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Grandes distances au Sahel

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La stabilisation dans le temps des prix et des approvisionnements de céréales de base est essentielle dans les régions semi-arides, ou la production est concentrée sur une seule période de l'année, et ou les récoltes sont extremement variables selon les précipitations. C'est dans cette situation que se trouvent les pays du Sahel et, a divers degrés, d'autres régions arides du monde. La gestion d'un systeme de garantie des prix et de stabilisation des approvisionnements se trouve souvent compliquée dans ces régions par les grandes distances qui séparent les centres de production et de population les uns des autres, et qui rendent tres couteux le transport des céréales.

On pourra se faire une idée de la confusion que peut provoquer une pression politique visant a prévenir « l'accaparement » et a aider les consommateurs en temps de famine en lisant la critique cinglante de l'intervention gouvernementale au Sahel que fait Barbara Harris dans Going against the grain '.

Les objectifs fixés étaient les suivants: approvisionner les régions urbaines et rurales qui se trouvaient le plus régulierement en déficit; stabiliser les prix au producteur; maintenir les prix au consommateur assez bas.

Les mesures prises présentaient les caractéristiques ci-apres:

Une décision d'ordre politique s'impose a l'évidence. Il faut déterminer clairement les rôles respectifs des négociants privés et d'un organisme officiel de stabilisation; de meme, il faut s'assurer que l'action des pouvoirs publics, a l'échelon central ou local, vienne constamment étayer cette politique. On peut encore en tirer deux autres conclusions:

La mise en ouvre de la premiere de ces propositions dépend tout d'abord de la mesure dans laquelle un organisme local, aidé par un représentant d'un service officiel de commercialisation des céréales, se montrera capable d'assumer la gestion d'un stock régulateur saisonnier. Dans certaines régions, une telle pratique pourrait n'etre que la prolongation de systemes traditionnels de protection déja appliqués par le village et par les autorités. On aura besoin d'argent pour que les agriculteurs fournissant des approvisionnements puissent etre payés s'ils le désirent. Autre formule possible: ils pourront obtenir un avoir et conserver le droit de participer aux bénéfices sur les ventes effectuées plus tard dans l'année a des prix plus élevés. Seules seraient vendues en dehors de la région les quantités manifestement excédentaires.

Il ne faut pas considérer qu'un tel systeme pourrait se substituer a un mécanisme national de stabilisation; il permettrait simplement de réduire les interventions de ce dernier en matiere de prix et d'approvisionnement dans des localités éloignées ou isolées. L'office de stabilisation ferait ses achats aupres du systeme local de stocks et fournirait sur demande des disponibilités supplémentaires; les prix devraient alors tenir compte des couts de transport.

La seconde proposition permet de contourner les dangers qu'il y aurait a laisser la population d'un pays en développement consommer des aliments de base dérivés d'une céréale que ce pays ne peut pas produire. Ce probleme se pose dans beaucoup de pays africains. La disponibilité de blé importé a des conditions de faveur n'a fait qu'étendre et renforcer chez les consommateurs des préférences naguere limitées a des groupes restreints disposant de revenus élevés. L'application de prix a la production motivants pourrait faire augmenter les disponibilités de céréales d'origine nationale, mais les gouvernements n'en ont pas les moyens, surtout lorsqu'il s'agit de subventionner les prix de détail pour les rendre compatibles avec le pouvoir d'achat de groupes a bas revenu.

En 1980, les agriculteurs sénégalais se virent proposer un séduisant systeme de garantie de prix et de débouchés pour le sorgho et le millet, assorti d'un programme bien conçu de fourniture d'intrants, de crédit et de vulgarisation. L'office de commercialisation (ONCAD) dut acheter quelque 110 000 tonnes de sorgho et de millet, mais ne put les revendre qu'au prix de lourdes pertes. Comme beaucoup d'agriculteurs avaient été incités a délaisser la culture de l'arachide en faveur des céréales, les disponibilités exportables d'arachides baisserent fortement. Il fallut fermer l'ONCAD et abandonner le programme de promotion des céréales.

