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3. Planification du secteur énergétique

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Sommaire

1. Présentation du domaine d'intervention

2. Equipements énergétiques et sources d'énergie

3. Analyse et évaluation des effets sur l'environnement

4. Interactions avec d'autres domaines d'intervention

4.1 Objectifs globaux de développement et dimensions socio-économiques et socioculturelles
4.2 Articulations avec d'autres secteurs

5. Appréciation récapitulative de l'impact sur l'environnement

6. Bibliographie

 

1. Présentation du domaine d'intervention

Le système énergétique d'un pays englobe toutes les composantes de l'exploitation des énergies primaires (p. ex. extraction du charbon et du pétrole, collecte de la biomasse dans les zones rurales, importations d'énergie), l'ensemble du secteur de la transformation (production d'énergies secondaires, p. ex. fabrication de produits dérivés du pétrole brut dans les raffineries ou production d'électricité à partir du charbon ou du pétrole dans les centrales thermiques, ou utilisation de la force hydraulique, ou "transformation" de la biomasse, p. ex. dans des charbonnières), les infrastructures nécessaires à la distribution et au stockage de l'énergie (p. ex. réservoirs d'essence, pipelines, conduites électriques) ainsi que les technologies d'utilisation finale de l'énergie (p. ex. véhicules automobiles, cuisinières, lampes, réfrigérateurs, etc.).

Figure 1Le système énergétique et les charges qu'il exerce sur l'environnement

Le système énergétique est un secteur d'approvisionnement essentiel qui sert en premier lieu à fournir des services à base d'énergie (p. ex. cuisson, éclairage, climatisation de locaux, transport, etc.). Les systèmes énergétiques sont flexibles dans la mesure où les services souhaités peuvent être fournis à l'aide d'une grande variété de technologies recourant à différentes sources d'énergie (p. ex. courant électrique, essence, charbon, etc.).

Compte tenu de l'importance de ce secteur pour le fonctionnement d'une collectivité et des périodes souvent longues pouvant s'étendre entre la formulation des besoins, la décision d'investissement et la mise en service des équipements et réseaux, ainsi que des effets à long terme qui peuvent en découler pour l'environnement et la société, la planification du secteur énergétique joue ici un rôle important comme instrument de coordination.

Le plan directeur d'aménagement des ressources en énergie a pour mission de déterminer au niveau local, régional ou national quand, où et combien d'énergie des différents types (électricité, combustibles, chaleur, etc.) il faut fournir et quelles sont les mesures à mettre en oeuvre pour couvrir la demande (évolution des besoins, prévision de la demande). Les systèmes d'approvisionnement existants (combustibles, etc.) sont examinés sous l'angle de leur adéquation financière, économique et écologique, en tenant compte de la situation générale actuelle du pays concerné ainsi que des pronostics établis pour l'avenir, des évolutions technologiques et des changements prévisibles dans le secteur énergétique à l'échelle mondiale (à un horizon de 10 à 30 ans). A partir de l'analyse de différents modèles de structure des besoins ainsi que des moyens disponibles pour les couvrir, il est possible d'élaborer des scénarios permettant de proposer et de comparer différentes options en matière de politique énergétique, telles que : équipement en centrales thermiques et réseaux de distribution, ajustement de la politique des prix (tarification, taxation, subventionnement), choix de filières d'approvisionnement non préjudiciables à l'environnement, tant en ce qui concerne les conditions de leur mise en oeuvre que les effets à en attendre. Une répartition équitable de l'énergie, tant sur le plan géographique que social, revêt ici une importance particulière.

Dans les projets intéressant de grandes entreprises de distribution d'énergie ou des administrations publiques, ce sont les paramètres généraux, économiques et technico-énergétiques de la demande d'énergie de tous les secteurs d'approvisionnement qui retiennent l'attention. La prise en compte de facteurs spécifiques (préférences, habitudes des consommateurs, solvabilité, coûts, sources d'énergie disponibles) est nécessaire lorsque l'on a affaire à des branches sectorielles et régionales de l'économie énergétique, comme c'est le cas lors de l'élaboration d'approches spéciales pour l'industrie, le commerce et les ménages privés (conception des équipements, stratégies locales et régionales d'approvisionnement énergétique). Ceci permet également de faciliter l'élaboration de solutions "appropriées". L'idéal serait d'exploiter les connaissances accumulées dans ces branches et sous-secteurs pour affiner le plan directeur d'aménagement des ressources en énergie au niveau national et pour trouver des solutions aptes à améliorer non seulement la rentabilité, mais aussi d'autres aspects du système, tels que l'équité de la distribution.

