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4.6.2 Conservation des tubercules d'ignames dans des silos-fosses

Table des matières - Précédente - Suivante

On est souvent obligé de cultiver les champs d'igname à des distances considérables des zones d'habitation. Etant donné la pénurie de main-d'oeuvre, surtout en période de récolte, les paysans installent leurs structures de stockage dans le champ ou au bord du champ, ce qui permet de faire pendant la période de récolte l'économie de la main d'euvre qui serait nécessaire au transport

Le silo-fosse constitue une méthode typique de conservation dans les champs. Pour mettre en place ces silos-fosses, on creuse une fosse dont le volume correspond à peu près à celui de la récolte que l'on prévoit. Cette fosse est ensuite tapissée de paille ou de matériaux similaires (NWANKITI et MAKURDI, 1989). Les tubercules sont ensuite disposés soit à l'horizontale, les uns sur les autres, soit à la verticale, pointe vers le bas et les uns contre les autres. On ignore encore à l'heure actuelle si le mode de stockage - à l'horizontale ou à la verticale - a une incidence quelconque sur le comportement des tubercules au stockage.

Figure 1: Stockage des tubercules d'igname en silo-fosse (Source: NWANKITI et MARURDI, 1989)

Ces silos-fosses peuvent être aménagés sous la terre, ou encore de telle façon qu'une partie seulement des tubercules dépassent du sol.. La marchandise est recouverte de paille ou de matériaux similaires, que l'on recouvre parfois à leur tour d'une couche de terre. On rencontre principalement ce type de structures dans les régions à saison sèche prolongée.

Le silo-fosse offre une protection contre les pertes de poids liées à la respiration et à la transpiration des tubercules. Il présente toutefois des inconvénients, à savoir le manque d'aération et le contact direct entre les tubercules. Cette proximité entraîne un réchauffement de la marchandise stockée et, de là, la formation de pourritures (NWANKITI et KlAKURDI, 1989). Le contact entre les tubercules favorise la propagation de la pourriture à l'intérieur de la fosse. La structure fermée du silo-fosse rend impossible le contrôle régulier de la marchandise stockée. Ce type de structure permet par ailleurs aux rongeurs de se glisser facilement à l'intérieur de la fosse et donc de causer des dégâts sur les denrées stockées (ONWUEME, 1978).

4.6.3 Conservation des tubercules d'igname en tes sur le sol

Dans ce type de stockage, les tubercules sont entassés sur un tapis formé de lianes d'igname sèches. Le grenier est en général installé sous un arbre dispensateur d'ombre et recouvert de tiges de mais et de sorgho ou de matériaux similaires (FAO, 1990).

Ce type de grenier peut être réalisé sans frais supplémentaires. L'arbre dispensateur d'ombre neutralise quelque peu les changements de température qui se succèdent au cours de la journée, offrant ainsi une certaine protection contre une surchauffe de la marchandise stockée.

Ce type de grenier est mal aéré. Sa construction fermée ne permet pas de procéder à des contrôles réguliers de la marchandise, ce qui favorise une propagation rapide de la pourriture, d'où une très forte réduction de la durée de stockage possible. La marchandise stockée est également attaquée par les insectes et les rongeurs, qui peuvent se dissimuler facilement dans le grenier (NWANKITI et MAKURDI, 1989).

4.6.4 Conservation des tubercules d'igname en silos-meules

Des essais de conservation des tubercules d'igname en silos-meules ont été effectués au Nigeria. Les techniques de construction de ces silos-meules s'appuient sur l'expérience acquise dans la réalisation en Europe du Nord de silos-meules destinés au stockage des pommes de terre (WAITT, 1961). Les résultats de stockage en silos-meules obtenus au Nigeria étaient contradictoires. En effet, si ces résultats se sont avérés pour certaines espèces d'igname meilleurs que ceux obtenus sur les traditionnelles tresses verticales, certains autres étaient en revanche moins bons. Il est probable que ce sont des raisons socio-culturelles qui ont fait que les silos-meules pour le stockage des tubercules d'igname n'ont trouvé qu'un écho très limité auprès des populations locales (COURSEY, 1967).

4.6.5 Conservation des tubercules d'igname sous un abri conique fait de tiges de malts ou de sorgho

Ce type de grenier est fréquemment érigé sous un arbre à feuilles persistantes dispensateur d'ambre. Le grenier est constitué d'un abri de forme conique à la pointe dirigée vers le haut, bien qu'il puisse être également de forme oblongue, comme celui qui est représenté à la fig. 2. Les tubercules sont stockés les uns sur les autres sous le toit protecteur (N'KPENU et TOUGNON, 1991).