Plutôt que d'une aide sous forme de denrées alimentaires, c'est certainement d'apports financiers que les pays du Sahel ont besoin pour soutenir des programmes de prix différentiels encourageant la production tout en restant accessibles aux consommateurs. Mais, la aussi, il faut etre prudent. Si, pour accroître la production céréaliere, on soustrait des terres aux cultures d'exportation au lieu d'augmenter les rendements, on fera baisser les entrées de devises. Or, ces recettes doivent permettre de faire face a la demande de produits non agricoles, importés pour la plupart. Si les magasins sont vides et s'il n'y a rien a acheter, le prix garanti des céréales risque de ne pas etre un facteur de production bien efficace.

Aider les consommateurs a bas revenu

De nombreux gouvernements de pays en développement constatent que, des que le prix des céréales. alimentaires de base est suffisamment élevé pour stimuler les producteurs, il est hors de portée des consommateurs a bas revenu.

En effet, le prix de détail qu'il faudrait demander pour couvrir les frais de groupage, de transport, d'emmagasinage et de distribution dépasse leurs possibilités. Certains gouvernements qui tirent du secteur non agricole des revenus substantiels ont la possibilité de résoudre ces problemes en pratiquant un systeme de subventions. Ils peuvent mettre sur pied une organisation spécialisée, comme la CONASUPO au Mexique, pour vendre en dessous des prix de revient aux groupes a bas revenu. Le gouvernement couvre le déficit. Pour les pays en développement qui ne disposent pas de telles ressources, subventionner le prix des céréales alimentaires de base peut devenir une charge insupportable. C'est ce qui s'est passé a Sri Lanka dans les années 70; a cette époque, le programme de distribution du riz absorba jusqu'a 18 pour cent des dépenses totales du gouvernement.

Pour appliquer aux moindres frais un systeme de double prix, a savoir, d'une part, un prix a la production qui encourage les exploitants et un prix a la consommation proche de celui du marché libre et, d'autre part, un approvisionnement a prix réduit pour les consommateurs nécessiteux, il faut:

En 1975, les directeurs de l'INDECA-office chargé de la stabilisation du marché des céréales au Guatemala-se virent confier l'application d'un programme de ce genre. Il fallait en premier lieu fixer les prix maximaux et les marges des intermédiaires. Le gouvernement avait l'intention d'étayer ces contrôles par la vente, dans les secteurs pauvres, de mais, de haricots et de riz importés. L'INDECA fut chargé de cette tâche.

Des contrats furent passés avec les détaillants des secteurs pauvres, afin qu'ils pratiquent les prix et les marges prescrits. De plus, l'office des locaux pour vendre directement. Cependant, de longues files d'attente se constituerent devant les magasins conventionnés; certaines personnes, surtout des enfants, revenaient continuellement faire la queue, s'étant aperçues qu'elles pouvaient se faire un peu d'argent en revendant sur le marché libre des céréales achetées au prix réduit fixé par les autorités.

On cherchait encore une base de travail satisfaisante quand survint une autre intervention politique. Des élections approchaient. Les éventuels candidats virent la possibilité de s'assurer un soutien populaire en disposant dans leur secteur d'un point de vente pratiquant les prix subventionnés. On usa d'influences pour ouvrir ces points de vente. Les choses allerent tellement vite qu'il devint impossible d'assurer la régularité des approvisionnements. Certains membres de la direction de l'INDECA, malgré tout, revaient d'un circuit officiel de distribution des denrées alimentaires, qui vendrait une dizaine de produits a des prix bien inférieurs a ceux du marché libre. Ils revaient aussi de postes élevés pour les directeurs et pour les cadres.

Cependant, comme le prix des aliments montait sur le marché libre et que l'approvisionnement des points de vente officiels était moins régulier, les files d'attente s'allongeaient. Elles commençaient la veille du jour prévu pour la réception des marchandises. Le temps et le personnel manquaient pour assurer une gestion et une supervision efficaces. La presse critiqua de plus en plus ces mesures d'assistance. Cette situation vint aux oreilles d'un groupe de jeunes gens qui comptaient parmi les principaux partisans du parti qui avait remporté les élections. Ils proposerent, pour rendre service a leur pays, de reprendre l'office de commercialisation des céréales et de le réorganiser. Le ministre de l'agriculture accepta. On remplaça donc la plus grande partie du personnel de l'office, et on engagea des gens sans formation ni expérience. Pendant ce temps, les journaux continuaient a faire état des queues interminables, de l'insuffisance des approvisionnements et des doutes quant a la gestion des fonds. Le gouvernement décida de destituer le ministre de l'agriculture et un nouveau ministre entra en fonctions. Sa décision fut vite prise. La moisson approchait, on s'attendait a une bonne récolte de céréales; en l'espace d'une journée, il mit fin au programme de distribution alimentaire. Il y eut des manifestations, un tollé populaire, pour réclamer la reprise des ventes de céréales a prix réduit. Mais au bout d'une semaine critique, les choses se tasserent, et le ministre put maintenir sa décision. Cela aida le gouvernement a résoudre ses propres problemes, mais non ceux des consommateurs a bas revenu.