Les systèmes énergétiques nationaux diffèrent très fortement les uns des autres à travers le monde :

- Il y a tout d'abord de grandes différences dans la structure de la consommation énergétique. Dans certaines régions, outre l'énergie hydraulique, ce sont presque uniquement les énergies fossiles (telles que charbon, pétrole, gaz) qui sont utilisées. L'énergie nucléaire ne sera pas prise en compte dans les réflexions qui suivent1). Dans quelques pays, une part encore considérable des besoins est couverte par la biomasse (bois de feu, résidus de récoltes, fumier). La part des énergies renouvelables, c.-à-d. énergie solaire et éolienne, est dans l'ensemble encore très faible. Souvent, il existe entre villes et campagnes de grandes disparités de structure et de niveaux de consommation énergétiques.

1) L'énergie nucléaire n'est pas prise en considération ci-après, étant donné que ses effets sur l'environnement sont encore l'objet de controverses dans les pays industrialisés, qu'il n'est pas encore possible de porter un jugement définitif sur la question (en particulier à cause du problème du stockage final des déchets radioactifs) et que son utilisation n'est pratiquée ou n'est envisagée que dans quelques pays en voie d´industrialisation (en particulier à cause de la technologie sophistiquée et des investissements considérables qu'elle exige).

- Des différences considérables apparaissent également dans les niveaux de la consommation énergétique : tandis que dans les pays à revenus élevés la consommation moyenne annuelle est de 230 GJ par habitant (USA 360 GJ, République fédérale d'Allemagne 200 GJ), ces valeurs se montent à environ 125 GJ dans les pays à revenus intermédiaires et à 25 GJ dans les pays à faibles revenus.

Si l'on considère seulement la consommation des énergies vendues sur le marché mondial, ces différences de niveau s'avèrent être encore plus extrêmes : la consommation par habitant des pays à revenus intermédiaires se situe alors autour de 15 GJ et celle des pays à faibles revenus autour de 4 GJ, c'est-à-dire à peu près le soixantième de ce qui est consommé dans les pays à revenus élevés.

L'évolution future de la demande énergétique dans beaucoup de pays présentera les caractéristiques suivantes : (1) L'accroissement démographique, l'urbanisation accélérée, l'industrialisation croissante ainsi que la mécanisation de l'agriculture vont faire augmenter plus fortement la demande énergétique. (2) Les sources d'énergie fossiles représenteront une plus grande part de la consommation totale des PVD étant donné que certains services énergétiques leur sont directement tributaires et que des alternatives efficaces et peu coûteuses ne sont pas encore disponibles. Ainsi, l'utilisation de l'essence et du diesel dans la circulation routière continuera à occuper une place très importante. Là où les ressources en énergie hydraulique sont insuffisantes pour couvrir une demande croissante de courant électrique, il faudra recourir davantage aux énergies fossiles pour la production d'électricité.

La planification du secteur énergétique doit réagir à ces exigences, mais elle peut également examiner de plus près les besoins formulés et inclure d'autres alternatives de développement.

 

2. Equipements énergétiques et sources d'énergie :

Effets sur l'environnement et mesures de protection

Toute production (artificielle, technique) et toute utilisation de l'énergie altère l'environnement et affecte l'homme d'une façon ou d'une autre. La nature et l'intensité des effets dépendent de la voie par laquelle sont fournis les services énergétiques proprement dits. La prise en compte précoce des effets sur l'environnement exercés par différents systèmes énergétiques (c'est-à-dire dès le processus de planification) est avantageuse pour deux raisons :

- Les priorités sociales et les effets attendus de différentes filières énergétiques peuvent être confrontés les uns aux autres. La mise en évidence des coûts et avantages de plusieurs stratégies d'approvisionnement ou de projets visant différents groupes sociaux peut permettre de rendre les décisions transparentes - en y associant si possible les groupes de population concernés.
- Il est en général beaucoup plus efficace et beaucoup plus économique d'éviter ou de minimiser les problèmes environnementaux ex ante (protection préventive de l'environnement) que d'avoir à nettoyer ou "remettre en état" ex post un environnement pollué et en partie détruit (protection réactive).

