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Préface

Table des matières - Suivante

Le présent ouvrage traite de l'amélioration, dans la pratique, de la commercialisation des denrées alimentaires et agricoles. lI s'inspire directement de l'expérience acquise par la FAO dans l'aide aux Etats Membres des régions en développement entre 1955 et 1980. Durant la majeure partie de ces années, 50 a 100 conseillers et consultants de la FAO ont ouvré dans des domaines tres divers de la commercialisation. Leur but, a long terme, était de mettre ces pays en mesure de résoudre eux-memes leurs problemes.

La commercialisation est un secteur des plus dynamiques. Les problemes qu'elle pose ne disparaissent pas avec le progres, mais, bien au contraire, se font parfois plus élaborés et complexes. On aura donc toujours besoin de former du personnel a l'intention des entreprises et services de commercialisation.

A bien des égards, cet ouvrage constitue un prolongement a la publication de la Collection FAO: La commercialisation-Cahier n° 1, Les problemes de la commercialisation et leurs solutions, parue pour la premiere fois en 1958. Les lecteurs auront peut-etre intéret a se reporter a la premiere partie de ce cahier, laquelle expose en termes simples les principes de la commercialisation. La publication « Economie et commercialisation des produits agricoles sous les tropiques » traite de façon plus poussée des concepts d'économie, d'établissement des prix, de commercialisation et de développement. Les lecteurs qui souhaitent se renseigner sut les rapports économiques et commerciaux pourront utilement s'y référer. De toute maniere, ils trouveront a la fin du présent ouvrage un glossaire des termes de commercialisation couramment utilisés.

La présente publication s'adresse également aux décideurs et aux responsables de la commercialisation dans les pays en développement, et vise a aider les organismes d'assistance et autres organisations et institutions intervenant dans le processus de développement. Les données d'expérience réunies dans ce texte seront aussi utiles au personnel des banques, entreprises commerciales et autres institutions travaillant dans des pays en développement.

Les « questions aux fins de discussion » doivent permettre aux étudiants de se familiariser avec la structure de la commercialisation des denrées alimentaires et agricoles dans leur propre pays. Bien des informations n'étant pas aisément disponibles, les instructeurs devront prendre des dispositions pour rassembler ces renseignements au moyen d'enquetes successives. Les étudiants devront participer a ces enquetes dans toute la mesure ou ils en auront le temps. Une fois en possession des réponses a toutes les questions, l'instructeur ne devra les révéler qu'apres une premiere série de débats. Quoi qu'il en soit, tous les étudiants devraient etre tenus de faire au moins une série d'interviews directes et de tournées sur les lieux pour chaque domaine étudié. Auparavant, les instructeurs devront se mettre en rapport avec les entreprises pour organiser ces visites. L'accent pourra etre mis sur l'avantage qu'auraient ces entreprises a mieux comprendre les réalités de la commercialisation dans leur pays.

Certaines entreprises commerciales stratégiques seront peut-etre peu disposées a collaborer. En pareil cas, il faudra que les étudiants constituent un dossier sur leur opérations en se renseignant aupres d'autres sources compétentes-concurrents, fournisseurs, clients-et en puisant aux sources officielles et officieuses pertinentes, dont les coupures de presse que devrait rassembler périodiquement l'instructeur.


1. Améliorations a la commercialisation des denrées alimentaires et agricoles

Par commercialisation alimentaire et agricole, on entend le mouvement de la production agricole entre l'exploitation, lieu d'origine, et le consommateur ou l'industriel. Le terme embrasse la manutention et le transport, la transformation et le conditionnement initiaux pour simplifier la manutention et réduire le gaspillage, le classement et le contrôle de qualité pour faciliter les opérations de vente et répondre aux besoins des différents consommateurs, le stockage pour équilibrer les récoltes de caractere saisonnier avec la demande a la consommation de caractere continu. Pour l'agriculteur, le systeme de commercialisation doit avant tout offrir un débouché commode a sa production. Pour le consommateur et le transformateur de matieres premieres agricoles, il a comme rôle premier de garantir un approvisionnement régulier. Moyennant négociations au niveau rural de l'achat, du gros et du détail, des prix sont établis; ils tiennent compte de l'aptitude des consommateurs a payer et de la nécessité d'encourager les producteurs. Un bon systeme de commercialisation doit s'attacher a élargir l'éventail de consommateurs desservis, et ouvrir ainsi aux producteurs des débouchés en expansion.