La nouvelle attitude officielle était d'améliorer les circuits commerciaux de distribution des denrées alimentaires en encourageant la mise en place de chaînes volontaires et de coopératives. Une enquete révéla que la plupart des gérants de magasins coopératifs les administraient comme s'ils en étaient propriétaires. Puisqu'ils formaient l'ossature de la « coopérative » et que personne ne voulait ni admettre ni modifier cette situation, on ne put rien entreprendre de plus dans cette direction.

L'autre volet du programme consistait a rassembler les petits détaillants déja existants en une chaîne volontaire qui procéderait a des achats groupés, ce qui réduirait les frais. Il existait déja un groupe de détaillants qui s'étaient mis d'accord pour centraliser une partie de leurs achats de gros, mais ils agissaient clandestinement, sans quoi ils auraient du payer une forte taxe sur le chiffre d'affaires. Ils auraient pu agir de meme, sans sortir de la légalité, en constituant une coopérative, mais dans ce domaine la loi en vigueur ne prévoyait pas les coopératives de détaillants. On parvint a convaincre les autorités compétentes d'amender la loi et d'ouvrir la voie vers un développement prometteur.

Figure 4.5 Vente a meilleur prix sur présentation d'une carte de rationnement.

En 1980, le Conseil mondial de l'alimentation entreprit d'analyser les programmes de subventions et de distribution directe de céréales alimentaires. Il constata que dans l'Etat du Kerala, en Inde, on pratiquait le systeme du double prix et que les producteurs de céréales comme les consommateurs en tiraient les meilleurs avantages. La Société indienne des produits alimentaires (FCI) était l'organisation clef. Ses entrepôts fournissaient en céréales alimentaires 256 grossistes agréés (dont 210 privés et 46 coopératives). Ces grossistes avaient comme filiales 11 385 points de vente (8 462 privés et 2 923 coopératifs). En moyenne, chaque dépôt ou sous-dépôt de la FCI approvisionnait environ sept grossistes, dont chacun fournissait 45 détaillants. Chaque point de vente au détail alimentait en moyenne 345 ménages porteurs de cartes de ravitaillement. Le riz paddy était acheté en vertu d'un décret imposant a toute exploitation qui consacrait deux acres ou plus a cette culture l'obligation de fournir des quantités déterminées a des prix fixés d'avance. Toutefois, pendant les années 70, les quantités ainsi traitées ne représentaient que de 3 a 7 pour cent des denrées entrant dans le circuit du systeme de rationnement. On faisait venir le complément d'autres régions de l'Inde dont la production était excédentaire.

Avait droit a une ration toute famille qui ne possédait pas suffisamment de terre pour subvenir a ses propres besoins (3 pour cent environ). On n'essaya pas d'appliquer des criteres de revenu-ce qui souleve toujours des difficultés dans la pratique. Quoi qu'il en soit, en fournissant a peu pres 50 kg de céréales par personne et par an au moyen de ces magasins a prix « équitables », on assurait une alimentation minimale, mais les besoins des consommateurs n'étaient couverts qu'en partie. Les pauvres, le plus souvent, complétaient avec du manioc. Les consommateurs riches pouvaient se permettre d'acheter du riz a des prix élevés sur le marché libre ou les céréales alimentaires étaient disponibles, ce qui laissait aux consommateurs une large possibilité de choix.