Le plan directeur d'aménagement des ressources en énergie n'a en soi aucun effet direct sur l'environnement ; cependant les résultats des planifications peuvent accuser des différences considérables quant à leurs incidences sur l'environnement. C'est pourquoi il sera seulement fait référence ici aux autres dossiers dans lesquels sont traités et évalués les effets écologiques des équipements énergétiques utilisés pour l'extraction, la transformation et l'utilisation de diverses sources d'énergie :

- Hydraulique rurale ;
- Hydraulique lourde ;
- Secteur minier - Exploitations à ciel ouvert ;
- Secteur minier - Exploitations souterraines ;
- Secteur minier - Préparation et transport ;
- Centrales thermiques ;
- Pétrole et gaz naturel - Exploration, production, transport, stockage ;
- Transport et distribution de l'électricité ;
- Cokeries, installations de gazéification du charbon, production et distribution de gaz ;
- Energies renouvelables.

 

3. Analyse et évaluation des effets sur l'environnement

La planification du secteur énergétique doit - dans toutes ses étapes - tenir compte des multiples effets du système énergétique sur l'environnement. Elle doit en même temps prendre en considération la situation actuelle du pays concerné. En effet, le niveau et la structure de la consommation énergétique varient en fonction du potentiel économique, des ressources disponibles et de la situation géographique d'un pays. La nature et l'ampleur des pollutions antérieures infligées aux différents éléments du milieu peuvent différer considérablement d'un pays à l'autre ; il en est de même des possibilités de développement qui sont fonction des différentes marges technologiques et financières disponibles.

Pour pouvoir porter un jugement réaliste sur les pollutions et nuisances imputables au secteur énergétique, il importe d'examiner toutes les étapes du processus, depuis l'extraction des énergies primaires, en passant par les différents stades de la transformation et de l'utilisation proprement dite par les "consommateurs" jusqu'à l'élimination des déchets et des résidus. Il ne suffit donc pas de procéder à des analyses au niveau de la planification d'un projet concret (centrale électrique, ligne de distribution) ; il faut intégrer également les aspects en amont et en aval ainsi que, le cas échéant, les approvisionnements en matières premières.

Une condition indispensable à l'analyse et à l'évaluation des effets d'une intervention sur l'environnement est l'existence d'une base de données sûres, décrivant également la situation actuelle de l'environnement (pollutions antérieures) dans le pays concerné ou dans la région du projet. A l'aide d'une telle base de données il est possible de déterminer le degré actuel de pollution et de mesurer ou d'estimer les changements induits par les mesures déjà réalisées ou prévues. De telles données (p. ex. cadastres environnementaux dressant l'inventaire des immissions dans une région) sont souvent inexistantes et doivent être collectées pour permettre une appréciation adéquate des stratégies envisagées, ou doivent être remplacées par des indicateurs appropriés permettant d'émettre de telles appréciations. Lors de la conception d'un système énergétique tolérable pour l'environnement, les recueils de textes réglementaires nationaux d'autres pays ou ceux d'organisations internationales peuvent fournir des indications précieuses, même si leur reprise directe n'est que rarement possible. Ainsi, lors de la fixation de valeurs limites pour les rejets de polluants dans les eaux de surface, il importe absolument de tenir compte de l'utilisation des cours d'eau. Un problème qui se pose souvent dans le cadre de la planification du système énergétique est que des questions environnementales qui réclameraient une solution urgente sont seulement déplacées ou transférées vers d'autres régions ou d'autres secteurs de l'environnement (substitution du charbon de bois par le kérosène, épuration des fumées dans les usines électriques et élimination ou récupération des poussières de filtres).