Ce type de grenier ne nécessite aucun investissement. Le travail supplémentaire demeure lui aussi limité. Grâce à l'ombre qu'il dispense, l'arbre atténue les variations de température survenant en cours de journée, tandis que le léger toit de protection offre une aération suffisante (ibid.).

L'intrusion possible d'insectes nuisibles et de rongeurs pose des problèmes. Le risque existe par ailleurs que des animaux, sauvages ou domestiques, à la recherche de nourriture, endommagent le toit de construction légère ou causent des dégâts alimentaires pouvant entraîner des pourritures. Du fait que les tubercules sont stockés les uns par-dessus les autres et que le toit les recouvre entièrement, il est pratiquement impossible de procéder régulièrement à un contrôle visuel de la marchandise.

Figure 2: Exemple de grenier en tiges de sorgho et de mais pour la conservation des tubercules d'igname (Source: ASIEDU, 1986)

4.6.6 Stockage des tubercules d'igname dans des cabanes d'argile

Ce type de stockage se rencontre fréquemment dans les savanes de la ceinture de l'igname, autrement dit dans les régions à saison sèche prolongée (NWANKITI et MAKURDI, 1989). Le grenier a des murs en dur, construits selon les techniques traditionnelles utilisant l'argile. Le toit est constitué d'herbe ou d'autres matériaux végétaux. Le mode de construction correspond généralement aux coutumes régionales en matière d'Architecture

Figure 3: Cabane traditionnelle en argile pour le stockages tubercules d'igname (Source: NWANKITI et MAKURDI, 1989)

Les tubercules d'igname sont entassés dans la cabane les uns sur les autres. La cabane d'argile of offre une excellente protection contre la pluie et l'exposition directe aux rayons solaires. La combinaison des murs en argile et du toit en fibres végétales a pour effet d'équilibrer les températures.

Les problèmes se posent au niveau de l'absence d'aération et de l'entassement des tubercules d'igname stockés. Ces deux facteurs favorisent en effet la formation de pourritures, sans compter qu'il est difficile de contrôler l'état des tubercules stockés (ibid.).

La construction des cabanes d'argile est relativement onéreuse et exige une certaine somme de travail. Les frais occasionnés sont toutefois compensés par un entretien minime et une durée d'utilisation de 20 à 30 ans (N'KPENU et TOUGNON, 1991).

4.6.7 Conservation des tubercules d'igname sur tresse verticale

Il s'agit du système de stockage le plus répandu dans la culture traditionnelle de l'igname en Afrique occidentale. La tresse verticale est constituée de pieux en bois d'une hauteur de 3 m environ, dressés à la verticale et séparés de 50 cm les uns des autres. Ces poteaux verticaux sont stabilisés par des planches horizontales. On intègre souvent à ce système des arbres vivants, d'une part pour des raisons de statique, mais également parce que ces arbres dispensent de l'ombre (NWANKITI et MAKURDI, 1989).

Les tresses verticales sont érigées en plein air. Il est important qu'elles soient suffisamment ombragées. On utilise par exemple pour cela un toit en feuilles de palmier ou des arbres à feuilles persistantes qui fournissent un ombrage naturel. Le grenier doit être installé dans un endroit bien aéré, de manière à ce que l'humidité résiduelle résultant de la respiration et de la transpiration des tubercules puisse être évacuée. Une aération suffisante diminue par ailleurs le risque de surchauffe des tubercules et limite par là même les pertes de poids dues à la respiration et à la transpiration (ONWUEME, 1978).

Au moyen de cordes, généralement en fibres végétales, on attache les tubercules d'igname les uns au-dessus des autres sur les pieux verticaux, en commençant par le bas. Les paysans se servent en l'occurrence d'une technique de liage déterminée (NWANKIT1 et MAKURDI, 1989).

Figure 4: Tresses verticales à l'ombre d'arbres vivants (Source: WILSON, année inconnue)

Les tresses verticales sont des structures de stockage bien aérées et faciles à inspecter. Elles permettent de récupérer aisément les semenceaux et de séparer facilement des autres les turbercules pourrissants. Ce système de stockage ne pose aucun problème durant la saison sèche. Pendant la saison des pluies, en revanche, les tubercules pourrissent rapidement en raison de l'humidité atmosphérique élevée (ONWUEME, 1978).

