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6. Le bétail et la viande

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Dans la plupart des sociétés, la viande—et surtout la viande de bœuf et d'agneau—est un aliment de choix. Quand les revenus des consommateurs augmentent, la part de leurs achats de viande dans l'ensemble de leurs dépenses alimentaires monte généralement en flèche. Au cours des 20 dernières années, l'accroissement de la population et la progression des revenus individuels ont entraîné une expansion rapide de la demande de viande, aussi bien en chiffres absolus que par rapport à la demande de la plupart des autres produits agricoles. Dans les pays en développement, le cheptel a augmenté régulièrement. La consommation de volaille y a progressé de 25 pour cent dans les années qui ont précédé 1981.

Dans les pays en développement qui offrent de grandes possibilités d'élevage, les programmes destinés à accroître la production et la productivité dans ce secteur doivent recevoir une priorité élevée. Ils peuvent permettre des exportations lucratives, ou réduire la dépendance par rapport aux importations. Dans les deux cas, on pourrait assister à une progression des revenus agricoles et du développement rural. Cela est d'autant plus important que, dans les pays du tiers monde, le bétail provient souvent de régions où il n'y a pratiquement pas d'autre utilisation possible de la main-d'œuvre et des terres.

De ce fait, le développement de la production, le niveau des prix et l'efficacité du système de commercialisation ont pris un intérêt particulier pour ces nations.

 

Renforcer les systemes de commercialisation existants

Pour la commercialisation du bétail et de la viande dans le tiers monde, les moteurs du progres sont l'augmentation des revenus et l'urbanisation.

Dans presque tous les pays en développement, la demande de viande est tres élastique par rapport aux revenus, si bien que, lorsque les revenus augmentent, les achats de viande absorbent, par comparaison a d'autres alimente, une part relativement importante de cet argent supplémentaire. En 1974, on évaluait l'accroissement de la population de l'Iran a 2,9 pour cent par an, et a 5 pour cent celui du revenu individuel disponible. Aussi prévoyait-on une augmentation de la demande de viande rouge d'environ 9 pour cent par an a condition que les prix restent constants. Lorsque les gens quittent la campagne pour la ville, ils deviennent tributaires, pour leur approvisionnement alimentaire, des circuits commerciaux. Ainsi, l'urbanisation influe sur la demande commerciale de viande meme si l'augmentation du revenu individuel du consommateur reste tres modeste. A Dar-es-Salaam, par exemple, ou la population s'accroit de 8 pour cent par an, la demande commerciale double en neuf ans, meme si le revenu individuel ne progresse pas.

La progression des revenus individuels et l'expansion du marché sont les facteurs qui stimulent le plus vigoureusement le changement dans le systeme de commercialisation. Le climat est alors favorable a de nouveaux investissements, et l'on peut envisager de nouveaux procédés techniques et de nouvelles formes d'organisation. La qualité, la variété, les services supplémentaires sont plus appréciés; il devient avantageux de satisfaire ces nouvelles exigences. Mais il serait dangereux de croire que cette évolution revet une grande ampleur dans les pays en développement, meme si la demande augmente a cet égard sur les marchés extérieurs. Deux facteurs peuvent jouer un rôle négatif.

Dans beaucoup de pays du tiers monde, la religion a une tres grande influence sur la demande de viande. La moitié de la population de l'Inde s'abstient de consommer de la viande pour des motifs religieux. Les musulmans ne mangent pas de porc, et ils exigent que les autres animaux de boucherie soient abattus selon les rites traditionnels du Halal. La demande connaît de fortes fluctuations saisonnieres au gré des périodes de jeune ou des fetes religieuses. Les chrétiens d'Ethiopie observent plusieurs longs caremes durant lesquels ils ne mangent pas de viande. Dans nombre de communautés musulmanes, la fete du Id marque un point culminant pour la vente des ovins et des caprins, occasion pour laquelle la plupart des familles cherchent a acheter une bete entiere. Afin de satisfaire cette demande, des troupeaux sont amenés de loin.