Une composante importante du plan énergétique est l'appréciation des autres possibilités ou alternatives de développement et d'expansion. Une telle appréciation, qui devrait également englober le développement induit par l'approvisionnement énergétique et ses effets possibles sur l'environnement, doit partir des mêmes objectifs et donc être basée sur les mêmes besoins énergétiques à satisfaire. Toutes les tentatives visant à réduire l'appréciation des alternatives à un seul critère (p. ex. un "indice de dommage" ou une valeur d'usage) se sont avérées de peu d'utilité. Il importe au contraire de présenter aux décideurs les effets spécifiques sur l'environnement sous une forme détaillée et, pour faciliter les processus de concertation politique, de caractériser certaines options comme raisonnables et d'autres comme inacceptables. Pour s'aider dans cette tâche, on dispose entre-temps de différentes méthodes et d'instruments informatisés.

Les différentes options peuvent quand même être formulées sous des objectifs globaux et évaluées p. ex. sous l'angle de leur incidence sur le climat (en groupant les différentes quantités de polluants émis pour en estimer les effets sur le climat). Il convient ici également de mentionner les approches de planification visant à assurer un approvisionnement "au moindre coût" (ici on essaie d'intégrer dans les calculs aussi bien les "coûts environnementaux" et les coûts des dispositifs de protection que les coûts des mesures d'économie d'énergie). Il convient en particulier d'attirer l'attention sur les projets dans lesquels les objectifs environnementaux sont placés au moins au même rang que les objectifs économiques. De telles définitions du cadre d'analyse peuvent aider à choisir, parmi les nombreux aspects susceptibles de révéler les atteintes à l'environnement, ceux qui sont particulièrement pertinents pour l'évaluation du système énergétique. De tels critères englobent non seulement les indices plutôt techniques (p. ex. rendement énergétique), ou les valeurs de pollution (polluants atmosphériques, nuisances au sol), mais aussi les risques, les aspects sanitaires et les règlements de protection sur le lieu de travail. Ainsi, il est possible p. ex. d'exclure au départ les projets ou variantes de développement qui ne satisfont pas à certaines exigences minimales (p. ex. l'utilisation de la force hydraulique ou l'exploitation de gisements minier n'est pas admise dans les zones protégées), ou alors il est possible de procéder à un choix préliminaire sur la base d'une estimation de la part de responsabilité imputable à l'approvisionnement énergétique dans un problème environnemental.

Dans la planification du secteur énergétique, la première priorité doit être accordée à la recherche des options qui, dans tous les domaines importants, sont susceptibles d'engendrer les moindres atteintes à l'environnement. Ce sont en particulier les systèmes couplés (utilisation d'une source d'énergie pour la production simultanée de courant électrique et de chaleur), mais aussi l'utilisation de sources d'énergie renouvelables. C'est seulement dans le cas où la recherche de telles options n'aboutit pas qu'il faut procéder à une pondération des différents aspects reconnus comme importants.

Dans quatre domaines, il est en principe possible d'apporter des modifications dans le système énergétique pouvant contribuer à la prévention/réduction des pollutions et nuisances :

(a) Economie d'énergie

Les efforts dans ce domaine visent à trouver, dans les structures déjà existantes, des possibilités d'économiser l'énergie avec pour effet secondaire de diminuer les atteintes à l'environnement. Pour cela l'accent est mis à la fois sur l'amélioration des moyens techniques et sur la promotion d'un comportement respectueux de l'environnement. Bon nombre de processus d'utilisation de l'énergie peuvent être modifiés de manière à réaliser des économies considérables (remplacement de composantes inefficientes dans les équipements âgés, exploitation accrue de systèmes couplés, c'est-à-dire production d'électricité avec récupération de la chaleur ; utilisation de processus combinés dans les centrales thermiques en vue d'améliorer le rendement énergétique ; mesures à effets immédiats comme p. ex. l'emploi de cuisinières améliorées consommant moins de combustibles). Pour stimuler ces comportements, il faut appliquer une politique des prix assurant au moins la couverture des coûts et incluant si possible des suppléments pour les coûts environnementaux.

(b) Substitution de sources d'énergie

En outre, il est possible d'envisager des transformations structurelles permettant de remplacer certaines sources d'énergie, p. ex. le bois par le biogaz ou un charbon riche en soufre par un charbon contenant peu de soufre. Il y a même des changements encore plus fondamentaux qui peuvent être appliqués dans ce contexte (p. ex. construire des bâtiments mieux adaptés au climat pour rendre superflu l'emploi des climatiseurs). Une plus forte utilisation des potentiels locaux ("endogènes") dans des équipements décentralisés peut constituer une alternative judicieuse par rapport aux solutions centralisées (approvisionnement en réseau), en particulier si l'accent est mis sur les énergies renouvelables (pour la production de courant électrique et de chaleur). Les solutions décentralisées offrent, en plus, l'avantage de diminuer les risques et nuisances liés au transport de l'énergie.