La construction de ces tresses verticales, qui sont prévues pour une utilisation de plusieurs années, est à la fois onéreuse (bois de construction) et demande beaucoup de travail. On est en général obligé de procéder tous les ans à des travaux de remise en état. La mise en stocks, autrement dit le liage séparé de chaque tubercule, représente un travail considérable. Il arrive fréquemment que les tubercules soient blessés au moment du liage, ce qui favorise l'apparition de pourritures (NWANKITI et MAKURDI, 1989). Ce type de construction traditionnelle ouverte n'offre pas de protection contre les insectes nuisibles ni contre les termites. Les paysans ne prévoient généralement pas davantage de protection contre les rongeurs.

Figure 5: Technique de liage individuel des tubercules d'igname sur tresses verticales (Source: ASIEDU, 1986)

4.7 Mesures destinées à améliorer le stockage traditionnel des ignames

4.7.1 Précautions à prendre lors de la récolte, du transport et du stockage
4.7.2 "Curing"
4.7.3 Régulation de la dormante
4.7.4 Régulation du climat de l'entrepôt
4.7.5 Lutte contre les pourritures
4.7.6 Lutte contre les nématodes
4.7.7 Lutte contre les insectes ravageurs de' stocks
4.7.8 Mesures de protection contre les mammifères
4.7.9 Stockage amélioré sur tresse verticale traditionnelle ("Yam-Barn")

Les mesures visant à l'amélioration des structures de stockage existantes doivent être compatibles avec les déterminants essentiels de ces systèmes. Les améliorations apportées ne sauraient avoir des effets négatifs sur le caractère socio-culturel de symbole que possèdent nombre de systèmes de stockage parallèlement à leur fonction protectrice. Du point de vue des exploitants concernés, les mesures d'amélioration doivent être rentables et ne pas dépasser les limites de leurs ressources (p.ex. travail, capital).

Les suggestions énoncées dans la suite ont avant tout pour but l'amélioration des structures et méthodes de stockage traditionnelles. Ces suggestions d'amélioration s'appuient pour l'essentiel soit sur les expériences faites par les planteurs d'igname eux-mêmes, soit sur des expériences auxquelles ils ont tout au moins participé. Les découvertes résultant des recherches effectuées ont toutefois été également prises en compte dans la mesure où elles nous ont paru transposables en milieu villageois.

Outre les mesures visant à l'amélioration des structures de stockage traditionnelles, des approches de solutions nouvelles exigeant une haute technicité ont également été mises à l'étude. Citons à cet égard le stockage des tubercules d'igname en entrepôts frigorifiques ou en atmosphère contrôlée, ainsi que les traitements aux rayonnements ionisants, destinés à inhiber la germination et à prévenir la pourriture (DEMEAUX et VIVIER, 1984).

Nous n'examinerons pas ces méthodes en détail dans le cadre de la présente publication. Il s'agit néanmoins de méthodes qui, bien que requérant un haut degré de technicité, constituent des approches de solutions pour réduire les pertes de stockage causses par la germination, la transpiration et la respiration, et qui, par là-même, s'attaquent aux problèmes fondamentaux posés par le stockage des tubercules d'igname frais. Le haut degré de technicité et les investissements requis par les installations nécessaires font qu'il n'est pas encore possible à l'heure actuelle de transposer efficacement ces méthodes à l'échelon des petits producteurs. Eu égard à la centralisation croissante de la demande qui se fait jour dans de nombreux pays africains à la suite d'une urbanisation en expansion, il serait toutefois bon de ne pas perdre ces méthodes de vue dans la mesure où elles peuvent contribuer à assurer l'auto-approvisionnement en denrées alimentaires.

4.7.1 Précautions à prendre lors de la récolte, du transport et du stockage

En dépit de leur aspect robuste, les tubercules d'igname ont un épiderme hautement sensible. Toute blessure, que] qu'en soit le degré de gravité, augmente risque d'infection et, par voie de conséquence, la décomposition précoce du fait de la pourriture (FAO, 1981). Dans l'intérêt d'un stockage prolongé efficace, il est donc impératif d'éviter au maximum les risques de blessures (PLUMBLEY, 1982).