La distribution publique de céréales au Kerala comportait deux éléments importants: la limitation des entrées de céréales dans l'Etat, et la vente par les pouvoirs publics de céréales importées dans des magasins a prix « équitables ». La premiere de ces mesures permit de maintenir les prix a la production bien audessus des cours nationaux. En 1974/75, le prix du riz sur le marché libre au Kerala était de 3,49 Rs le kg contre 2,50 Rs au niveau national. De la sorte, les agriculteurs du Kerala étaient constamment motivés pour augmenter leur production. De plus, le programme de distribution du Kerala pouvait en permanence se procurer a l'extérieur des céréales moins cheres. Alors que le Gouvernement indien devait subventionner la distribution d'aliments au Kerala, le Gouvernement du Kerala arrivait a couvrir a la vente tous les frais de fonctionnement du systeme. En outre, pour mettre ce systeme en place, l'Etat n'avait eu a faire aucun investissement; les grossistes et les détaillants se chargeaient de l'emmagasinage. Pour le transport, les grossistes passaient des accords sans dépasser les marges autorisées par le gouvernement de l'Etat.

Il y avait, bien sur, une différence de qualité entre les céréales fournies sur la base du ravitaillement et celles que l'on trouvait sur le marché libre. Au cours de la décennie 1967-1976, le prix du riz sur le marché libre varia entre 141 et 274 pour cent du prix du riz subventionné. Les agriculteurs étaient par la meme incités a améliorer la qualité de leur production. Les consommateurs aisés purent ainsi satisfaire leurs préférences, sans que soient lésés les besoins nutritionnels des moins favorisés. Ces derniers se procuraient aupres des services de ravitaillement les deux tiers du riz qu'ils consommaient. Les groupes plus aisés n'y faisaient appel que pour un tiers de leur consommation.

Le systeme des rations offre la possibilité de déterminer la variété et la qualité des céréales mises en circulation. On peut arreter ces criteres de façon que seuls les défavorisés fassent appel a cet approvisionnement rationné. Ainsi, grâce au rationnement des denrées alimentaires, il peut arriver que les cibles se désignent d'elles-memes, meme dans des situations ou les méthodes administratives ne permettent pas de cerner efficacement les groupes sociaux a viser. Les possibilités de revente étant limitées, la plupart des consommateurs n'utiliseront vraisemblablement leur ration que pour leur consommation personnelle. Au Pakistan, la distribution de céréales alimentaires de qualité inférieure dans des magasins de ravitaillement rationné a donné les memes résultats.

Le fait que les cibles se désignent ainsi d'elles-memes contribuera également a maintenir assez bas le prix d'une céréale peu demandée, mais d'une bonne valeur nutritive, en finançant l'opération au moyen des marges prélevées sur une céréale plus demandée. C'est ce qui a pu etre fait en Indonésie avec le mais par raport au riz, et en Afrique avec le sorgho et le mais par rapport au blé et au riz.

Les programmes d'ajustement des prix a la consommation des céréales alimentaires de base sont souvent considérés avec scepticisme; ils mobilisent des budgets importants, nécessitent une administration couteuse, font baisser les prix agricoles intérieurs et donnent lieu a des « fuites » au profit de groupes sociaux qui n'étaient pas visés. L'exemple de la distribution publique au Kerala montre que, dans certaines conditions, il est possible de surmonter ces obstacles en pratiquant des politiques judicieuses d'achat, d'établissement des prix et de distribution.

 

Enseignements tirés

Nécessité d'un mécanisme de stabilisation. Elle est particulierement évidente lorsque la récolte des aliments de base se fait sur une ou deux courtes campagnes et que les rendements peuvent varier fortement, en fonction des conditions de production. Elle s'impose avec moins d'urgence quand on dispose a diverses saisons de l'année de cultures de remplacement. Si les zones de production intensive sont éloignées des régions fortement peuplées, il vaut mieux décentraliser en conséquence les opérations de stabilisation. On risque, en égalisant les prix sur l'ensemble du pays, de provoquer des frais de transport excessifs. On déséquilibrera les revenus des agriculteurs en maintenant les prix, lors des campagnes médiocres, a des niveaux annoncés d'avance. La place faite ici au fonctionnement des organismes officiels de stabilisation montre bien le

Etendue de l'intervention. Il suffit généralement, pour des opérations de stabilisation, d'acheter entre 10 et 25 pour cent des céréales mises sur le marché. Il convient de laisser subsister le marché libre déja en place; on évitera ainsi de surcharger l'office de stabilisation, et de démotiver les producteurs au cas ou l'office ne pourrait pas acheter toute leur production. On peut y parvenir en fixant pour l'organisme public des marges suffisantes propres a encourager le commerce privé.