(c) Mesures techniques et investissements

Une autre possibilité est de diminuer directement les charges infligées à l'environnement par des mesures servant à améliorer le rendement énergétique ou à diminuer les émissions polluantes des équipements existants (p. ex. épuration des fumées ou utilisation de catalyseurs), en assurant une exploitation optimale des équipements (p. ex. respect des températures optimales de combustion) ou en proposant le remplacement d'équipements, afin de tenir compte dès le départ des aspects environnementaux. Ces mesures impliquent en règle générale des investissements supplémentaires et recoupent en partie les mesures mentionnées au point (a). Le traitement préliminaire de certains combustibles (désulfuration) et des mesures spéciales pour assurer un stockage sûr ou la réutilisation des résidus après examen préalable (cendres, poussières de filtres) sont également à prendre en considération dans ce contexte.

(d) Changements de comportement

Enfin, on peut réexaminer les besoins énergétiques déclarés et proposer des changements de comportement (réduire les exigences en matière de mobilité, utiliser des équipements collectifs pour la réfrigération p. ex.). La planification du secteur énergétique peut montrer les marges de manoeuvre que l'on peut gagner avec des changement de comportement et formuler des recommandations en ce sens. La question de l'acceptabilité de tels changements doit être discutée et réglée au niveau politique. La création de conditions économiques favorables à des comportements respectueux de l'environnement chez les acteurs concernés est un aspect important de la planification. Le plan directeur d'aménagement des ressources en énergie peut seulement préparer les décisions politiques et les appuyer à l'aide d'analyses.

Les activités décrites dans les quatre domaines susmentionnés ont fortement besoin d'être soutenues par des actions de formation et par la fourniture d'informations aux groupes de population concernés (consommateurs privés, techniciens de l'artisanat et de l'industrie, décideurs). Il faut pour cela utiliser intensivement les possibilités offertes par les différents médias (radio, presse écrite, conférences) et offrir des actions de formation appropriées dans les écoles et universités.

Un tel processus de changement peut bénéficier d'un soutien non négligeable de la part d'institutions et d'organisations publiques et privées qui, par leurs compétences pluridisciplinaires, peuvent apporter des contributions efficaces à la résolution des problèmes environnementaux dans le secteur énergétique. Les "organisations non gouvernementales" acquièrent de plus en plus d'importance à cet égard, et il conviendrait d'appuyer leur travail. Mais dans le secteur public également, il faudra veiller à assurer de bonne heure la coordination des différents domaines de développement.

Par ailleurs, les possibilités d'influer sur les conditions macro-économiques sont un aspect important, car bien souvent c'est la seule voie pour amorcer des changements dans les quatre autres domaines cités. Outre une politique active de subventionnement (p. ex. financement de démarrage), il y a lieu de mentionner en particulier la politique fiscale (imposition plus élevée des variantes non souhaitées, le cas échéant à concurrence des "coûts externes" attendus). Il est également judicieux (surtout dans le cas de grands projets) de veiller à ce que les coûts (en incluant ici en particulier les coûts pour l'économie nationale) ne soient pas supérieurs aux résultats acquis.

En résumé, à partir des besoins formulés (p. ex. demandes émanant d'un projet de développement industriel), il conviendrait d'examiner les questions suivantes, la demande ne devant toutefois pas être considérée comme un paramètre fixe :