La commercialisation agricole comprend aussi la vente aux agriculteurs des facteurs de production, dont les engrais, les pesticides et autres produits chimiques agricoles, les aliments pour animaux, ainsi que les machines, l'outillage et le matériel agricoles. Maintenant que la masse des petits exploitants du tiers monde prend conscience de l'intéret de ces facteurs de production, il est capital d'organiser des systemes de distribution qui répondent a leurs besoins.

Le financement s'impose a toutes les étapes de l'approvisionnement en facteurs de production et de la commercialisation des produits, ainsi que l'acces au crédit afin de. faciliter la libre circulation des marchandises et les transactions.

 

Le concept de commercialisation

Si le terme « commercialisation » a droit de cité depuis de nombreuses décennies en Amérique du Nord et dans bien des pays du Commonwealth britannique, c'est plus récemment qu'il a été admis dans les pays de culture française et espagnole. Les vocables « commercialisation - comercializacion » ont un sens plus large qui s'apparente a la « réalisation de la production agricole », traduction littérale du titre de la chaire d'enseignement qui, en URSS, se rapproche le plus de la commercialisation agricole. Le terme « mercadeo » a été introduit en espagnol au corps défendant de plusieurs traducteurs faisant autorité.

Depuis les années 50, la conscience de la commercialisation en tant que concept et élément vital de l'économie auquel il convient de preter attention a néanmoins fait de grands progres dans les pays en développement. Beaucoup de jeunes gens de ces pays ont suivi des cours de commercialisation dans des universités américaines et plus récemment en Europe. Peu a peu, ces jeunes gens accedent a des postes influents. Les universités des pays en développement commencent aussi a enseigner la commercialisation, tandis que les étudiants sont toujours plus nombreux a en maîtriser les principes.

 

Que faire pour améliorer la commercialisation

Contrairement a ce qui se passe pour l'expansion de l'irrigation, la culture de variétés a haut rendement et la protection des végétaux et des animaux contre les maladies, l'amélioration de la commercialisation est une question plus malaisée a cerner. De nombreux administrateurs ont reculé devant cette tâche qu'ils percevaient comme étant complexe et difficile. Elle souleve aussi de multiples questions de fond aux niveaux international, national et local. Les entreprises de commercialisation doivent-elles ressortir a la propriété privée, collective ou publique? Pour beaucoup, c'est la un probleme qui suscite encore les passions. C'est aussi un probleme auquel les gouvernements des pays en développement risquent d'etre tres sensibles en raison des engagements politiques des hommes qui les ont conduits a l'indépendance et de l'association de certaines structures de commercialisation avec une ancienne puissance métropolitaine ou tel ou tel groupe étranger ou ethnique.

Mettre sur pied des services gouvernementaux compétents. Dans bien des pays, il n'existe pas, au sein du gouvernement, de services expressément chargés de donner des conseils en matiere de politiques de commercialisation agricole ou de mener des recherches pratiques sur lesquelles asseoir ces politiques. La « Direction de la commercialisation agricole », créée en Inde dans les années 50, a constitué a cet égard un modele. Par la suite, les responsabilités ont été divisées.

La façon dont les plans de développement nationaux étaient formulés dans les années 50 et au début des années 60 montre combien l'importance de la commercialisation était alors méconnue. En effet, aucun de ces plans n'accordait une place majeure a la commercialisation des produits agricoles dans ses stratégies de développement. Dans trois plans seulement sur les 13 examinés lors d'une étude effectuée en 1966, les crédits alloués a ce secteur dépassaient 6 pour cent du total des investissements escomptés dans l'agriculture. Lors d'une enquete menée en 1970 pour étudier les attitudes des gouvernements a l'égard de la commercialisation en Asie, on s'est aperçu que c'était la un domaine dont la plupart des fonctionnaires ignoraient a peu pres tout; des décisions importantes étaient souvent prises malgré le manque d'informations fiables sur ce qui se passait effectivement.

