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G. Mauritanie

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La production céréalière, fortement déficitaire depuis de nombreuses années, est limitée à la partie sud du pays. Elle consiste traditionnellement en sorgho, que l'on cultive essentiellement au sud-est, dans le Guidimakha. La région de Kaédi, dans la vallée du fleuve Sénégal, produit- elle aussi du sorgho mais également du mil et, de plus, fournit la plus grande part du riz cultivé dans le pays.

Compte tenu du temps disponible, le projet a choisi de visiter la région du Guidimakha en raison de sa tradition de production céréalière et aussi de l'existence d'un projet FAO de prévention des pertes post-récolte.

 

1. Systeme post-recolte dans le Guidimakha

1.1 Récolte et séchage du sorgho

La récolte du sorgho est faite en saison sèche. Les épis sont coupés et rassemblés en petits tas dispersés dans le champ. Cette première opération peut durer deux ou trois jours, au bout desquels toute la récolte est regroupée en un seul grand t-as afin d'être transportée au village. On peut en déduire que le séchage des épis est suffisant au moment de la récolte et que les délais observés pour la coupe et le transport sont dus principalement à un manque de main-d'oeuvre.

Avant la récolte, lors du séchage sur pied, les oiseaux (mange-mil) s'attaquent aux épis. Une pratique courante dans la région consiste à ériger des sortes de tours (d'une hauteur de 3 m ou plus) en plein champ, du haut desquelles les enfants, munis de frondes et à force de cris, tentent d'éloigner les oiseaux.

Après la coupe et avant le transport, les épis mis en tas font encore l'objet de déprédations causées par les troupeaux d'élevage, les phacochères et les oiseaux, et de vols. La surveillance des récoltes est donc indispensable si l'on veut limiter les dégâts, mais elle a l'inconvénient d'immobiliser une main-d'oeuvre qui, autrefois, se consacrait à la préparation des greniers en vue du stockage (réfection des toitures, recrépissage des parois intérieures et extérieures). Il faut dire que cette insuffisance de main-d'oeuvre a été accentuée depuis plus d'une vingtaine d'années par la forte émigration masculine de la région.

1.2 Stockage du sorgho

Dans le Guidimakha, le stockage du sorgho se fait toujours en épis, entreposés en vrac. Pour les agriculteurs interrogés, cette forme de stockage a l'avantage d'assurer une meilleure conservation et d'être plus économique en limitant les "prélèvements abusifs" de la part des femmes (c'est là l'opinion des hommes).

Le modèle de grenier traditionnel, utilisé dans la région, consiste en une structure cylindrique en banco, ayant un diamètre de 2 à 4 m et une hauleur moyenne de 1,5 à 1,80 m. Elle repose sur une plate-forme en branchages, soutenue par de grosses pierres. Une toiture en paille recouvre le corps du grenier. Une porte-fenêtre rectangulaire, mesurant en moyenne 80 à 100 cm sur 50 cm, en permet l'accès (cf. figure G.1). De petits compartiments, destinés à séparer divers produits, sont aménagés dans les greniers appartenant aux femmes.

L'argile utilisée est normalement mélangée à de la paille de graminées finement hachée. Ce mortier est soigneusement pétri et reste à fermenter pendant deux ou trois jours avant d'être employé. Cependant, les paysans déplorent la pénurie de paille, qui entraîne la fabrication d'un banco moins résistant. Cet:te pénurie de matériaux végétaux, consécutive aux longues années de sécheresse, se répercute également sur la confection des toitures et des plates-formes en bois.

Confrontés à ces contraintes, les paysans ont cherché à y remédier grâce à diverses solutions. La première d'entre elles consistait à remplacer le toit en paille par une terrasse de banco reposant sur un lit de branchages. Mais la base du grenier, qui convenait à l'ancien modèle, n'a pas résisté à la surcharge exercée par cette terrasse: une pierre de pilier s'enfonce, en période d'hivernage, et déstabilise l'ensemble.

Au moment du passage de l'équipe du projet, ce type de grenier modifié avait été pratiquement abandonné au profit d'une nouvelle structure de stockage, communément appelée magasin (cf. figure G.2). Il s'agit d'une construction de forme rectangulaire, en blocs d'argile, reposant directement sur le sol, et recouverte d'une toiture en tôle ondulée, à pente unique. Les épis de sorgho y sont directement entassés à même le sol.