- La demande peut-elle être démontrée/justifiée ou est-elle formulée seulement sur la base d'extrapolations de tendances ?
- Toutes les possibilités d'utilisation rationnelle de l'énergie sont-elles exploitées et les potentiels d'économie pris en compte ? La planification tient-elle compte d'autres alternatives technologiques et d'autres procédés envisageables ?
- Est-il possible de recourir à différentes sources d'énergie pour fournir les services requis ? Toutes les possibilités de substitution de sources d'énergie en vue de ménager l'environnement ont-elles été prises en compte ?
- L'utilisation des équipements prévus cause-t-elle des problèmes environnementaux particuliers et a-t-on pris des dispositions pour les atténuer à l'aide de mesures techniques ? Existe-t-il des stratégies d'élimination des résidus éventuels ? De quelles pollutions ou nuisances s'agit-il le plus souvent ?
- A-t-on tenu compte des changements pouvant intervenir dans le contexte social et économique et avoir des répercussions sur les besoins futurs en énergie ? A-t-on envisagé les développements induits par la fourniture d'énergie et leurs effets sur l'environnement ?
- A-t-on créé les conditions nécessaires pour soutenir les mesures techniques par des offres de formation appropriées ? A-t-on inclus des moyens de promotion et a-t-on pris des dispositions organisationnelles pour soutenir ces mesures ?

Il est possible de procéder de la même manière avec des projets dans d'autres sous-secteurs (ménages, petits consommateurs, agriculture, transport). Les alternatives qu'il faudrait privilégier dans l'intérêt de l'environnement sont souvent plus coûteuses (du point de vue micro-économique) que les solutions conventionnelles. Le planificateur doit alors examiner les possibilités d'en appuyer la réalisation par des mesures adéquates au niveau de la politique des prix (subventions, augmentation du coût des variantes non souhaitées, etc.).

 

4. Interactions avec d'autres domaines d'intervention

4.1. Objectifs globaux de développement et dimensions socio-économiques et socioculturelles

Beaucoup de pays ont pour objectif d'améliorer leur situation actuelle, marquée entre autres par l'expansion démographique, la sous-alimentation, le manque de soins médicaux et d'hygiène, le chômage et les déséquilibres régionaux ainsi que par une consommation en partie anarchique des ressources limitées. Le secteur énergétique est étroitement lié à ces dimensions du problème, étant donné qu'une couverture suffisante et financièrement supportable de la demande de services énergétiques (p. ex. pour l'approvisionnement en eau potable et eau d'irrigation, la technique médicale, la production) pourrait contribuer à atténuer leurs difficultés.

Le plan directeur d'aménagement des ressources en énergie doit assurer la prise en compte de ces objectifs lors de la mise en place d'un système énergétique. Les effets positifs souhaités sont surtout atteints au dernier échelon du système énergétique, c'est-à-dire au niveau de l'utilisation de l'énergie proprement dite. La fourniture d'énergie, ou plus précisément l'extraction, la transformation et la distribution, doivent être organisées de telle sorte que les aspects positifs (de l'utilisation) ne soient pas neutralisés. Des conflits d'objectifs surgissent en particulier là où de grands complexes techniques d'exploitation et de transformation de l'énergie ne répondent pas aux objectifs de la population de la région, entraînent des changements et répercussions socio-économiques et socioculturels inacceptables ou non mesurables et engendrent des coûts et avantages répartis sur différents groupes sociaux.

- La planification du secteur énergétique doit intégrer les dimensions socio-économiques et socioculturelles. Ceci exige en général d'importants travaux d'analyse de la situation actuelle ainsi que l'association des acteurs concernés aux processus décisionnels.

- Dans beaucoup de pays, les sources d'énergie commerciales n'atteignent pas les couches sociales défavorisées en raison de leur coût. Les prix facturés pour les produits énergétiques n'assurent souvent pas la couverture des coûts et ne reflètent pas les investissements importants nécessités par l'extension des infrastructures. Les subventions ainsi accordées pour des motifs sociaux n'atteignent cependant pas suffisamment les catégories de population pauvres, en particulier en zones rurales, et renforcent ainsi les disparités sociales. Une étude différenciée des préférences et du pouvoir d'achat de chaque groupe cible, effectuée dans le cadre d'une analyse des besoins énergétiques, devrait fournir des renseignements essentiels pour la conception de filières d'approvisionnement énergétique appropriées et d'une politique de tarification raisonnable. La promotion d'approches décentralisées d'approvisionnement s'est révélée être un instrument important pour satisfaire les besoins des groupes cibles ruraux.

- Au niveau des ménages, l'introduction de nouvelles sources d'énergie se heurte souvent à la résistance populaire parce qu'elle perturbe des modes de comportement traditionnels. Par exemple, l'utilisation de réchauds à charbon ou à bois consommant moins d'énergie échoue souvent parce que d'autres qualités décisives de ces réchauds (p. ex. production de lumière et de chaleur, maniement aisé, sécurité, hygiène et esthétique) ne sont pas suffisamment prises en compte. Mais souvent également, c'est pour des raisons financières que d'autres options ne sont pas acceptées.