En revanche, la commercialisation releve directement depuis quelque temps déja de grands ministeres dans certains pays africains comme le Kenya, l'Ouganda et la République-Unie de Tanzanie. Apres l'indépendance, de gros efforts d'assistance, de démonstration et de formation ont été faits dans ce domaine pour renforcer ces ministeres. Toutefois, il reste encore beaucoup a faire dans les pays francophones d'Afrique. Les améliorations dans cette région sont examinées plus avant dans le chapitre 2.

Former du personnel a la commercialisation. Le manque de personnel qualifié fait sérieusement obstacle au développement de la commercialisation. De fait, on va meme parfois jusqu'a dire qu'avec une bonne formation des spécialistes nécessaires, la plupart des problemes d'amélioration se résoudraient d'euxmemes. Malheureusement, la formation a cette discipline est retardataire. Celle qui a été dispensée jusqu'ici a été théorique, inadaptée, voire l'un et l'autre. Il est indispensable que les étudiants reçoivent une bonne formation a la commercialisation et soient incités a faire carriere dans cette profession. Des cours d'économie et de politique de commercialisation peuvent etre inscrits aux programmes d'études universitaires. Quant a la formation aux postes de gestionnaires et de techniciens, elle pourrait etre dispensée a divers niveaux. Par ailleurs, il serait opportun d'organiser une formation en cours d'emploi a l'intention du personnel des entreprises de commercialisation.

Le probleme majeur est de savoir comment ménager a la commercialisation agricole suffisamment de temps dans un programme d'études agricoles et économiques générales. En 1975, le temps imparti a cette discipline dans un certain nombre d'universités africaines n'était en moyenne que de 10 heures. Reste aussi a déterminer comment organiser au mieux la formation a la commercialisation au niveau intermédiaire et subalterne dans les pays en développement. Cette question est reprise au chapitre 3.

Améliorer l'emballage, le transport et l'entreposage. Les possibilités d'améliorer la manutention de la production agricole afin d'éviter les pertes et de. préserver la qualité et l'aspect sont immenses. Cependant, les méthodes et matériels nouveaux ne sont applicables que dans la mesure ou le permettent le savoir et l'organisation sur place, les couts par rapport a l'échelle de l'entreprise et au revenu du consommateur, et les considérations sociales. La centralisation de l'emballage doit etre introduite avec prudence. Dans divers pays, l'acces a l'aide financiere s'est soldé par l'achat de machines de triage et d'emballage automatiques qui n'ont jamais été utilisées. L'organisation de la commercialisation dans les circuits intéressés n'est pas encore parvenue au stade de développement voulu. Il est souvent préférable de faire progresser peu a peu les opérations manuelles au moyen de démonstrations et d'une surveillance constante.

Trop souvent aussi, des conseillers en entreposage appuyés par des donateurs et des fabricants de matériel étrangers ont préconisé la construction d'entrepôts qui ne convenaient pas aux conditions des pays en développement. De grands silos mécanisés ont toutes chances d'etre rentables la ou la main-d'ouvre est rare et les capitaux abondants, ou l'entreprise de commercialisation opere a grande échelle et ou les transports sont faciles.

Il faut également prendre en considération les incidences sociales des technologies de commercialisation. Les propositions visant a l'utilisation de machines au lieu de main-d'ouvre doivent etre évaluées sous l'angle tant de leurs effets directs sur l'emploi en général que de leurs conséquences pour l'emploi en d'autres points de la chaîne production-groupage-distribution.

Dans le domaine des transports, on a reçu au cours de la derniere décennie quelques leçons qui ont couté cher. Les transports aériens et frigorifiques permettent de boucher les trous dans l'approvisionnement des riches consommateurs en denrées périssables. Toutefois, dans les pays en développement, l'amélioration des routes de desserte, l'élimination d'obstacles spécifiques tels que les cours d'eau démunis de ponts, et la facilité d'acces aux pneumatiques pour les charrettes a boufs et aux pieces de rechange pour les vieux véhicules motorisés sont souvent plus payantes que l'introduction d'un matériel de transport entierement nouveau. L'acces aux chargements de retour et aux transactions hors saison pour réduire les couts ainsi que la garantie d'un service d'entretien fidele sont des problemes connexes. Bien souvent, ils dénotent que les véhicules sont la propriété de transporteurs privés plutôt que d'une organisation de commercialisation spécialisée.

