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4 Accès aux ressources et contrôle des ressources

4.1 Accès aux ressources matérielles et financières ainsi qu'aux services

Bien que les femmes jouent un rôle central dans l'agriculture, en particulier dans le secteur post-récolte, leur accès aux ressources matérielles et financières (terre, moyens de production, argent sous forme de crédits ou autres) et aux services (utilisation de main-d'oeuvre, etc.) est plus limité que celui des hommes. Par exemple, les titres fonciers sont établis essentiellement au nom des chefs de famille - la plupart du temps du sexe masculin - et les femmes n'ont donc qu'indirectement accès à la terre, par l'intermédiaire de leur père ou de leur époux.

Accès aux ressources financières

La section qui suit s'intéresse particulièrement à l'accès aux ressources financières: les femmes qui ne sont pas issues de familles nanties ne disposent généralement, au début de leur union, que d'un petit capital de démarrage qu'elles investissent le plus souvent, avec les gains qu'elles ont pu en tirer, dans la transformation et/ou dans un petit commerce. Ce faible capital est souvent épuisé en peu de temps à la suite de déboires commerciaux ou après des grossesses. Dans de telles circonstances, les femmes ne peuvent de nouveau disposer de moyens financiers que lorsque des banques ou des groupes d'épargne et de crédit leur offrent l'accès à des crédits.

Indépendance économique

Souvent, les femmes estiment qu'il relève de l'exploit d'entreprendre une activité économique entre les grossesses, car à chaque nouvel enfant, elles dépensent leur capital et leurs économies et sont de nouveau très dépendantes du mari... Au cours d'un séjour au village d'Atotinga (Bénin), l'on a observé comment des femmes - qui avaient déjà cinq ou six enfants chacune - se battaient pour ne pas se retrouver enceintes car elles voulaient étendre leurs activités économiques. Cependant, les maris se targuaient de leurs propres droits conjugaux et luttaient contre l'indépendance croissante de leurs femmes. Ils bénéficiaient en cela du soutien de l'opinion publique qui s'érigeait contre les femmes qui aspirent trop souvent à une indépendance économique et négligent de ce fait leurs devoirs conjugaux... Il est frappant de noter que les commerçantes prospères d'Atotinga sont souvent des femmes âgées ou ayant relativement peu d'enfants..." (FEIL 1995, p. 50).

Accès aux ressources matérielles et aux services

L'introduction de nouveaux procédés de transformation des récoltes (par exemple, la fabrication de nouveaux types de produits ou l'amélioration de la productivité grâce à des nouveautés technologiques) soulève diverses questions.

  • Qui dispose des ressources nécessaires pour faire le travail?
    • terre, eau, machines / outils, installations de séchage et de stockage, main-d'oeuvre, savoir-faire.
  • Qui finance les machines nécessaires?
  • Qui dispose de moyens de transport?
  • Qui construit les structures pour le stockage intermédiaire ou final?
  • Qui développe les réseaux de distribution?
  • Qui décide des conditions de mise à disposition des ressources?
    • moment;
    • lieu;
    • coûts.

Les projets ont besoin d'étudier les différences d'accès aux ressources entre femmes et hommes pour en tenir compte dans leur configuration.

Utilisation de bêtes de trait pour actionner les moulins à manège

Des moulins à manège ont été introduits pour répondre aux attentes des femmes, en particulier pour alléger leur travail et leur faire gagner du temps.

Cependant, dans de vastes régions d'Afrique, l'utilisation de bêtes de trait pour faire tourner des manèges se heurte à plus de difficultés que prévu. Dans la majorité des cas, ce sont les hommes qui disposent des bêtes de trait d'un ménage, et ils ne sont pas prêts à renoncer à ce droit d'utilisation. Même en temps de faible occupation, ils préfèrent laisser les bêtes se reposer afin que - disent-ils - celles-ci restent en forme pour des tâches plus importantes (travaux des champs et transport). D'où les possibilités limitées qu'ont les femmes d'utiliser les bêtes de trait pour actionner les moulins à manège.

Dans les pays où les femmes ne disposent pas par principe de bêtes de trait pour actionner des moulins à manège (Burkina Faso), elles sont obligées de se regrouper pour acheter un animal. En outre, les femmes ont souvent peu l'habitude des animaux et doivent donc recourir à l'aide d'un homme. Dans la pratique, cette situation soulève un certain nombre de problèmes:

  • frais supplémentaires pour le paiement d'un meunier et dépendance de la bonne volonté et de la disponibilité de ce dernier;
  • détermination des personnes compétentes et responsables de l'animal;
  • les femmes ayant des difficultés économiques ne peuvent généralement s'offrir qu'un âne misérable qui ne peut pas fournir le travail requis.