Dans beaucoup de pays, l'approvisionnement énergétique des ménages tombe dans la sphère de décision des femmes, puisque ce sont elles qui sont chargées de la production, de la collecte et de l'utilisation des ressources de biomasse (principalement bois de feu). En raison de leur rôle particulier dans l'économie énergétique au niveau domestique, les femmes disposent de connaissances particulières en matière d'utilisation ou de gestion des ressources de biomasse. Ces connaissances doivent être prises en compte dans le cadre de la planification du secteur énergétique.

4.2 Articulations avec d'autres secteurs d'intervention

La planification du secteur énergétique doit tenir compte des besoins de tous les secteurs de consommation et de leur répartition nationale et régionale. Elle devrait également s'efforcer activement d'influer sur les structures de consommation afin de parvenir à un système énergétique plus tolérable pour l'environnement.

Il faut pour cela une concertation et coordination étroites avec les échelons supérieurs de planification régionale, afin d'éviter les erreurs de planification et de fournir des services énergétiques plus efficients et plus respectueux de l'environnement. Des interdépendances et interactions existent donc avec les secteurs de planification suivants :

(1) Planification régionale : Les objectifs de développement de la planification régionale peuvent être appuyés par le plan directeur d'aménagement des ressources en énergie étant donné que la disponibilité d'énergie est une condition nécessaire aux processus de développement. Le raccordement des zones rurales au réseau d'alimentation en courant électrique peut influer sur des processus d'urbanisation et contribuer à freiner l'exode rural.

(2) Aménagement des transports et communications : Un système efficace de transports publics, en réduisant la circulation automobile, peut permettre de limiter les besoins de carburants dans les villes et donc les émissions de polluants qui en découlent. L'ouverture des zones rurales à la circulation augmente l'attractivité de ces régions, ce qui est un aspect souvent décisif pour l'implantation d'activités industrielles ou commerciales (liaison avec des marchés éloignés).

(3) Planification de la localisation des activités industrielles et commerciales : L'implantation d'industries exige un approvisionnement suffisant en énergie - et surtout en électricité. Toute décision sur l'implantation d'industries à forte intensité énergétique (qui, la plupart du temps, sont en même temps très polluantes, p. ex. fabrication de produits de base tels que acier, aluminium, chimie) a une incidence sur l'ampleur des répercussions à attendre sur l'environnement.

(4) Agriculture et foresterie : Il importe d'attirer l'attention sur le problème de l'utilisation de la biomasse comme combustible et sur ses conséquences pour la production agricole. Des efforts accrus de reboisement pour la production de combustible sont nécessaires dans beaucoup de régions et peuvent entrer en concurrence avec l'exploitation agricole des sols. L'agroforesterie peut fournir ici des solutions praticables.

(5) Gestion des eaux : La planification du secteur énergétique doit se baser sur les données du plan d'aménagement et de gestion des ressources en ce qui concerne les aspects environnementaux. Ceci vaut p. ex. pour les utilisations concurrentes de l'eau pour la production de courant électrique, l'irrigation et la couverture des besoins de la population, ainsi que pour les rejets d'eau de refroidissement ou l'exclusion de l'utilisation d'un même site pour la production d'électricité et le prélèvement d'eau potable.

A cela s'ajoutent les liens importants avec différents domaines d'action politique dont les données et objectifs sont intégrés aux plans directeurs et aux plans sectoriels détaillés. Outre la politique énergétique, mentionnée ci-après, il s'agit bien entendu d'autres domaines tels que la politique industrielle et la politique de l'environnement.