D'aucuns pensent que l'implantation de telle ou telle installation matérielle-par exemple une usine d'emballage ou de transformation d'un produit agricole-stimule l'expansion de la production aux alentours. On part de l'hypothese que naîtront automatiquement les organisations de commercialisation nécessaires pour exploiter l'usine, financer l'achat des matieres premieres et trouver des débouchés au produit fini. De tels projets tiennent particulierement a cour aux institutions qui ont des objectifs a atteindre et cherchent a prouver quelque chose. L'échec de 70 conserveries, abattoirs, entrepôts et installations connexes créés en Afrique montre les déboires auxquels on s'expose si l'on ne tient pas davantage compte de l'élément commercialisation avant d'investir.

Normalisation de la qualité. Elle permet d'activer la commercialisation parce qu'elle diminue les risques de l'acheteur. La nature et l'aspect hétérogenes des produits offerts sur les marchés ne cessent de préoccuper les gouvernements des pays en développement. Des spécifications détaillées de normes et classes de qualité ont été promulguées, mais leur application dans la pratique est inégale et décevante. Ces spécifications sont plus faciles a faire respecter dans la commercialisation des produits d'exportation, surtout lorsque les pays importateurs exigent que la production réponde a certaines normes pour pouvoir etre admise sur leur territoire.

Dans la commercialisation nationale, des spécifications qualitatives uniformes ont moins d'importance car les acheteurs peuvent voir le produit. L'application, par un organisme officiel de stabilisation des prix, de normes simples a l'achat de céréales ou d'autres produits peut faire prendre conscience de la commodité de telles normes.

Cette méthode et d'autres moyens visant a ameliorer la commercialisation des denrées agricoles et des facteurs de production sont examinés pour les céréales, les fruits et les légumes, le bétail et la viande, ainsi que les engrais, aux chapitres 4, 5, 6 et 7.

Planification et édification de marchés. Avec des marchés congestionnés, mal organisés et pas assez spacieux pour le mouvement des produits et des véhicules, les couts montent et il est difficile de comparer prix et qualité. La planification de nouveaux moyens de groupage et de distribution répondant aux besoins de populations croissantes est un des domaines importants de l'amélioration de la commercialisation. Trop souvent, cette planification est retardée et faussée par les grossistes établis, le personnel du marché et les autorités municipales qui cherchent a protéger leurs intérets immédiats. Ce n'est qu'en s'investissant de pouvoirs spéciaux que Mme Gandhi a pu ordonner en 1975 le transfert des grossistes de fruits et de légumes de Delhi au nouveau marché d'Azadpur. Il y a des décennies que l'on discute et planifie de nouveaux marchés centraux pour Bagdad, Beyrouth et Téhéran.

Figure 1.1 Encore des insectes! Tout le lot devra etre mis au rebut.

Figure 1.2 Je me moque que ce soit la qualité premier choix ou la qualité second choix! J'en veux pour mon argent!

Nombre de nouveaux marchés pâtissent d'une conception trop élaborée et d'une structure trop rigide. La ou un simple hangar suffirait pour protéger les marchandises du soleil et de la pluie, on érige de massifs bâtiments en béton. Outre le gaspillage d'un argent qui serait mieux utilisé pour la fourniture de services « logiciels » et la formation de personnel, ces bâtiments sont, apres, difficilement modifiables a mesure que s'en fait sentir le besoin.

Renforcer l'organisation de conanercialisation. La commercialisation a besoin avant tout d'entreprises capables d'acheter, de vendre et de trouver un débouché aux produits a un prix rémunérateur. Grosso modo, il s'agit d'entreprises privées, de coopératives et d'entreprises d'Etat.

L'entreprise privée n'a pas, dans bien des pays, une bonne réputation. Le public persiste a penser que, si les semailles et le désherbage d'une culture sont en soi des opérations productives, il n'en va pas de meme pour l'entreposage et la distribution ultérieure de la récolte au consommateur. Ce sentiment est encore plus fort dans les cas ou la concurrence est imparfaite, les prix instables et les taux d'inflation élevés, car on a alors l'impression que les négociants manipulent les prix et font des bénéfices excessifs. Si les entreprises privées sont importantes et monopolistes, elles ont d'ordinaire l'oreille de quelqu'un au gouvernement et sont intouchables. Si elles appartiennent a des étrangers ou a un groupe ethnique différent, il est impossible de les aider. Si elles sont petites, il est difficile de les identifier et de les contacter, elles peuvent manquer de moyens et ne pas pouvoir courir le risque de lancer de nouvelles idées.