Les variations saisonnieres de la demande de viande peuvent aussi résulter des fluctuations du revenu. Dans certaines régions de l'Ethiopie et du nord du Nigéria, les achats augmentent sensiblement chaque année au moment de la vente des récoltes de café et d'arachides. Dans la plupart des pays, on constate une demande de bétail beaucoup plus élevée sur le marché au moment des fetes. Les courbes journalieres de l'abattage du bétail et de la distribution de la viande font meme apparaître une concentration de la consommation carnée en fin de semaine.

Dans de nombreuses parties du monde, la préférence pour la viande fraîche pese lourdement sur le mode de commercialisation. Cette préférence est tenace dans maintes communautés d'Afrique et du Proche-Orient, mais on la retrouve aussi ailleurs. Des buffles vivants étaient transportés par bateau de Thailande a Hong-kong parce que la viande fraîche se vendait 30 pour cent plus cher que la viande acheminée par transport réfrigéré.

Figure 6.1 La demande de viande présente des caracteres particuliers dans les pays en développment.

Emplacement des abattoirs. Dans les programmes d'amélioration de la commercialisation du bétail, l'une des principales questions a régler est de savoir ou procéder a l'abattage: dans le centre de consommation ou dans la zone de production? Autrefois, on n'avait guere le choix. Il fallait abattre les animaux a proximité du point de consommation, sans quoi la viande risquait d'etre avariée avant sa mise en vente. Grâce a la réfrigération, elle peut maintenant etre transportée sur de longues distances. La connaissance de ces techniques nouvelles et leur application a grande échelle dans les pays développés ont amené de nombreux organismes d'assistance technique a en préconiser également l'usage dans les pays en développement. Ils ont en effet constaté que, pendant les longs parcours effectués a pied, les betes perdent du poids et sont souvent fort mal traitées, aussi bien en chemin qu'a l'arrivée a destination.

Le transport de la viande revient généralement moins cher lorsque le réseau routier ou ferroviaire est bon, lorsque l'ensemble des opérations est parfaitement coordonné, et lorsque la viande réfrigérée est acceptée. Dans les pays développés, on tend a déplacer l'abattage des abattoirs urbains vers les zones de production, de sorte que le transport de la viande réfrigérée remplace largement le transport d'animaux vivants. Cette tendance est liée a l'utilisation de la technologie moderne, et tout particulierement a l'existence de « chaînes du froid » continues, de l'abattoir au consommateur. En Amérique du Nord et en Europe occidentale, cette évolution est déja tres avancée, et les abattoirs urbains ont perdu la prédominance qu'ils avaient il y a plus de 30 ans. C'est également le cas maintenant en Amérique latine, apres de durs conflits avec des grossistes et des travailleurs obstinés a défendre leurs intérets dans quelques villes. Ces groupes d'intéret bénéficient fréquemment de l'appui des autorités municipales, peu disposées a renoncer au revenu que représentent les redevances perçues par un abattoir municipal détenant le monopole de l'approvisionnement en viande de la ville. Souvent, ce monopole est né de la nécessité, pour les services municipaux de santé publique, d'assurer l'inspection des viandes avant d'en autoriser la mise en vente et la consommation. Pendant tres longtemps, a Rome, la collusion des grossistes et du syndicat des portefaix réussit de cette maniere a empecher la livraison aux détaillants de viande provenant d'abattoirs situés hors de la ville, si hygiéniques et bien dirigés fussent-ils.

Néanmoins, dans les pays en développement, il est souvent prématuré de construire les abattoirs dans les zones de production.

Dans beaucoup de régions du monde, les consommateurs ont encore une préférence marquée pour la viande fraîchement tuée et boudent les produits réfrigérés. Si l'on tient a satisfaire cette préférence, qui peut également etre renforcée par des principes religieux, il est essentiel de procéder a l'abattage sur place. Ainsi, les pays musulmans qui importent de pays non musulmans achetent souvent le bétail sur pied de maniere que l'abattage se fasse selon les rites. Malgré cela, quand il devient impossible de se procurer de la viande fraîche, les consommateurs prennent vite l'habitude de la viande réfrigérée, comme on a pu le constater apres la famine sahélienne de 1973, au Caire et a Kinshasa.