La pratique du monopole. Demander aux agriculteurs de vendre exclusivement a l'office de stabilisation, c'est risquer d'entraîer un manque d'efficacité dans l'utilisation des transports, dans l'emmagasinage et les autres fonctions de commercialisation. Beaucoup d'agriculteurs pourraient etre amenés a verser des pots-de-vin a des centres d'achat officiels afin d'obtenir des services ou de voir leurs produits classés dans une bonne catégorie. Tout cela peut se résumer pour eux a toucher, en réalité, des prix inférieurs a ceux qu'ils obtiendraient si on laissait jouer la concurrence.

L'office peut cependant avoir besoin d'exercer un monopole sur les importations de céréales. La possibilité de faire des bénéfices importants sur les céréales préférées par les consommateurs a haut revenu l'aidera, dans ce cas, a financer la politique de stabilisation.

Etablissement des prix. On commence normalement par établir un prix plancher a la production, intermédiaire entre le prix concurrentiel a l'exportation et le prix plafond, également concurrentiel, a l'importation. On peut ensuite ajuster ce prix plancher, selon le niveau d'approvisionnement qu'on désire obtenir. Ce prix peut varier d'une région a l'autre si l'on tient compte des frais de transport jusqu'aux principales zones de consommation.

Il convient, pour permettre la meilleure utilisation possible des installations d'emmagasinage qui jalonnent le circuit, de l'exploitation au consommateur, d'autoriser au cours de la saison une augmentation des prix de 15 a 20 pour cent. La pratique de prix différents en fonction du moment et de l'endroit de livraison incite fortement les agriculteurs, les intermédiaires et les coopératives a fournir des services de commercialisation efficaces. En l'absence de prix saisonniers, les agriculteurs chercheront a se défaire de tout l'excédent commercialisable aussitôt apres la récolte, ce qui engorge les systemes de transport et oblige l'office de stabilisation a prévoir en permanence une capacité d'emmagasinage inutilement élevée.

Les acheteurs officiels sont soumis a une pression constante de la part des agriculteurs pour accepter les céréales au prix convenu sans tenir compte de leur état. Ils auraient intéret a maintenir des prix motivants s'ils veulent éviter une augmentation du taux de moisissure et d'impuretés, sans quoi, ils devront supporter des frais élevés de séchage et de nettoyage, ainsi que les frais causés par les pertes, et seront privés de toute possibilité de motiver les exploitants qui sont en mesure d'assurer eux-memes le séchage et le nettoyage de leurs céréales.

Il vaut mieux garder une certaine souplesse dans le prix de vente des marchandises-vente directe aux détaillants de préférence. Il faut maintenir des stocks, ou si nécessaire les constituer, en prévision de l'époque ou, d'apres l'expérience acquise, les prix au consommateur seront les plus élevés. Avec de la pratique, et la connaissance du marché, l'office sera peut-etre en mesure d'appliquer le systeme du double prix: ventes au prix du marché libre et ventes au détail a prix réduit pour les consommateurs a bas revenu. Les conditions économiques optimales d'une telle opération sont réunies lorsque le produit proposé n'intéresse que les plus défavorisés.

La gestion. Le fonctionnement efficace d'un tel systeme exige une gestion compétente, l'acces a des informations fiables au sujet de la production agricole, des perspectives dans ce domaine, de l'importance des stocks et autres indicateurs de marché, et aussi une absence relative d'interventions arbitraires des pouvoirs publics. Le gouvernement doit etre particulierement pret a prendre en charge les frais des stocks de réserve ou de sécurité alimentaire, ou a faire appel a l'aide internationale a cette fin. Il doit etre pret, le cas échéant, a subventionner les exportations si les stocks régulateurs atteignent un volume qui les rend antiéconomiques. Si l'office de stabilisation voit ses installations de stockage entierement pleines et n'est pas autorisé a exporter en temps voulu, il ne saura pas ou mettre les céréales achetées afin de maintenir le prix minimal pour la récolte suivante. Les besoins en capital de roulement et en crédits, qui permettent d'appliquer les prix de base annoncés a l'avance, doivent etre évalués avec précision; il faut également assurer le financement nécessaire.