Devant l'apparente multiplicité des petites entreprises, certains administrateurs ont tenté d'en restreindre le nombre en imposant la délivrance de permis dans l'espoir que quelques-unes d'entre elles s'agrandissent. L'économiste néo-classique objecte que cette formule freine la concurrence. Pour lui, la solution réside dans des mesures propres a aider ces entreprises a fonctionner plus efficacement-amélioration des routes et moyens de transport, diffusion de renseignements sur le marché et acces plus facile au crédit. Pourtant, meme cette solution relativement sure peut ne pas etre a toute épreuve. Pendant des années, l'instauration de services officiels d'informations sur les marchés a été le remede courant pour améliorer la commercialisation. Malgré cela, on commence maintenant a se demander si ces informations sont vraiment utilisées.

En se groupant pour organiser le transport de leur production jusqu'au marché et la vente de leur récolte, les agriculteurs peuvent obtenir de substantiels avantages, surtout si les quantités offertes par chacun d'eux sont modestes et les marchés assez lointains. Pour des motifs sociaux et politiques, beaucoup de gouvernements proposent fréquemment des solutions coopératives aux problemes de commercialisation. Ils voient aussi les coopératives comme un tremplin administratif a leurs fonds de développement et a des activités pilotes. La profonde déception a laquelle a mené cette voie de l'idéalisme et de la commodité est estompée par la durée limitée de bien des projets de ce genre et l'arrivée sur la scene de nouveaux adeptes avec de l'argent frais.

D'une récente analyse de l'expérience acquise en Afrique de l'Est et en Asie, il ressort qu'en tablant trop sur les coopératives, on risque de faire sérieusement obstacle au développement agricole. Ces coopératives n'étant pas parvenues aux objectifs qui leur avaient été fixés, les programmes articulés sur elles ont été découragés et la crédibilité dans les programmes gouvernementaux a été ébranlée. Dans certains pays, les pouvoirs publics parlent d'organisations d'agriculteurs et de commercialisation collective pour éviter d'employer le terme coopérative, car il est associé a trop de déconvenues. Ces échecs viennent avant tout de ce que l'on tente d'ériger des structures qui ne reposent pas sur un intéret commun reconnu par les adhérents et sur des avantages concrets. Des gestionnaires inexpérimentés se voient confier des tâches qui, en soi, sont difficiles.

Le rôle le plus aisé pour une nouvelle coopérative est celui d'agent de groupage pour le compte d'un office de commercialisation établi. Elle dispose d'un débouché sur et ne court pas de risques a la vente. A partir de la, elle peut progressivement s'occuper de distribuer des semences et des engrais a crédit' puis entreprendre d'autres activités connexes.

Les gouvernements ont créé des offices de commercialisation et des entreprises d'Etat pour s'occuper de l'achat, de l'entreposage, de la distribution ou de l'exportation de maints produits agricoles. Ils ont comme objectif commun d'accroître l'échelle des opérations de l'entreprise, d'introduire de nouvelles techniques de commercialisation ou de transformation, de mettre en ouvre des programmes de stabilisation des prix, des subventions et autres programmes spéciaux d'établissement des prix, ainsi que de renforcer le pouvoir de négociation dans les ventes sur les marchés internationaux. Les gouvernements des pays ayant accédé récemment a l'indépendance se soucient en outre de veiller a bien contrôler les secteurs stratégiques de l'économie nationale. Toutefois, des l'instant ou ces entreprises jouissent d'un monopole, elles n'ont plus cette incitation naturelle a l'efficacité que constitue la lutte contre la concurrence pour survivre.