Pour pouvoir transporter la viande sur des distances considérables, il est indispensable que le systeme de commercialisation dans son ensemble soit équipé pour la manipulation de denrées réfrigérées. La viande est refroidie avant le transport, et la chaîne du froid ne doit pas etre interrompue, du moins jusqu'a ce que le produit soit vendu dans les boucheries. Si la viande se réchauffe avant d'etre achetée, elle aura beaucoup moins bel aspect. Il faut donc prévoir de gros investissements pour les transports réfrigérés et les installations d'entreposage depuis l'abattoir jusqu'au marché central, et aussi pour l'équipement des points de vente, de maniere que la viande, a l'étal meme, reste au froid. Assurer le bon état de marche de tout ce matériel est bien plus difficile dans le tiers monde que dans les pays ou il est d'usage courant. Dans de telles conditions de travail, les délais de transport font courir un risque sérieux de détérioration ou de perte complete.

Il faut comparer le prix d'achat et les frais d'entretien des véhicules réfrigérés destinés au transport de la viande a ceux des véhicules pour le bétail vivant. En général, a capacité de fret égale, un camion frigorifique pour la viande revient deux fois plus cher qu'une bétaillere. L'entretien, les frais de fonctionnement, l'assurance sont également plus onéreux, surtout si les routes sont mauvaises. Enfin, il sera vraisemblablement plus difficile d'organiser des retours en charge pour les camions frigorifiques que pour les véhicules tous usages souvent utilisés pour le transport du bétail.

La carcasse parée d'un bovin ou d'un ovin de bonne qualité représente environ 55 pour cent du poids vif; dans le cas des porcins, cette proportion atteint 75 pour cent. Donc, si la demande du centre de consommation ne porte que sur les quatre quartiers, on économisera beaucoup sur le transport en expédiant des carcasses parées plutôt que des animaux vivants. Mais, dans les pays pauvres, une grande partie du « cinquieme quartier » est utilisée pour la consommation humaine, tout comme la viande; le transport et la commercialisation des abats rouges et blancs peuvent donc représenter un élément important.

A Accra, par exemple, les parties comestibles autres que les quartiers représentent le sixieme de la valeur marchande totale d'un bovin. Si l'abattage se fait ailleurs, il est difficile d'organiser le transport des abats dans l'état voulu pour la vente sur les marchés traditionnels. Quand on ne peut pas les proposer tout frais dans les centres de consommation, on risque de devoir les vendre a bas prix, ce qui constitue un manque a gagner important par rapport a la valeur commerciale de la bete.

Le transport du bétail sur de longues distances provoque inévitablement une perte de poids et des risques de contusions ou de blessures plus sérieuses. D'apres certaines études, I'amaigrissement, compte non tenu des pertes de poids par excrétion, peut etre limité a 1,5 pour cent au cours d'un voyage de quatre jours, a condition de prévoir quelques arrets pour nourrir et abreuver les betes. Ces pertes peuvent etre rattrapées si on a la possibilité, a l'arrivée, de parquer et de nourrir les animaux. Cela entraînera bien entendu des frais dont il faudra tenir compte. A long terme, ces épuisants voyages a pied jusqu'au marché terminal présentent un autre inconvénient: pour etre en mesure de supporter le voyage, le bétail doit etre élevé jusqu'a l'âge de quatre ans ou plus. Les possibilités de prélever sur ces troupeaux des animaux pour la vente s'en trouvent donc fortement réduites. Mais, quand les zones de production sont éloignées, peu peuplées et mal desservies par route les convois de bestiaux peuvent représenter l'unique solution. En pareil cas, l'expérience montre qu'il est utile de tracer un itinéraire organisé, avec des points d'eau et des pâturages.