Les tubercules d'igname doivent ainsi être récoltés avec le plus grand soin afin de réduire les risques de blessures. Il ne fait pas de doute que la forme irrégulière des tubercules, de même que leur taille, rendent cette entreprise difficile (SADIK, 1987). Les tubercules subissent également des blessures fréquentes au cours du transport, c'est pourquoi il faut les manipuler avec précaution et ne pas les lancer. Il faut par ailleurs éviter de les entasser trop haut sur les véhicules de transport, car cela augmente le risque de blessure par compression. Autre risque de blessure: la mise en stocks sous forme d'empilage et de liage lors du stockage des tubercules sur tresse verticale.

Etant donné que la plupart des paysans ignorent la connexité entre les blessures et le pourrissement des tubercules, il serait opportun de les sensibiliser à ce problème en leur montrant clairement que les résultats de stockage sont étroitement dépendants de l'état de la marchandise au moment de l'emmagasinage (SADIK, 1987).

Figure 6: Exemple de blessure possible des tubercules d'igname pendant la récolte (Source: WILSON. année inconnue)

4.7.2 "Curing"

Le "curing" sert à l'autocicatrisation des plantes blessées, qui sont caractérisées par une haute teneur en humidité. Essayé à l'origine sur la pomme de terre et la patate douce, ce procédé s'est également avéré efficace sur les ignames (DEMEAUX, 1984). Pour que le processus de cicatrisation puisse avoir lieu au-delà du simple dessèchement de la blessure, il faut cependant augmenter la température et l'hygrométrie.

L'élèvement de la température et de l'hygrométrie favorise la formation de cellules subéreuses, lesquelles permettent aux blessures de se cicatriser totalement. Ces cellules subéreuses, qui se forment dans le cambium, passent ensuite dans les blessures, qu'elles cicatrisent d'un périderme à plusieurs couches (BAUTISTA, 1990).

La formation de ce périderme fait intervenir certains processus métaboliques. Ces processus consomment de l'énergie, laquelle est obtenue par consommation de l'amidon stocké dans le tubercule par le biais de l'activité respiratoire. Au cours du processus de respiration, il se produit un degagement d'eau, de gaz carbonique et de chaleur dans l'atmosphère (BAUTISTA, 1990), ce qui explique que la cicatrisation s'accompagne toujours d'une certaine perte de poids des tubercules.

Ces pertes de poids sont fonction des "conditions de curing", à savoir la température, l'hygrométrie, la durée du processus et la Iargeur de la plaie. A la suite des essais effectués au Togo (température de 35 à 40° C, humidité relative comprise entre 80 et 95 %, durée du traitement: 3 jours), on a constaté que les pertes de poids consécutives au "curing" atteignaient un pour cent du poids des tubercules frais (FAO, 1990).

Le "curing" permet de refermer suffisamment une blessure pour prévenir un écoulement de sève (ce qui est cause de pertes de poids et du flétrissement du tubercule) et empêcher également les saporogènes de s'introduire dans le tubercule. Le procédé du "curing" n'ayant aucune incidence sur le pouvoir germinatif des tubercules traités, ceux-ci peuvent être utilisés ultérieurement pour la multiplication végétative.

Le procédé d'autocicatrisation doit intervenir aussitôt après la récolte des tubercules (BOOTH, 1978). Ce sont les coupures franches et planes qui guérissent le mieux. Les blessures par écrasement, qui sont dans la plupart des cas inguérissables, demeurent des foyers d'infection (COURSEY, 1982). Il faut par conséquent exciser proprement toutes les plaies, parties, écrasées et autres blessures.

Figure 7: Traitement au "curing" sous bâche de protection en fibres naturelles (Source: Wilson, année inconnue)

Il existe par ailleurs divers procédés d'autocicatrisation, qui different par les moyens techniques employes, les conditions climatiques nécessaires, ainsi que la durée du traitement (FAO, 1990; DEMEAUX, 1984; BEEN et al. 1977).

Le "curing" sous bâche de jute est un procédé élaboré au Togo par la FAO (FAO, 1990). Après avoir été préparés en conséquence, les tubercules sont entassés en position horizontale et recouverts d'une couche de paille d'environ 15 cm d'épaisseur. On couvre ensuite le tas d'une bâche de jute ou de sacs, également en jute.