Vu le rôle clef des offices de commercialisation et des entreprises publiques dans les économies des pays du tiers monde, on pourrait s'attendre que leurs méthodes d'exploitation, leur gestion et leurs couts soient en permanence vérifiés de pres. Dans la pratique, cela est extremement rare. Apparemment, leurs dirigeants sont capables de faire opposition a toute aide extérieure dans ces domaines et ont au gouvernement des alliés pour les protéger. C'est ainsi qu'un spécialiste qui avait été nommé pour seconder un de ces offices de commercialisation s'est continuellement heurté a une résistance passive de la part de son personnel. Il finit par abandonner lorsqu'il constata qu'on avait isolé sa ligne téléphonique et vidé son bureau de tout mobilier.

Figure 1.3 Bienvenue au contrôleur des comptes!

Figure 1.4 Intégration complete: le propriétaire de la rizerie a un agent qui achete dans la zone de production, un autre qui travaille a la rizerie et un troisieme qui vend au détail en ville.

L'intégration d'une suite d'entreprises commerciales reliant le producteur au consommateur en un systeme parfaitement rodé est un objectif capital dans l'organisation de la commercialisation. Il faudrait que la politique officielle, les services de financement et autres services de soutien ouvrent constamment dans ce sens. Une situation dans laquelle les producteurs, les grossistes et les détaillants, tout comme le gouvernement, agissent chacun de leur côté en ignorant tout des plans et intentions des autres, et parfois radicalement a l'opposé, ne conduit qu'a une hausse des couts et au gaspillage des ressources. L'intégration de la production a la commercialisation par le biais de la copropriété ou de contrats se pratique couramment dans les pays en développement pour le tabac, les oléagineux et autres cultures destinées a la transformation. Elle est plus difficile a réaliser pour les denrées vendues a l'état frais et dans les cas ou beaucoup de producteurs fournissent des quantités variables. Dans les grandes agglomérations d'Amérique latine, on met sur pied des chaînes de détaillants volontaires dont les achats sont unifiés. Toutefois, il est clairement apparu que, pour etre opérante, cette intégration exige un leader, ou « channel captain» ainsi appelé de nos jours. Peu importe que cet entrepreneur soit a la tete d'un systeme privé, d'une coopérative ou d'un systeme d'Etat, l'essentiel est qu'il soit la.

Les programmes visant a établir de nouveaux marchés et a renforcer l'organisation de la commercialisation font l'objet du chapitre 8.

Quelques problemes d'équité

Ces dernieres années, on s'est soucié de développer le monde rural dans son ensemble, de répartir équitablement les avantages découlant des mesures d'amélioration, et de promouvoir la condition féminine. Les gouvernements et les organismes d'aide donnent une place toujours plus grande a ces objectifs dans les programmes qu'ils soutiennent.

Petits exploitants. Dans le contexte du développement rural, la superficie de terre cultivée n'est pas nécessairement le critere majeur. Un hectare de terre irrigué peut en effet etre tres productif. En vérité, le petit exploitant est handicapé par le manque de moyens économiques qui l'empeche de prendre de trop gros risques, par un sentiment d'infériorité sociale, ainsi que par une instruction limitée et un acces restreint aux informations techniques et économiques. Il commence a gouter aux bienfaits d'un marché amélioré une fois que d'autres gros exploitants en ont profité. Il reçoit d'ordinaire des prix moins avantageux parce qu'il n'a que de petites quantités a offrir. Meme si le gouvernement fixe des prix officiels, les petits exploitants les touchent rarement. Ils vendent leur production a la ferme ou dans le village, et quelqu'un d'autre la prend en charge pour la livrer a la station officielle d'achat.

Parmi les mesures propres a redresser cette situation figurent l'action collective des agriculteurs pour réduire les frais de transport et améliorer leur pouvoir de négociation, l'instauration de systemes de contrat pour les cultures adaptés a la production des petits exploitants, la promotion d'une action positive de la part d'entrepreneurs privés et la pénétration plus profonde en zones rurales des circuits commerciaux de groupage.

La création d'un dispositif spécial de commercialisation a l'intention des petits exploitants n'a guere d'intéret, sauf lorsque ces derniers sont concentrés dans une zone, par exemple dans un périmetre de colonisation, ou lorsque ce dispositif est centré sur telle ou telle production végétale ou animale pour laquelle les petits exploitants ont quelques avantages. Ainsi en va-t-il du lait et des cultures a fort rendement unitaire dont la récolte se fait sur une base sélective. Dans les cas plus généraux, une surveillance étroite de la part du gouvernement et la fourniture par l'Etat de services de soutien pour étoffer les structures de commercialisation desservant les collectivités agricoles dans leur ensemble constitueront sans doute la solution la plus pratique.