TABLEAU 6.1 Comparaison des couta et bénéfices des exportations de bétail sur pied et de carcasses de Gao (Mali) a Accra/Koumassi (Ghana)

Animal sur pied Dollars Carcasse Dollars
de vente a Koumassi 163 Prix de vente a Accra 189
Droits de douane ghanéens - 23 Vente locale de la peau  
Net a la vente 140 et des sous-produits 3
Droits de douane ghanéens - 49
Couts    
Prix a l'éleveur 69 Net a lavente 143
Enregistrement 3
Vaccination 1
Taxe a l'exportation 3 Couts
Redevance d'étapes 8 Prix a l'éleveur 69
Transport au Ghana 11 Abattage et réfrigération 10
Droit de transit (Haute-Volta) 2 Transport a l'aéroport 2
Frais vétérinaires au Ghana 1 Fret aérien 51
Perte de poids de 5% 6 Perte de poids 2
Frais divers au Ghana 6 Frais de vente a Accra 1
Montant des couts 110 Montant des couts 135
Bénéfice net 30 Bénéfice net 8

Tels sont les éléments essentiels a prendre en considération avant toute autre chose. Le tableau 6.1 en donne un exemple chiffré. Par la suite, une étude de faisabilité peut faire apparaître les couts comparés de la construction et du fonctionnement d'un abattoir dans la zone de production ou dans la région de consommation, sans oublier qu'a proximité des villes on bénéficiera d'électricité moins chere et d'autres services.

Il ne faut jamais oublier que les gens en place ont une forte capacité de résistance au changement. En 1969, on construisit pres d'Islamabad un abattoir industriel parfaitement équipé en chambres froides, postes de traitement des sousproduits, etc., dont le cout s'élevait a 1 million de dollars. On constitua un service responsable de la gestion et l'on demanda aux bouchers locaux d'amener a cet abattoir tout bétail destiné a la consommation d'Islamabad et de Rawalpindi. Ils refuserent, bien que les anciens abattoirs municipaux fussent fermés. En 1974, petit a petit, on réussit a convaincre quelques bouchers d'utiliser ces installations neuves, mais seulement en leur permettant de procéder a l'abattage comme ils l'entendaient. La plus grande partie de l'équipement restait inutilisée. D'autres bouchers continuaient a tuer le bétail dans des locaux non autorisés un peu partout dans la commune.

Un nouvel abattoir doit fonctionner comme partie intégrante de l'ensemble du systeme de commercialisation du bétail et de la viande. Il constitue souvent, dans un pays en développement, le principal élément moderne d'un systeme qui reste par ailleurs traditionnel. Il ne pourra réussir que si son activité s'adapte bien a ce qui se passe avant et apres dans le circuit de commercialisation. Malheureusement, il arrive que des décisions primordiales d'investissement dans ce domaine soient prises en fonction d'intérets politiques a court terme, plutôt que d'avantages économiques a long terme, et sans concertation avec les usagers. Actuellement, certains pays paient tres cher des installations trop vastes, mal conçues ou mal situées.

Circuits de commercialisation. Quand les points de production et de consommation sont peu éloignés l'un de l'autre, le circuit est tres simple. Les bouchers achetent aux éleveurs les animaux sur pied, a la ferme ou sur le marché local. Ils les tuent et les dépecent dans un abattoir local, et vendent la viande a un étal sur les marchés ou dans une boutique. Mais, dans de nombreuses régions, les bovins, les ovins et les caprins sont élevés par de petits exploitants éparpillés, ou sur de vastes parcours, souvent en transhumance, alors que la viande est consommée dans des centres urbains a des centaines de kilometres de distance. Apres les avoir achetés aux éleveurs, il faut donc les garder, les nourrir et les abreuver jusqu'a ce qu'ils atteignent, au bout de plusieurs jours (voire de plusieurs semaines), leur destination finale ou ils sont menés a l'abattoir municipal et la viande vendue aux détaillants, généralement a crédit. Au fil des ans, on est arrivé a intégrer ces opérations dans un systeme harmonieux qui satisfait a la fois producteurs et consommateurs. Ce systeme est d'habitude aux mains de quelques grands grossistes qui sont parfois installés dans les principaux centres de consommation, mais qui sont souvent originaires de la région d'élevage ou ils ont gardé de fortes attaches familiales. Les prises de décisions étant concentrées et les risques a la vente relativement faibles (de meme que les couts salariaux), un tel circuit de commercialisation peut fonctionner avec des marges assez modestes. La FAO a réalisé une étude sur les marges de commercialisation pour des produits provenant de régions situées a 100 ou 200 km d'une capitale; il en ressort que dans certaines régions d'Asie, les éleveurs touchent entre 70 et 80 pour cent du prix payé par le consommateur. Néanmoins, les éleveurs s'estiment souvent défavorisés dans leurs tractations avec les acheteurs par un manque d'information et de pouvoir de négociation. Ils ont l'impression que quelques grossistes se sont associés pour s'assurer le contrôle du marché. Les consommateurs réagissent vivement aux augmentations soudaines que connaissent les prix de la viande en fonction de cycles de production dont ils ne sont pas non plus informés. C'est pourquoi de nombreux gouvernements sont soumis a des pressions en faveur d'une fixation des prix ou d'une réforme du marché.