Avant l'hivernage, il est courant maintenant de voir les paysans battre au fléau la quantité de grain nécessaire à l'alimentation de la famille durant une période de trois mois environ, ceci, pour libérer le maximum de main-d'oeuvre en vue des travaux des champs. Le grain ainsi battu est mis en sac et conservé dans les magasins ou dans les habitations. Mais on trouve des producteurs qui, dans l'impossibilité de réparer convenablement leurs greniers traditionnels, recourent à cette méthode de stockage en sac, avec toutes les conséquences qui en résultent pour la conservation.

1.3 Stockage des semences et des légumineuses

Quelle que soit la structure de stockage utilisée, le sorgho destiné à la semence est toujours conservé en épi. Dès la récolte, les meilleurs épis sont triés et stockés à part, puis accrochés au toit, à l'intérieur des greniers ou des habitations.

Pour la conservation du niébé, on emploie une méthode particulière s'inspirant du principe du bain-marie. Les graines sont placées dans un grand récipient semi-sphérique, en terre cuite ou en métal, et chauffées à la vapeur. Ce traitement aurait pour effet de détruire les bruches à tous les stades de leur développement. Des petits greniers en banco, genre canaris, recouverts d'un chapeau de paille et soigneusement bouchés, étaient autrefois utilisés pour une conservation du niébé en atmosphère confinée. La combinaison de ces deux procédés permettrait, selon les paysans, de conserver le niébé pendant deux ou t-rois ans.

Actuellement, le niébé est surtout stocké en grain, dans des sacs, à l'intérieur des habitat-ions.

1.4 Dégâts et pertes

1.4.1 Dégâts et pertes dus aux insectes

L'apparition des insectes sur les stocks de sorgho est constatée par les agriculteurs au début de la saison des pluies, soit au bout de sis à sept mois de stockage. D'après leurs descriptions, les principaux ravageurs en question semblent être: Rhizopertha dominica et Tribolium castenum, peut-être aussi Trogederma granarium, dont la présence dans la région a été confirmée par le Directeur du projet PFL.

L'importance des dégâts dus aux insectes varie selon la structure de stockage utilisée. Cela ressort des déclarations mêmes des paysans interrogés. Ainsi, un grenier traditionnel avec une bonne toiture en paille permet-traitde conserver les épis de sorgho en bon état pendant quatre ou cinq ans. En revanche, dans un magasin avec toiture en banco, la bonne conservation n'excéderait pas deux ans, et pas plus de sept mois avec un toit en tôle.

Avant l'apparition des contraintes relatives à l'insuffisance de maind'oeuvre mentionnées précédemment et l'introduction de nouveaux ravageurs avec les importations de riz, les greniers traditionnels bénéficiaient- d'un recrépissage intérieur et extérieur soigné, qui devait avoir un certain effet prophylactique. Cette pratique ancienne peut expliquer la qualité de conservation du grenier traditionnel, affirmée par les paysans.

Actuellement, les pertes observées par les agriculteurs dans un grenier traditionnel sont estimées à 2% environ pour 12 mois de stockage. Dans un magasin avec toit en tôle, un paysan affirme avoir perdu en une année (1972) cinq sacs sur 32, soit environ 16%. Aussi dit-il être revenu bien vite à l'usage de l'ancien grenier.

1.4.2 Dégâts et pertes dus aux rongeurs et aux moisissures

Quel que soit le type de structure actuellement utilisé pour stocker le sorgho, les rongeurs réussissent toujours à y pénétrer. Il s'agit surtout de souris dont les dégâts, de l'avis des villageois, sont très difficiles à évaluer.

Les moisissures n'apparaissent dans les greniers traditionnels que lorsque la toiture n'est pas en excellent- état et laisse l'eau s'infiltrer (défaut de renouvellement de la paille). En revanche, dans les magasins où les épis sont directement entassés sur le sol, la moisissure se développe à la base du stock et forme couramment une couche d'environ 5 cm d'épaisseur. C'est là une perte à laquelle les paysans semblent se résigner.

1.5 Techniques de préservation

1.5.1 Techniques traditionnelles

Pour lutter contre les insectes, la technique traditionnelle consiste essentiellement à enlever tout ancien stock du grenier et à refaire entièrement le crépissage intérieur, le but de cette opération étant d'éviter ou de limiter toute infestation résiduelle. Avant la rentrée du nouveau stock, on utilise habituellement de la cendre (cendre de baobab) qui est répandue sur les parois extérieures du grenier.

Pour le niébé, il convient de se reporter au traitement décrit ci-avant à la section 1.3.

Pour la lutte contre les souris, les villageois faisaient appel aux chats et- utilisaient des pièges naturels de fabrication locale (cucurbitacée à long col étroit), munis d'un appât à base d'arachides grillées. Ceux-ci sont remplacés maintenant par des pièges métalliques importés.