Consommateurs a faible revenu. Les gouvernements de nombreux pays en développement sont aux prises avec le difficile probleme de savoir comment encourager convenablement la production tout en gardant les prix au détail des denrées alimentaires de premiere nécessité a la portée des consommateurs les plus pauvres. Beaucoup sont tentés, a cette fin, de maintenir a de bas niveaux les prix payés aux agriculteurs. Ce faisant, ils découragent la production. On est maintenant a peu pres certain que la crise alimentaire de 1973/74 ne se serait jamais produite si les producteurs du tiers monde avaient été payés aux cours internationaux. Dans bien des pays, il y a des groupes de consommateurs qui ne peuvent payer de tels prix, meme pour des biens de premiere nécessité. Pour satisfaire leurs besoins tout en veillant a ce que l'agriculture nationale continue de produire, un systeme a deux prix est pratiquement indispensable. Des programmes de ce genre ont cours en Inde et a

Sri Lanka depuis un certain nombre d'années. Le blé ou le riz est vendu bon marché par l'intermédiaire de magasins a prix modérés et selon un systeme de cartes de rationnement. Des timbres alimentaires qui représentent une partie du prix peuvent etre délivrés aux groupes économiquement faibles. La difficulté, en l'occurrence, est de veiller a ce que les avantages aillent uniquement a ceux qui sont vraiment pauvres et d'éviter de gros coulages ainsi qu'un exces de charges financieres pour les gouvernements en cause.

Couts et marges de commercialisation. Les parts relatives du prix a la consommation allant au producteur et a la commercialisation sont une préoccupation constante du public. La part prélevée par la commercialisation dépend de nombreux facteurs-distance sur laquelle est transportée la production, opérations d'emballage et de traitement, droits et taxes a payer, et intensité de la concurrence au sein du systeme de commercialisation. La marge de commercialisation peut etre tres faible comme en témoigne celle du riz transitant par des circuits commerciaux privés aux Philippines (voir tableau 1.1).

 

TABLEAU 1.1 Prix et marges de la commercialisation du riz aux Philippines en 1979

 

 

  Prix Marge En pourcentage du prix de détail
(dollars)  
Prix du paddy a la ferme(1400 kg a 17 cents le kg) 240   83,9
Marge du groupeur, y compris le transport   5 1 ,8
Prix de vente du groupeur a I'usineur (1400 kg a 17,5 cents le kg) 245   85,7
Marge de l'usineur plus revenu des sous-produits (son)   27 9,4
Prix de vente de l'usineur au grossiste (cents le kg)1000 kg de riz usiné a 27,2 272   95,1
Marge du grossiste   7 2,5
Prix du grossiste au détaillant (1000 kg a 27,9 cents le kg) 279   97,6
Marge du détaillant   7 2,4
Prix du détaillant au consommateur (1000 kg a 28,6 cents le kg) 286   100

 

Figure 1.5 « Ils ne pensent qu'a nous persécuter!». Les commerçantes du marché envahissent un poste de police et détruisent les dossiers.

Figure 1.6 Répartition en pourcentage du prix a la consommation du riz aux Philippines et aux Etats-Unis.

Il faut etre tres prudent lorsqu'on tire les conclusions du pourcentage de marge de commercialisation. Aux Philippines comme dans beaucoup d'autres pays en développement, les riziculteurs touchent une plus grosse part du prix de détail payé par les consommateurs que les producteurs des Etats-Unis. A premiere vue, l'exploitant américain peut paraître défavorisé en raison de la part de la marge totale prise par le cout de l'emballage (voir figure 1.6). Cependant, dans le contexte des Etats-Unis, la vente du riz au détail sans préemballage aurait pour résultat a la fois de décourager la consommation et d'accroître la marge totale vu les frais élevés de la main-d'ouvre dans le commerce de détail.