Figure 6.2 Circuits de commercialisation du bétail et de la viande.

L'autre type de circuit, le plus courant, s'organise autour d'une entreprise qui achete le bétail, l'abat dans ses propres locaux et expédie les différents morceaux vers les débouchés les plus rémunérateurs. La vente en gros de la viande par quartiers ou par morceaux permet de satisfaire la demande des consommateurs avec plus de souplesse que la vente des carcasses ou des animaux entiers. Les détaillants peuvent acheter les morceaux que leurs clients préferent. Le reste est vendu a des clients qui traitent la viande (voir figure 6.2).

C'est surtout en vue de l'exportation que des société internationales comme Liebig ou Vestey ont implanté de telles entreprises dans le tiers monde. Pour assurer l'approvisionnement suivi (en qualité comme en quantité) qu'exigent leurs réseaux de distribution dans les pays importateurs, et répondre a leurs normes sanitaires, ces sociétés cherchent a obtenir le contrôle direct de l'achat, de la manipulation, du traitement et du transport. Elles fournissent généralement de la viande fraîche aux populations urbaines du pays. Elles exportent la viande réfrigérée, congelée ou en boite en fonction des débouchés et des possibilités de transport. En Amérique du Nord et en Europe, la viande non traitée n'est autorisée a l'importation que si elle provient de régions exemptes de fievre aphteuse. Sinon, seule la viande cuite peut etre importée.

La Commission des viandes du Kenya et celle du Botswana sont des entreprises du meme genre. Des organisations publiques pour le commerce de la viande ont également été constituées dans des pays ou la production nationale ne suffit pas a couvrir les besoins des consommateurs. Elles ont pour fonction d'assurer la disponibilité des marchandises, au détail, a des prix acceptables. C'est le rôle de Et ve Balik (Office de la viande et du poisson) en Turquie. En Egypte, les points de vente au détail des coopératives de consommateurs et certaines institutions publiques sont approvisionnés par l'organisation générale pour la viande et le lait a des prix tres inférieurs a ceux du marché ouvert; mais cette pratique nécessite des subventions, et seules des catégories limitées de la collectivité en bénéficient.

Il est tres important, dans la commercialisation du bétail et de la viande, que les dirigeants d'une entreprise soient a meme de prendre leurs propres décisions pour les affaires courantes, et soient a l'abri de toute ingérence ou pression extérieure-notamment pour ce qui concerne les prix. L'expérience tend a montrer que, sur le plan de la concurrence, ce sont les petites entreprises a fort coefficient de main-d'ouvre qui sont le mieux placées pour acheter le bétail a des éleveurs dispersés et vendre la viande au détail a des consommateurs a bas revenu. En effet, elles se distinguent par la souplesse des méthodes, la présence constante de « I'oil du maître », les décisions immédiates. Cela permet de mieux comprendre les points faibles qui caractérisent les entreprises publiques de commercialisation-lenteur de réaction aux changements qui interviennent dans les conditions locales et lourdeur des procédures bureaucratiques. Ces défauts sont particulierement évidents dans des opérations comme l'achat du bétail aux éleveurs et la vente de la viande au détail.

