari. Les changements affectant la structure familiale ont pour effet de réduire la disposition et la capacité des hommes à apporter leur aide.

Dans les activités de projet concrètes, on a besoin de connaître la répartition du travail pour deux raisons. D'abord, ces informations servent à identifier les groupes cibles auxquels s'adressent les activités des projets. Ensuite, elles constituent d'importants indicateurs pour déterminer l'impact des activités des projets sur les femmes et sur les hommes.

Transformation

La production et la transformation des produits agricoles constituent, dans de nombreux pays, des activités séparées qui incombent à des personnes différentes. Ainsi, dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, la transformation du manioc en gari est une activité classique de petites productrices indépendantes qui en tirent une importante source de revenu. En revanche, la culture du manioc est souvent une affaire d'hommes. Toutefois, étant donné que le choix des variétés, le volume et l'intensité de la production peuvent avoir des effets sur les processus de transformation en aval (variété peu adaptée à la production du gari, distances plus longues / volumes plus importants à transporter), les femmes sont des interlocutrices compétentes et motivées pour les projets relatifs à la production et à la transformation.

L'organisation sociale du travail selon le sexe dans le secteur post-récolte (voir chapitre 1, Introduction) appelle les questions suivantes:

  • Qui s'acquitte de quelles tâches?
    • les femmes;
    • les hommes;
    • les enfants et les jeunes (garçons / filles).
  • Le travail est-il effectué au sein de la famille ou à l'extérieur?
  • Dans quelles conditions les tâches sont-elles exécutées?
    • pour le compte personnel;
    • rétribution en espèces / nature;
    • échange de services.
  • Comment est organisée chacune des activités?
    • de manière individuelle;
    • de manière collective.

Activités génératrices de revenus

Dans de nombreux cas, les femmes ont d'autres sources de revenus que les hommes. Afin de consolider ou de créer des sources de revenus particulières aux femmes, il faut supprimer les freins tels que l'insuffisance de capitaux, le manque de mobilité et l'absence de transparence au niveau du marché. Pour que les projets intègrent correctement ces paramètres dans leurs activités, il est nécessaire d'élucider les questions suivantes:

  • Quelles sont les activités qui génèrent des revenus au lieu de résidence / dans la région d'intervention du projet?
    • celles des femmes;
    • celles des hommes.
      (différenciées à chaque fois selon l'âge, la couche sociale et l'ethnie)
  • Quelles sont les activités qui génèrent des revenus en dehors du lieu de résidence / de la région d'intervention du projet?
    • entreprise agricole;
    • affermage;
    • travail salarié;
    • activité non agricole;
    • part de revenu agricole / non agricole;
    • part de revenu en espèces / en nature;
    • part de revenu tirée d'un travail saisonnier (migration temporaire / permanente);
    • période d'acquisition des revenus (toute l'année / saisonnièrement).
  • Quelles activités non rémunérées sont exercées par les femmes et les hommes au lieu de résidence?
    • activités agricoles;
    • activités domestiques;
    • activités honorifiques (soins de santé à l'échelon villageois, associations, etc.).

En raison de leurs obligations financières croissantes, les femmes attachent une grande importance aux activités génératrices de revenus (voir section 3.2). Elles seront donc plus motivées et plus prêtes à agir si elles peuvent disposer en toute indépendance des denrées produites (voir section 4.2). Il convient toutefois de noter que ces activités génératrices de revenus ne devraient pas - comme c'est souvent le cas dans la pratique - représenter une charge supplémentaire pour les femmes.

Il ne faut pas non plus oublier que les activités sources de revenus ont parfois des répercussions négatives - atteintes à la santé, niveau de formation plus faible, etc.

Effets négatifs des activités génératrices de revenus

La fabrication du gari (produit préparé par fermentation du manioc) produit généralement des émanations de fumée, de chaleur et d'acide cyanhydrique. Ceci est même le cas dans de grandes unités de production lorsque les foyers ne sont pas bien construits. Cette fabrication étant essentiellement assurée par les femmes, c'est la santé de ces dernières et des bébés qu'elles portent sur le dos qui est mise en péril.

Dans les 'chop-bars' de Kumasi, ce sont souvent des jeunes filles qui sont employées par mesure d'économie. Si celles-ci ont ainsi la possibilité d'améliorer leurs revenus ainsi que la situation économique globale de leur famille, elles restent privées de l'accès à une éducation formelle de plus haut niveau.

Au niveau des projets, ces aspects doivent être pris en compte dans la conception d'activités génératrices de revenus.

Commerce

En Afrique de l'Ouest, le commerce - surtout celui des produits agricoles - joue un rôle prépondérant en raison des revenus qu'il peut procurer aux femmes.