1.5.2 Insecticides chimiques

Dans la région, le HCH, que les paysans appellent encore DDT, est d'usage courant. Il est employé pour traiter tant les parois extérieures des greniers que les grands tas d'épis dans les champs.

2. Conclusions

2.1 Pénurie de main-d'oeuvre

L'importante émigration de la force de travail depuis une génération, plus particulièrement au sein des familles rurales, est l'une des contraintes majeures qui caractérisent la région du Guidimakha. Ce phénomène social en a bouleversé l'équilibre socio-économique et, de ce fait, non seulement: la production agricole a été fortement affectée, mais également l'ensemble du système post-récolte. Cela se traduit principalement par des retards dans la collecte et l'évacuation des récoltes vers les villages, de même que par une surcharge de travail qui limite les possibilités de préparation des greniers en temps voulu.

Ainsi, les récoltes, restant trop longtemps au champ, sont l'objet de déprédations de toutes sortes, malgré le gardiennage.

D'autre part, la bonne pratique qui consistait à recrépir tout l'intérieur des greniers n'est plus systématiquement effectuée, et ce, au détriment de la qualité de la conservation.

2.2 Disparition ou raréfaction des matériaux végétaux

Le grenier traditionnel, utilisé auparavant, permettait la conservation des céréales pendant plusieurs années sans problème majeur de moisissures ou d'infestation par les insectes. La raréfaction, voire la disparition des matériaux végétaux, spécialement des pailles et des bois résistants,

conséquence directe des longues années de sécheresse, a eu pour résultat des mutations sensibles dans les structures et les méthodes de stockage des grains. Les solutions de remplacement vers lesquelles se tournent actuellement les paysans sont de loin inférieures aux méthodes traditionnelles. Les dégâts observés par exemple dans les magasins à toit de tôle sont nettement plus importants que ceux survenant dans les greniers en banco, en raison des conditions ambiantes favorables au développement des insectes parasites et des remontées d'humidité à partir du sol.

Cependant, pour expliquer l'adoption de ces magasins par certains villageois, on ne peut exclure que le prestige social a sa part dans la décision.

2.3 Utilisation des insecticides chimiques

Les produits insecticides chimiques recommandés pour le stockage des produits vivriers ne sont ni commercialisés ni vulgarisés par les services d'encadrement dans la région. En conséquence, les agriculteurs n'ont d'autre recours que d'employer, après le DDT, le HCH que l'on trouve facilement en vente libre sur les marchés locaux. Cette pratique est dangereuse pour la santé même des villageois.

Figure G.1: Grenier traditionnel Sarakollé (Région du Guidimakha, sud-est de la Mauritanie).

Figure G.2: Nouvelle structure de stockage, appelée magasin. Remplace le grenier traditionnel dans certaines régions. Stockage en épis ou en grain battu dans des sacs posés à même le sol.

 

H. Niger

Le Niger, dont près de 90% de la population vit de l'agriculture, est, de tous les pays sahéliens de la sous-région, celui où les effets de la sécheresse se sont faits le plus sentir.

Les principales productions vivrières sont le mil et le sorgho qui constituent la base traditionnelle de l'alimentation, auxquelles il faut ajouter le niébé et l'arachide dont la production est importante en année de pluviométrie normale, ainsi que le riz le long de la vallée du fleuve Niger.

Le projet a pu visiter les principales régions productrices de mil et de sorgho, plus précisément les arrondissements de Tillabéry, Say, Niamey, Dosso, Tahoua et- Madaoua.

Les populations rencontrées dans ces régions sont constituées essentiellement par les ethnies Wogoow, Bela, Djerma et Haoussa, chacune d'elles ayant ses propres traditions qui se manifestent notamment dans le système post-récolte utilisé.

1. Systemes post-recolte

1.1 Récolte et séchage

1.1.1 Mil et sorgho

Dans toutes les zones visitées, le mil et le sorgho sont séchés sur pied avant d'être récoltés. Cette opération de séchage dure deux à quatre semaines pendant lesquelles les oiseaux sont l'ennemi le plus redouté. En l'absence d'une surveillance étroite, généralement assurée par les enfants, les dégâts causés par ces ravageurs peuvent être importants et même compromettre la récolte, aux dires des paysans interrogés.

Traditionnellement, les épis de mil et de sorgho, coupés et mis en bottes dans le champ, pouvaient rester sur place pendant plus d'un mois. Cependant, depuis quelques années, par crainte des troupeaux mais aussi des vols, les bottes sont transportées au village dès après la récolte.