Emmagasinage. Les silos et le matériel de traitement mécanisé sont surtout utiles lorsque la manutention doit etre rapide, afin d'éviter les retards de transport. Si ce n'est pas le cas, des entrepôts permettant le stockage en sacs ou en vrac conviennent mieux lorsque la main-d'ouvre est abondante. Avant de se lancer dans de gros investissements nouveaux pour des installations d'emmagasinage, il faut se préoccuper des routes et des services de transport et vérifier si les installations existantes sont pleinement utilisées. En choisissant le lieu d'implantation de nouvelles installations, on donnera la priorité aux tetes de ligne des transports, puis aux zones de production pour réduire les distances. En cas de récolte particulierement abondante, des abris provisoires seront nécessaires. Dans les zones de consommation, la capacité d'emmagasinage doit permettre de couvrir les besoins prévisibles jusqu'a l'arrivée de disponibilités d'origine nationale ou étrangere.

Aide au commerce privé. L'expérience, dans plusieurs pays, démontre que la commercialisation des céréales par les pouvoirs publics peut revenir tres cher si l'on tient compte de tous les frais. Vraisemblablement, dans ce mouvement de grandes quantités du producteur au consommateur, une part de responsabilité reviendra au commerce privé. C'est pourquoi le gouvernement doit s'efforcer de créer un climat qui lui soit favorable. Les entreprises de commerce privées ont besoin de certaines assurances concernant l'avenir et d'une assistance bien précise afin de construire, sur la base de l'expérience qu'elles ont acquise, une structure efficace de commercialisation.

 

Questions aux fins de discussion

  1. Quelle est la proportion commercialisée de la production céréaliere de votre pays? Par quels circuits parvient-elle au consommateur?
  2. Identifiez les principales entreprises qui participent, dans votre pays, a la commercialisation des céréales. Quel volume annuel traitent-elles en moyenne? Enumérez tous les renseignements que vous avez pu obtenir sur les moyens employés pour arriver a ce niveau et s'y maintenir.
  3. Quelles sont dans votre pays les principales méthodes de transport, d'emmagasinage et de traitement des céréales? A quel échelon constate-t-on les pertes les plus importantes? Quelles modifications suggérez-vous pour les réduire?
  4. Dans votre pays, quelle est l'ampleur des fluctuations enregistrées dans les rendements des céréales alimentaires de base? Quelle a été la tendance pendant ces 10 dernieres années?
  5. Existe-t-il dans votre pays un mécanisme spécifique de stabilisation des approvisionnements et des prix? Décrivez les moyens dont il dispose pour fonctionner. Quelle est, en moyenne, sa part dans la commercialisation des céréales?
  6. Existe-t-il des dispositions pour maintenir un stock de réserve complémentaire d'une année a l'autre afin de parer aux cas d'urgence? Si oui, quel est le mode de financement? Par rapport a la situation générale du pays, considérez-vous que ce stock de réserve devrait etre plus important? Moins important? Comment en préserve-t-on la qualité?
  7. Est-ce que dans votre pays les prix d'achat pratiqués par l'office de stabilisation
  1. Dans votre pays, l'office de stabilisation achete-t-il directement aux agriculteurs, ou par l'intermédiaire d'agents? Sur quelles distances les agriculteurs doivent-ils transporter leurs céréales pour en obtenir le prix minimal annoncé d'avance? Quel est le point de vue des agriculteurs quant a l'efficacité de ce systeme d'achat?
  2. On soutient parfois qu'il faudrait aussi stabiliser les prix de certaines denrées agricoles riches en protéines, comme les haricots et les pois, et des produits qui peuvent remplacer les principales céréales-millet et sorgho en pays secs, manioc et igname en pays tropicaux humides-sans quoi leur production diminuera. Est-ce la une question importante pour votre pays? Etendre la pratique de prix minimaux garantis a ce genre de cultures serait-il réalisable? Comment appliquer de telles garanties?
  3. Existe-t-il dans votre pays des dispositions permettant aux consommateurs a bas revenu de se procurer des céréales alimentaires de base a un prix inférieur a celui payé par la grande majorité de la population? Si c'est le cas, comment fonctionnent-elles? Quelles modifications proposez-vous? Dans le cas contraire, pensez-vous qu'un tel systeme serait nécessaire? Quelles seraient les meilleures méthodes pour le gérer, compte tenu des frais et de la situation économique du pays?
  4. Que fait-on dans votre pays pour aider les entreprises locales a progresser jusqu'a constituer un systeme efficace de commercialisation des céréales a l'échelle nationale?

 

Références

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