S'agissant de l'accès aux prestations de services, les rapports entre, d'une part, le personnel, majoritairement masculin, des projets et des services nationaux de vulgarisation et, d'autre part, les femmes appartenant au groupe cible sont quelquefois difficiles. Les relations entre ces deux groupes de personnes sont souvent marquées par un manque d'acceptation réciproque ainsi que par une prise en compte insuffisante des besoins des femmes par le personnel des projets et de l'État. Au niveau des projets, il convient par conséquent de déterminer:

  • Quels sont les services-conseils qui sont demandés par les femmes / hommes?
  • Quels sont les services-conseils qui sont offerts aux femmes / hommes?
  • Quel est l'accès aux services-conseils offerts?
    • personnel de vulgarisation (masculin / féminin);
    • approche de vulgarisation;
    • groupes cibles;
    • fréquence;
    • coûts;
    • résultats.

Stratégies individuelles et collectives d'allocation des ressources1

Dans presque tous les pays d'Afrique de l'Ouest, il existe des groupes d'épargne et de crédit qui fonctionnent bien. La combinaison d'une organisation communautaire des crédits avec leur utilisation individuelle s'est révélée relativement réussie. En revanche, les installations financées et exploitées collectivement, comme les moulins et les banques de céréales, ont eu moins de succès - qu'elles soient gérées par des hommes, des femmes ou des groupes mixtes. Les facteurs en cause ici sont, entre autres, les insuffisances organisationnelles, le peu de sens des responsabilités, les disputes au sujet des réparations, l'utilisation des réserves et des bénéfices, l'enrichissement arbitraire et la faible rentabilité par rapport aux entreprises privées des individus.

Crédits communautaires pour des entreprises individuelles

Des femmes burkinabé ont accueilli avec réserve un projet qui conditionnait son aide financière à la conservation, la transformation et la commercialisation collectives des produits. Les femmes considéraient leurs produits comme des réserves de liquidités auxquelles elles ne voulaient en aucun cas renoncer.

En revanche, le groupe cible a accepté un crédit communautaire pour le stockage spéculatif d'arachides que les femmes partageaient entre elles afin de pouvoir ensuite en acheter, en stocker et en vendre individuellement (en spéculant sur les prix). Par la suite, le crédit a été remboursé collectivement.

L'entreprise avait pour but de garder une partie des produits au village et de réaliser un bénéfice permettant d'accroître le capital communautaire (GTZ-PfN 1994).

En règle générale toutefois, l'on note que les femmes ont un grand intérêt pour les "projets destinés aux groupements féminins". Cela est souvent dû au fait qu'elles ne sont pas en mesure de supporter seules les coûts d'investissement et que de ce fait, elles s'accommodent, bien qu'elles n'y soient pas favorables, de l'exécution communautaire des activités souhaitée par les bailleurs de fonds. Au niveau des projets, il serait donc judicieux de réfléchir à des modèles qui permettent aux femmes de financer à la fois des commerces individuels et des investissements grâce à des crédits de groupes. Il faut également envisager la possibilité d'octroyer des crédits à des individus. Il convient d'éclaircir les questions suivantes:

  • Quelles sont les possibilités offertes aux épargnants et aux épargnantes?
    • groupes d'épargne et de crédit distincts pour les hommes et les femmes
    • banques
  • Comment est régulé l'accès au crédit?
    • bailleur de fonds;
    • emprunteurs/emprunteuses
    • hauteur de crédit;
    • durée;
    • intérêts;
    • garanties.
  • Quelles sont les stratégies individuelles / collectives qui existent?
    Dans le cas de stratégies collectives:
    • objectifs des groupements existants (octroi de crédits / subventions, avantages comparatifs);
    • genèse (spontanéité, contrainte);
    • financement;
    • dynamique de groupe;
    • efficience (en particulier dans la résolution de problèmes individuels).
  • Comment peut-on appuyer chacune de ces stratégies?

4.2 Contrôle des ressources et des biens produits

Pouvoir de disposition des hommes sur la propriété des femmes

Outre le fait qu'ils ont de meilleures chances d'accès aux ressources, les hommes ont souvent un pouvoir de disposition et de contrôle sur la propriété foncière, sur les moyens financiers et sur d'autres ressources. Dès lors, il n'est pas rare de les voir aussi disposer de manière autoritaire des biens produits par leurs femmes, leur mère et leurs filles.