(6) Politique énergétique : Pour promouvoir une planification du secteur énergétique respectueuse de l'environnement il faut une politique énergétique tenant compte des coûts sociaux réels de la production et de l'utilisation des sources d'énergie. Ce but peut être atteint, au moins en partie, par des moyens législatifs (p. ex. obligation de contrôler les émissions, prescriptions de sécurité, directives réglementant les importations, etc.). La réalisation d'autres objectifs dépend des décisions individuelles des usagers, et c'est seulement par l'intermédiaire des prix que l'on peut influer sur ces décisions. Ainsi, dans beaucoup de pays le processus de substitution du bois de feu par le gaz liquide ou le kérosène - souhaitable pour la protection de l'environnement - a subi un grave contrecoup avec l'augmentation des prix du pétrole. L'emploi de technologies peu polluantes (p. ex. systèmes photovoltaïques, lampes consommant peu d'énergie, réchauds et fourneaux consommant peu de bois) a souvent échoué auprès des populations rurales à cause du manque de moyens financiers. Une politique énergétique soucieuse de ménager l'environnement doit tenir compte de ces aspects en élaborant des stratégies de financement ou, éventuellement, en prévoyant des subventions/mesures fiscales appropriées.

Par conséquent, la décision fondamentale à prendre est de déterminer s'il y a lieu d'utiliser les possibilités offertes par la planification pour influencer dans le sens voulu les processus de développement, ce qui implique alors la mise à disposition des ressources nécessaires pour soutenir financièrement les options énergétiques souhaitables, ou alors s'il faut laisser aux "forces du marché" le soin d'orienter ces développements.

 

5. Appréciation récapitulative de l'impact sur l'environnement

Les effets du système énergétique sur l'environnement vont augmenter avec la croissance de la consommation d'énergie. Dans les zones de concentration urbaine, ils ont déjà atteint des niveaux (p. ex. de pollution atmosphérique) qui représentent une menace sérieuse pour la santé humaine. La planification du secteur énergétique doit tenir compte de cette situation afin de réduire à un niveau acceptable les pressions sur l'environnement et jeter dès aujourd'hui les bases nécessaires pour réformer à long terme le système énergétique.

Le problème des émissions de CO2 n'a reçu jusqu'à présent que très peu d'attention dans beaucoup de pays à cause du faible niveau de consommation d'énergie par habitant. Mais si les taux de croissance de la consommation de combustibles fossiles continuent d'évoluer au même rythme qu'entre 1980 et 1987, les pays en développement seront responsables de 50% des émissions de CO2 au cours des vingt prochaines années. (Mais comme l'augmentation des gaz à effet de serre est due presque exclusivement au développement économique des pays industrialisés, ceux-ci continuent de porter la plus grande part de responsabilité pour ce problème.) Seuls des efforts entrepris à un niveau planétaire peuvent permettre de résoudre le problème.

Une stratégie visant à réduire les effets négatifs du secteur énergétique sur l'environnement doit englober les éléments essentiels suivants :

(1) Economie d'énergie dans tous les secteurs de consommation par une utilisation rationnelle des sources d'énergie, adaptée aux besoins et évitant tout gaspillage. Ici - comme dans les domaines mentionnés ci-après - la formation et la conscientisation sont tout aussi importantes que l'amélioration des techniques. L'emploi systématique d'incitations financières (prix, impôts) ou la création de conditions économiques favorables aux comportements souhaités, p. ex. suppression des subventions, jouent également un rôle fondamental.

(2) Utilisation des possibilités de substitution de sources d'énergie dont l'emploi est particulièrement dommageable pour l'environnement. Mobilisation accrue des ressources locales, en particulier des énergies renouvelables. Ici également la question des coûts et du financement joue un rôle important.

(3) Epuisement de toutes les possibilités techniques et administratives permettant de réduire les émissions de toutes sortes et d'assurer une élimination satisfaisante des déchets et résidus ; développement de stratégies de financement adaptées (à chaque groupe cible) pour les investissements nécessaires.

(4) Prospection des marges de manoeuvre procurées par le changement des comportements individuels et des conditions sociales et politiques pour l'aménagement du système futur d'approvisionnement énergétique. Intégration permanente du processus d'élaboration du plan directeur d'aménagement des ressources en énergie dans une institution appropriée, apte à représenter les intérêts du secteur énergétique et de ses préoccupations écologiques à tous les niveaux de planification et de décision.

Dans le cadre de la planification du secteur énergétique on dispose, pour promouvoir l'accomplissement de ces tâches, d'une vaste gamme d'instruments qui vont des incitations financières directes ou des mesures d'organisation au niveau politique jusqu'à la promotion de la recherche et du développement et l'information de la population.


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