Cette méthode est très coûteuse, puisqu'il faut compter environ 50 US Dollar uniquement pour les sacs de jute servant à recouvrir la marchandise (FAO, 1990). Ce procédé est en outre délicat à réaliser au niveau du management, étant donné qu'il est très difficile de maintenir la température et l'hygrométrie requises (respectivement de 35 à 40° C et entre 80 et 95 %) . Au vu des coûts et des exigences qu'entraîne ce procédé au niveau de la gestion, la question se pose de savoir si les paysans sont en état d'adapter cette méthode à leurs besoins.

Il existe encore une autre méthode, appelée "Pit Curing", qui est fort répandue chez les producteurs d'ignames de l'État de Bendel, au Nigeria. Ce procédé consiste à creuser une fosse de 2,5 x 1,5 x 1 mètres et à en recouvrir le fond de sciure. Les tubercules sont ensuite déposés dans cette fosse et recouverts d'une mince couche de terre (NNODU, 1987).

C'est à une température de 26° C et une humidité relative de 92 % que cette méthode a fourni les meilleurs résultats. La durée du traitement variait entre 11 et 15 jours. Comparés aux tubercules non traités, qui étaient tous infestés par la pourriture après 4 mois de stockage sur tresse verticale, respectivement 53 et 40 % seulement des tabercules traités par cicatrisation (durée respective du "curing": 11 et 15 jours) présentaient une infestation due à la pourriture (NNODU, 19X7).

Il est très difficile de déterminer les "conditions de curing" optimales. Elles diffèrent en effet selon les espaces d'igname, la nature des blessures et le stade de maturité des tubercules (BOOTH, 1978). Il n'est par conséquent guère surprenant que les données relatives à la température, à l'hygrométrie et à la durée de traitement divergent fortément d'un ouvrage spécialisé à l'autre (DEMEAUX, 1984; FAO, 1990).

Parmi les méthodes d'autocicatrisation, les paysans accordent la préférence à celles qui n'impliquent que des coûts et un travail réduits tout en améliorant substantiellement le coraportement au stockage. Ils donnent par ailleurs la priorité aux procédés d'application facile. Les efforts déployés en vue d'améliorer les méthodes de "curing" devront donc s'orienter également à l'avenir sur les besoins formulés par les paysans.

C'est dans cette optique que s'inscrivent entre autres les travaux de BEEN et al (]977). Les auteurs ont constaté que le comportement au stockage des tubercules exposés pendant une courte période aux rayonnements solaires directs était plus ou moins analogue à celui de tubercules ayant subi un traitement beaucoup plus complexe. Il faut noter à ce propos que les procédés d'autocicatrisation complexes exigent un climat qui favorise également la multiplication des pathogènes et peut ainsi s'avérer dans certains cas antiproductif (ONWUEME 1978).

Tableau 9: Incidences des méthodes d'autocicatrisation sur les pertes de stockage de D. rotundata

Conditions climatiques Pertes de poids après traitement des blessures en % après 70 jours de stockage
    Pertes de poids en% Taux de germination
Lumière solaire directe 11.0 22 5 77
26°C/66% HR 9 1 35 5 33
30°C/91%HR 2 1 36 1 50
40°C/98%HR 4 3 20 9 73

Source: BEEN et al., 1977 (modifié)

4.7.3 Régulation de la dormante

Comme nous l'avons vu plus haut la durée de l'aptitude au stockage dépend étroilement de celle de la dormance (cf. 3.5.1). On ne peut par conséquent augmenter la durée de stockage des tubercules d'igname frais qu'à la condition de prolonger la dormance

Jusqu'à un certain point il est possible d'influencer la durée de la dormance en agissant sur la température et l'humidité ambiantes. Les basses températures associées à une faible hygrométrie permettent de prolonger la dormance (PASSAM 1977). Les possibilités d'agir sur la température et sur l'hygrométrie pour prolonger la dormance sont toutefois limitées. C'est ainsi qu'une température inférieure à 15° C provoque la destruction des tissus tabéreux (ibid.). Une hygrométrie trop basse diminue également l'aptitude au stockage, dans la mesure où elle entraîne un dessèchement du tubercule.

Eu égard aux importantes dépenses énergétiques nécessaires, la modification du climat de l'entrepôt par l'utilisation d'énergie extérieure (entrepôt frigorifique) se heurte à d'étroites limites économiques.