Pour la formulation des projets, il importe par conséquent d'éclaircir les questions suivantes:

  • Comment est utilisé le fruit du travail?
    • proportion réservée à l'autoconsommation;
    • proportion destinée à la commercialisation.
  • Qui décide de l'utilisation des biens produits?
  • A qui revient le revenu qui en est tiré?
  • v
    • disposition intégrale / restreinte.

Contrôle des ressources financières

Dans quelques régions du Nord Ghana, la culture de l'igname est traditionnellement une affaire d'homme, mais sa commercialisation est assurée par la femme, moyennant une commission qu'elle reçoit de son mari. Dans des discussions avec des femmes, il est apparu que ces commissions sont très différemment utilisées: il n'est pas rare que des hommes gardent purement et simplement la commission. C'est ainsi que plusieurs des femmes interrogées ont raconté qu'elles gardent les fonds gagnés auprès de leurs frères ou d'autres membres de leur famille (sous forme de petits animaux, par exemple) afin d'éloigner ainsi leurs biens de l'emprise de leur mari (GTZ - PfN 1995).

Allant de pair avec la charge croissante des femmes, des changements s'opèrent au niveau des obligations financières familiales, qui ont tendance à peser davantage sur les épaules des femmes. La contribution des femmes à l'entretien de la famille prend de plus en plus d'importance. Dans la plupart des sociétés ouest-africaines, les femmes exploitent leurs propres champs et entretiennent leurs propres structures de stockage.

Officiellement, elles disposent des produits qu'elles ont récoltés et entreposés (voir section 4.2.), mais dans la réalité, elles sont de plus en plus confrontées à des luttes de répartition au sein de la famille.

Le grenier de la femme

Des enquêtes réalisées dans le Cercle de Kolikouro (Mali) et dans la Province de Sanmatenga (Burkina Faso) ont montré que dans ces régions, il n'existe pas de greniers communs où chaque membre de la famille peut se servir selon ses besoins. Les responsabilités et le pouvoir de disposer du contenu des greniers se règlent donc individuellement. C'est ainsi que l'on trouve par exemple le grenier du chef de famille, du chef de ménage et le grenier de la femme. En général, les femmes construisent elles-mêmes tout au moins les petits greniers (canaús) et y entreposent aussi bien leur propre production que la rétribution en nature qu'elles reçoivent de leur mari pour les travaux des champs.

Avec les armes d'une femme

Des recherches à Atotinga (Bénin) ont révélé que plusieurs hommes menacent de rompre leur engagement (leurs responsabilités vis-à-vis de la famille) si leurs femmes ne ramènent pas le maïs qu'elles produisent dans le ménage. Cependant, celles-ci essaient de vendre leur maïs le plus rapidement possible après la récolte pour échapper à l'obligation sociale de mettre leur récolte à la disposition de la famille. L'on a constaté chez des femmes nanties que quelques unes avaient aménagé un grenier à maïs à des fins commerciales. Une autre stratégie utilisée par les femmes consiste à cultiver pour la vente des produits tels que des tomates et du niébé qui sont peu consommés dans le ménage. Les femmes déploient ainsi une stratégie novatrice afin d'échapper à la fonction de deuxième 'soutien de famille' qui leur est culturellement attribuée. Étant donné qu'au niveau villageois, elles sont généralement en position de faiblesse par rapport aux hommes, elles ne peuvent pas manifester leur opposition ouvertement. Néanmoins, cela ne les empêche pas de tirer le plus possible profit de la marge de manoeuvre qui leur est accordée. (voir FEIL 1995, p. 217)

Il est évident que dans ce cas et dans des circonstances similaires, les projets qui sont mis en place pour améliorer le stockage afin de profiter des variations saisonnières des prix passent totalement à côté des besoins des femmes.

Propriété en cas de rupture du mariage

En cas de rupture du mariage par décès ou par divorce, les femmes n'ont souvent plus accès aux ressources matérielles essentielles (terre, argent), aux services (utilisation de leurs enfants comme main-d'oeuvre) et aux biens produits (récoltes, etc.) ou elles en perdent la maîtrise. Afin de pouvoir tenir compte de ce facteur dans la formulation des projets, il importe de savoir:

  • Quelles sont les conséquences de la mort d'un conjoint / d'une séparation?
    • réglementation en matière de droit de succession;
    • frais d'enterrement, de divorce;
    • accès aux ressources et contrôle de ces dernières;
    • état de la fortune.

1 voir à ce sujet: Seibel, Hans Dieter (1996): Financial Systems Development and Microfinance. GTZ Eschborn. TZ-Verlag Rossdorf.


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