Marges commerciales et améliorations. L'efficacité de la commercialisation dépend non seulement des couts, mais aussi de la nature et de la qualité des services offerts. La marge commerciale sur la viande vendue en vrac ou débitée a l'étal d'un marché ouvert peut tres bien ne pas dépasser 20 pour cent. Sur des morceaux sélectionnés, conditionnés, réfrigérés et vendus dans un magasin a grande surface, la marge peut atteindre le double. S'il y a suffisamment de clients disposés a payer pour un service du genre supermarché, alors la création d'un tel service renforce l'efficacité de la commercialisation. Cela ne veut pas dire, bien sur, que les circuits plus simples et moins couteux doivent disparaître, tant qu'il y aura des clients pour leur donner la préférence.

Ainsi, l'amélioration de la commercialisation suppose un mélange judicieux de mesures: il faut réduire les frais et, en meme temps, varier et développer les prestations déja fournies, tout en maintenant leur cout dans des limites acceptables. A cet égard, le critere déterminant est en définitive le point de savoir si le consommateur est ou non disposé a payer pour ces nouveaux services. Si, au total, lesdits services apportent plus de satisfaction au consommateur sans nuire aux intérets du producteur, ils représentent une amélioration de la commercialisation.

Pour etre valables, toute décision d'investir et tout programme d'amélioration exigent une connaissance approfondie des prix courants et des marges commerciales, complétée par une évaluation des services a fournir. Le tableau 6.2 montre les marges commerciales moyennes, pratiquées a Lima en 1972, sur le bétail et la viande de bouf, de mouton et de porc.

On peut comparer le prix de la carcasse a celui de la viande débitée en pondérant les prix des différents quartiers. Le tableau 6.3 illustre cette méthode par un exemple tiré de la commercialisation des porcs a Chypre. Il conviendra de vérifier sur place les pourcentages applicables dans d'autres conditions et pour des animaux différents.

TABLEAU 6.2 Marges et couts dans la commercialisation de la viande et du bétail, Lima, 1972

Pour améliorer la commercialisation de la viande et du bétail, il faut, en regle générale, concentrer l'attention sur des points précis, et non porter des jugements d'ensemble sur le systeme. Voici une liste récapitulative des aspects a prendre en considération pour établir un programme réalisable.

  Bovins 1re catégorie (bete 325 kg, carcasse 162 kg) Ovins 1re catégorie (bete 35 kg, carcasse 14 kg) Porcins 1re catégorie (bete 93 kg, carcasse 70 kg)
..............................an dollars US ..........................
Prix net a l'éleveur 167,97 13,18 55,27
Transport a l'abattoir et autres frais 8,58 1,81 1,55
Droits d'abattage 6,97 0,44 1,87
Commissions 1,55 0,31 1,03
Bénéfice du commerçant/grossiste 3,07 0,85 4,47
Total, marge de gros 20,17 3,41 8,92
Valeur totale de gros (prix net a l'éleveur et marge de gros) 188,13 16,59 64,19
Viande en quartiers 165,38 13,75 61,49
Abats 12,53 1,29 2,70
Cuir ou peau 10,22 1,55 -
Prix de la viande en quartiers au détaillant 165,38 13,75 61,49
Marge du détaillant sur la viande 55,12 2,61 8,27
Valeur de la viande au détail 220,50 1 6,36 69,76
Prix des abats au détaillant 12,53 1,29 2,70
Marge du détaillant sur les abats 12,53 1,29 0,90
Valeur des abats au détail 25,06 2,58 3,60
Valeur finale des produits

(carcasse, abats, cuir ou peau)

255,78 20,49 73,36
  .............................en pourcentage..........................
Part de l'éleveur 66 64 75
Marge commerciale du grossiste 8 17 12
Marge commerciale du détaillant 26 19 13

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