Les couts et marges donnent des indications tres utiles lorsqu'on analyse la commercialisation de produits analogues transportés sur des distances et dans des conditions semblables. En cas de gros écarts entre un circuit et un autre, il faut les examiner de plus pres. S'ils sont imputables a des services de transformation ou autres plus poussés, ces derniers doivent bien répondre aux besoins des utilisateurs. Des mesures doivent etre prises des l'instant ou il se dégage des pressions monopolistes ou des carences particulieres. Le point faible des estimations des couts et marges est souvent leur manque de spécificité qui interdit d'aboutir a ce genre de conclusions.

La commercialisation et les femmes. Sur le littoral ouest-africain, ce sont les femmes qui écoulent de 60 a 90 pour cent de la production agricole nationale, de son lieu d'origine a la consommation. Elles assument un rôle identique dans beaucoup de pays des Caraibes et dans les régions montagneuses peuplées d'Indiana de l'Amérique latine. Elles se livrent a ce travail tout en élevant leurs enfants et en pratiquant certaines cultures. Cependant, les pouvoirs et les services publics ne leur pretent qu'une assistance minime. La réticence des fonctionnaires, principalement des hommes, a traiter avec les femmes et l'instruction limitée de ces dernieres rendent difficile la communication. Dans certains milieux officiels, on a aussi le sentiment que les activités des femmes sont temporaires-c'est-adire qu'elles les exercent principalement dans le but de se procurer de l'argent pour élever et éduquer leurs enfants-et qu'il n'est guere probable qu'elles créent une entreprise de commercialisation durable. Par ailleurs, il est incontestable qu'elles doivent leur savoir a la démonstration et a l'émulation.

Des programmes d'assistance aux commerçantes devraient prévoir entre autres:

 

 

Questions aux fins de discussion

  1. Que signifie pour vous la « commercialisation »? Quels avantages apporte-telle aux agriculteurs? Aux consommateurs?
  2. Quels sont les principaux domaines de l'amélioration de la commercialisation? Quels seraient, selon vous, les plus importants pour votre pays?
  3. De combien de ministeres ou de services publics relevent les divers aspects de la commercialisation dans votre pays? A quel niveau, selon vous, devraient etre élaborées les politiques de commercialisation?
  4. Quels types de formation a la commercialisation sont dispensés dans votre pays? Combien de personnes reçoivent cette formation chaque année?
  5. D'importants projets de construction d'entrepôts céréaliers ont-ils été exécutés dans votre pays? Quels ont été les principaux utilisateurs de ces entrepôts, qui en a le plus profité?
  6. Quelles sont les limitations a l'utilité d'un triage et d'un emballage mécaniques des produits agricoles? Dans quelles conditions y a-t-on recours dans votre pays?
  7. Pouvez-vous citer quelques exemples de développement favorisé dans votre pays par l'introduction d'une nouvelle méthode de transport ou de transformation? A quelles conditions est due cette réussite?
  8. A quels circuits de commercialisation et a quels produits préconiseriezvous dans votre pays l'application de normes obligatoires de qualité?
  9. Quels sont les principaux types d'entreprises s'occupant de commercialisation dans votre pays? Quels en sont les rôles respectifs dans la commercialisation des différents produits agricoles et des engrais?
  10. Existe-t-il dans votre pays d'importants exemples d'intégration verticale en matiere de commercialisation? Quel en a été l'impact sur les agriculteurs? Sur les consommateurs?
  11. Indiquez quelques façons par lesquelles le systeme de commercialisation peut promouvoir le développement rural. Y a-t-il dans votre pays des secteurs de l'agriculture auxquels il faudrait a cet égard preter une attention spéciale? Pouvez-vous suggérer des modifications qui se traduiraient par des avantages pratiques?
  12. Comment peut-on utiliser le systeme de commercialisation pour répartir plus équitablement les disponibilités alimentaires entre les consommateurs? Qu'at-on fait a cette fin dans votre pays?
  13. Connaissez-vous des circuits de commercialisation ou les prix demandés aux consommateurs sont ajustés en fonction de leur revenu? Comment maintienton séparés les marchés a faible et a fort revenu?
  14. Pouvez-vous obtenir pour votre pays des données sur les marges de commercialisation comparables a celles figurant au tableau I .1 ? Pouvezvous dégager quelques conclusions de cette comparaison?
  15. Y a-t-il dans votre pays des secteurs de la commercialisation dans lesquels les femmes occupent une grande place? Que fait-on pour les aider?

 

Références

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