Au Mali et au Burkina Faso, le petit élevage et le petit commerce sont des gagne-pains importants et appréciés des petites exploitantes. On distingue trois formes principales de petit commerce:

  • a vente de produits à l'état brut (mil, arachides, riz, haricots, pois, noix de karité, graines de néré, oignons, épices);
  • la vente de produits transformés (bière de mil, beurre de karité, soumbala, pâte et tourteaux d'arachide, tabac, cotonnades, nattes tressées, etc.);
  • la vente de mets (riz en sauce, riz au gras, beignets, galettes, foura, arachide/petits pois bouillis ou grillés).

La vente de produits transformés et la préparation de mets prennent une place prépondérante. Au Burkina Faso, la production du dolo est une activité particulièrement prisée - en grande partie favorisée par les nombreux projets de forage de puits qui ont amélioré l'approvisionnement en eau. Au Mali, en revanche, ces activités restent secondaires, pour des raisons surtout socioculturelles. Dans les deux pays, la vente de produits non transformés joue un rôle relativement accessoire.

Dans plusieurs régions africaines, la commercialisation des produits de plein champ sont aussi des sources de revenus potentielles pour les femmes. Le taro, par exemple, que les hommes rejettent en raison de ses effets prétendument négatifs sur leur fécondité, a une plus grande valeur nutritionnelle et physiologique que beaucoup d'autres produits, dont le manioc (il est utilisé par exemple dans l'alimentation des enfants ou dans le régime des malades). Les femmes pourraient en tirer profit et créer un débouché pour les produits à base de taro.

Activités non rémunérées

Dans le domaine des activités non rémunérées, certaines mesures permettent de gagner du temps et d'alléger le travail (suppression de la mouture manuelle des céréales grâce à l'introduction de moulins, réduction du temps et de l'énergie consacrés à la recherche de bois de chauffe grâce à l'utilisation de foyers permettant d'économiser l'énergie, etc.). Ainsi libérées, les femmes peuvent s'engager davantage dans des activités génératrices de revenus. Toutefois, pour que de telles solutions soient réalisables, il faut que la position sociale respective des femmes et des hommes ainsi que les rapports de force entre les sexes le permettent. L'introduction de tech-nologies d'allégement du travail peut aussi avoir des effets contraires, comme le montre le récit suivant venu du Sénégal.

Le moulin

(d'après un récit de Fatime C. Ndiaye (CONGAD INFOS N°12/1991))

En entendant l'annonce à la radio, Maïmouna se rappelle avec quel enthousiasme elle avait jadis parlé aux femmes de son village, à quel point elle était convaincue que les femmes devaient collaborer au projet, à leur projet. Elle croyait qu'avec le moulin à mil, elles pourraient dormir une heure de plus et prendre part au cours d'alphabétisation. La pompe à eau leur donnerait du temps pour un brin de causette et elles pourraient souvent se rencontrer sous le kapokier pour se coiffer les unes les autres.

Maïmouna aurait plus de temps pour son jardin potager et son petit champ. La nuit, elle faisait mentalement le compte de ses recettes supplémentaires et imaginait tout ce qu'elle ferait avec cet argent. Elle voulait commencer modestement, car les premières recettes ne seraient certainement pas énormes. Il fallait d'abord réparer la palissade et faire faire de nouveaux habits pour les enfants. Ensuite, quand le potager et le champ rapporteraient plus, elle s'achèterait alors les bracelets en argent dont elle avait toujours rêvé, et irait à Dakar. Dakar, ville des lumières. A Dakar elle rendrait visite à sa tante qui n'en croirait pas ses yeux en voyant les nombreux cadeaux et sa nièce lire le journal. La tante regretterait alors profondément d'être jadis partie du village.

Le temps a passé et à présent, Maïmouna ne pile plus le mil. Elle n'est plus obligée non plus de faire des kilomètres à pied pour aller chercher du bois de chauffe et de l'eau. Pour cela, elle doit maintenant, sur l'ordre de son mari, travailler davantage le champ de ce dernier, sarcler et arroser ses légumes. Son propre champ, elle n'a pas pu l'agrandir. Le Conseil des Anciens lui a fait comprendre qu'elle n'a pas droit à la terre et qu'elle peut s'estimer heureuse d'en avoir reçu de son mari.

Quoiqu'il en soit, elle a aujourd'hui le plus beau jardin du village et elle en a même été félicitée par le projet et le Préfet. Cependant, personne ne lui a demandé ce qu'il est advenu de l'argent tiré de la production maraîchère. Elle n'aurait pu rien raconter de bon. Depuis qu'elle a quelques sous supplémentaires, Karim refuse d'acheter les livres scolaires et des vêtements pour les enfants. Même les épices pour le couscous, il ne les paie plus. C'est si embarrassant pour elle qu'elle évite d'en parler. Depuis peu, Karim estime même qu'elle doit lui financer aussi son tabac et ses noix de cola. Grâce à Maïmouna, il a économisé beaucoup d'argent, si bien qu'il peut - plus tôt que prévu - prendre une deuxième femme. Le bélier a déjà été acheté !