Autre possibilité d'agir sur la dormance: la mise en oeuvre d'inhibiteurs de germination chimiques, utilisés entre autres avec succès pour le stockage des pommes de terre (PERLASCA, 1956). Les substances employées dans le stockage des pommes de terre se sont avérées inefficaces pour l'igname. Ceci est dû au fait que les germes de l'igname, au contraire de ceux de la pomme de terre, ne se forment que tardivement, et non pas dans l'épiderme, mais dans les couches cellulaires sous-épidermiques. Il arrive même que les substances utilisées pour le stockage des pommes de terre aient des incidences totalement négatives lorsqu'on les applique sur l'igname, du fait qu'elles sont susceptibles d'empêcher la cicatrisation des blessures et de favoriser l'apparition de pourritures (DEMEAUX, 1984).

Les premiers résultats des essais visant à agir sur la germination par l'emploi d'hormones de croissance naturelles ou synthétiques se sont avérés positifs. Les essais ont été effectués entre autres avec l'acide gibberellique, une hormone synthétique présente dans de nombreuses préparations, ainsi qu'avec des batatasines. Il s'agit dans le dernier cas d'hormones de croissance naturelles, présentes entre autres dans diverses variétés de Dioscorea. Les batatasines appliquées de manière endogène n'ayant montré que des effets nuls ou très limités sur la dormance (PASSAM, 1984), on peut se demander s'il est utile de poursuivre les recherches dans ce domaine.

Les essais avec l'acide gibberellique se sont révélés en partie concluants, puisque cette hormone a permis de prolonger notablement la dormance. Appliqué sur le feuillage avant la récolte, l'acide gibberellique prolonge uniquement la durée de la dormance chez Dioscorea esculenta. L'acide gibberellique appliqué durant la même période sur Dioscorea alata n'a aucun effet (WICKHAM, 1984,a). L'acide gibberellique appliqué au contraire après la récolte permet de prolonger la dormance aussi bien chez Dioscorea esculenta que chez Dioscorea alata. Les essais effectués entre-temps sur Dioscorea bulbifera sont demeurés sans résultat (WICKHAM, 1984,b).

Tableau 10: Incidence de divers régulateurs de croissance chimiques (inhibiteurs de germination) sur l'aptitude au stockage des tubercules d'igname

Espèces d`ignames Substance chimique Incidence sur l'aptitude
au stockage
D.alata Méthyle-a-NAA + 1,5 à 2 mois
Chloréthanol stimule la germination
Acide gibberellique + 4 semaines
D. rotundata Méthyle-a-NAA sans effet
Acide gibberellique sans effet
IAA sans effet
Kinétine sans effet
D. esculenta Acide gibberellique + 6 semaines

Source: PASSAM (modifié)

Selon WICKHAM (1984,b), la meilleure efficacité est obtenue en traitant les tubercules durant 22 heures dans une solution à 150 mg d'acide gibberellique. D'autres auteurs recommandent des concentrations différentes du même agent actif (MARTIN, 1977, DEMEAUX et VIVIER, 1984). D'après OSIURO (1992), plus la concentration d'agent actif est élevée, plus elle permet de prolonger la dormance.

Outre la concentration d'agent actif, le moment choisi pour l'application du produit destiné à modifier la dormance au niveau hormonal constitue également un facteur essentiel. C'est ainsi que selon MARTIN (1977), une application intervenant à la fin de la phase de dormance naturelle va en favoriser la prolongation, ce qui est toutefois contesté par WICKHAM (1984,a). Selon PASSAM (1985), l'efficacité de l'acide gibberellique dépend essentiellement de l'état du tubercule. Si l'on utilise l'acide gibberellique sur des tubercules de germination récente, le traitement favorise la germination. Si l'on retire en revanche les germes avant d'appliquer l'hormone, la formation de nouveau germes sera retardée. D'après DEMEAUX et VIVIER (1985), le moment le plus favorable pour utiliser l'acide gibberellique se situe peu après la récolte.

Au vu des résultats des recherches effectuées jusqu'à présent, il est permis de penser que l'acide gibberellique retarde la germination et qu'il prolonge par là même la dormance. Les conditions d'application: méthodes, moment optimal et concentration du produit, restent toutefois à définir. Ce n'est que lorsque l'on disposera de résultats précis concernant ces différents points que l'on pourra émettre des recommandations pour l'application pratique.

Les germes devront être retirés à la main jusqu'à ce que l'on dispose des données nécessaires. Du fait qu'une suppression trop fréquente des germes stimule leur reproduction, on veillera à ne pas les retirer avant qu'ils aient atteint environ 50 cm de long.


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