Mais à quoi bon se plaindre?. Le village tout entier est plein d'admiration pour le courage et le dynamisme de Maïmouna. Elle sert d'exemple à toutes les femmes qui ne veulent plus se résigner à leur sort. La bouillie sur le feu est en train de déborder. Maïmouna oublie ses rêves, elle doit réveiller les enfants. Dans son village, on dit qu'il n'y a que deux possibilités pour les femmes: "Mut Mba Moot" - se soumettre ou partir. Mais où?

3.2 Répartition du travail dans le temps et selon le sexe

Les analyses de la division journalière et saisonnière du travail des femmes et des hommes font ressortir des différences considérables selon le sexe. Au niveau des projets, il est intéressant d'effectuer des enquêtes sur le volume et la division journalière et saisonnière du travail afin d'identifier les charges et les capacités de travail respectives des femmes et des hommes. On s'intéressera ici aux questions suivantes:

  • Comment se présente la charge de travail totale des femmes et des hommes en termes de temps?
  • Comment se présente le calendrier journalier des femmes, des hommes et des enfants?
    • différencié selon les périodes de l'année
  • Comment se répartissent les différentes activités des femmes et des hommes sur la journée / l'année?
    • nombre d'heures de travail par an;
    • nombre d'heures de travail par mois / saison (pluvieuse ou sèche);
    • nombre d'heures de travail par jour.
  • Quels sont les temps de marche quotidiens / annuels des femmes et des hommes (avec et sans fardeaux)?
    • décompte du temps de marche.
  • Combien de temps le projet exige-t-il des femmes et des hommes?
  • Combien de temps les femmes peuvent-elles de manière réaliste consacrer à certaines activités du projet, compte tenu du temps limité dont elles disposent généralement?
  • De quelle manière le projet peut-il contribuer à réduire la charge temporelle, en particulier pour les femmes?
  • A quels moments de la journée, de la semaine et de l'année devraient se dérouler les activités du projet (formations, etc.) qui s'adressent spécifiquement aux femmes et / ou aux hommes?

Parmi toutes les méthodes d'enquête participatives qui étudient le volume et la division du travail en différenciant selon le genre, les calendriers de travail constituent un outil précieux. Dans ces calendriers, les femmes et les hommes recensent d'eux-mêmes leurs activités, comparant la répartition de la charge de travail sur l'année, ce qui fait apparaître les périodes de pointe.

L'exemple de calendrier ci-après a été établi à l'initiative d'un projet par des paysannes du Burkina Faso. Les discussions qui partent d'un tel calendrier peuvent significativement contribuer à une meilleure conception du projet. En particulier, la discussion portera sur les questions suivantes:

  • En quoi les activités ont-elles changé par rapport au passé?
  • Comment a évolué la charge en terme de temps?
  • Est-ce qu'une charge croissante s'accompagne d'une prospérité croissante?
  • Quelles stratégies les femmes ont-elles élaborées concernant la division du travail avec leurs maris?

Calendrier annuel de la femme

Janvier Petit commerce, filage du coton, préparation du dolo et repas des fêtes coutumières et funérailles, voyages pour participation aux cérémonies coutumières, funérailles, mariages
Fevrier Petit commerce, filage de coton, funérailles, mariages
Mars Ramassage des cailloux et confection des diguettes, transport du fumier dans les champs, filage du coton, orpaillage, petit commerce, coupe de bois de chauffe pour les réserves de la saison pluvieuse, ramassage et mise en tas de la paille, vannage et stockage du mil
Avril Petit commerce, filage du coton, ramassage des cailloux et confection des cailloux, épandage du fumier, coupe de bois de chauffe, ramassage de la paille, vannage et stockage du mil, orpaillage
Mai Débroussaillage des champs, étalage de la paille et du fumier, confection des diguettes, coupe de bois de chauffe, filage du coton, petit commerce, tri des semences, décorticage des arachides, semis s´il y a pluie
Juin Débroussaillage, tri des semences, décorticage des arachide, semis, labour
Juillet Semis, labour, sarclage
Aout Buttage, démariage repiquage, désherbage, récolte du maïs
Septembre Recherche des feuilles pour les sauces (oseille, "boulvanka"), séchage des feuilles, ramassages du haricot, récolte des pois de terre, des arachides, du maïs et confection en panicules, récolte du gombo
Octobre Recherche des feuilles et séchage, ramassage du haricot, récolte du gombo, pois de terre, arachide, récolte du mil
Novembre Récolte du mil, séchage et stockage récolte des arachides, ramassage du haricot, récolte graines d´oseille, récolte du sésam
Decembre Stockage dans les greniers, préparation du mil germé pour le dolo des cérémonies coutumières, filage de coton, petit commerce


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