1.1.2 Riz

Le riz, cultivé dans les parcelles aménagées de la vallée du Niger, est récolté une semaine après maturité. Pendant ce séchage sur pied, comme pour le mil et le sorgho, les oiseaux sont les principaux responsables des pertes qui peuvent atteindre, selon les villageois, 10 à 15% de la récolte, et ce, malgré une surveillance assurée par les enfants ou les adultes.

Aussitôt récoltés, les épis sont battus par les hommes à l'aide de fléaux ou de batteuses à pédales, en vue du stockage qui se fait toujours en grain.

1.2 Stockage

1.2.1 Structures et techniques de stockage

1.2.1.1 Ethnies Wogoow et Bela

La zone de Tillabéry, dans la vallée du Niger, a été particulièrement affectée par la dernière période de sécheresse qui a pratiquement duré trois ans (1982-85). Les réserves de mil et de sorgho, au moment du passage de l'équipe du projet, étaient pratiquement inexistantes. Seuls les agriculteurs bénéfificiant de parcelles aménagées pour la culture rizicole avaient encore quelques stocks de riz qu'ils échangeaient contre du mil sur les marchés locaux

Chez les Wogoow comme chez les Bela, le mil et le sorgho destinés à la consommation familiale sont traditionnellement stockés dans des greniers en banco, sous forme d'épis. Ce mode de stockage répond à un souci d'économie, notamment, disent les hommes, par crainte de gaspillage de la part des femmes; en même temps, il est une précaution contre les risques de vol.

Les greniers sont installés sur un lit de grosses pierres qui remplacent les anciennes poutres et poutrelles en bois résistant aux termites, devenues introuvables dans la région. On observe même que, chez les Bela, le toit conique en paille tend à disparaître et on se contente de boucher convenablement avec de l'argile l'ouverture circulaire située sur la partie supérieure de la structure. Il faut dire que l'architecture même du grenier Bela, qui se termine en forme de dôme surmonté d'un col, permet facilement cette modification. En revanche, le grenier Wogoow, au corps cylindrique et complètement ouvert au sommet, doit nécessairement recevoir un toit protecteur qui est: toujours en paille. Mais cette dernière est elle aussi de plus en plus difficile à trouver du fait de la sécheresse prolongée.

Cette raréfaction des divers matériaux végétaux, s'ajoutant à la crainte de plus en plus forte des vols, explique la tendance qui se généralise à stocker le grain battu et mis en sac dans des magasins soigneusement fermés à clef (cf. figure H.1). Ainsi, dans le village Daïkaina, près de Tillabéry, trouve-t-on maintenant plus de magasins que de greniers traditionnels.

Chez les Wogoow, les femmes ont leurs propres réserves de céréales qui leur sont allouées par les hommes en compensation de leur travail ménager. Ces réserves sont stockées en grain dans de petits greniers en argile. Elles en ont l'entière disposition et ne les utilisent qu'à l'occasion de dépenses exceptionnelles telles que le mariage d'un de leurs frères.

1.2.1.2 Ethnie Djerma

Chez les Djerma des environs de Say et de Dosso, les épis de mil récoltés très secs et mis en bottes sont transportés au village en vue du stockage. Là, les bottes sont déliées et les épis étalés soigneusement à l'intérieur des greniers.

Le grenier Djerma, appelé Barma (cf. figures H.2 et H.3), dont la capacité varie en moyenne de 12 à 18 m3, mais peut atteindre aussi 30 m3 et plus, est

entièrement construit en matériaux végétaux. Il comprend une plate-forme, relativement surélevée (70 à 80 cm), qui le prémunit utilement contre les remontées d'humidité du sol mais surtout contre les dégâts risquant d'être provoqués par les ânes, les chèvres et: les moutons. Cette plate-forme, faite de poutres et: poutrelles en bois, est soutenue par de solides poteaux en forme de fourche. Le corps du grenier et la toiture qui ne font qu'un, sont constitués de trois couches de tiges superposées de la façon suivante: à l'intérieur, une couche de secco, au milieu, des tiges de mil, à l'extérieur, une couche de paille retenue solidairement à la plate-forme à l'aide de fibres végétales.

Le remplissage du grenier est fait dans un premier temps par l'ouverture latérale inférieure, puis par le sommet qui n'est ouvert qu'à cette occasion.

Normalement, la paille du toit doit être renouvelée tous les deux ou trois ans tandis que les éléments de la plate-forme peuvent: durer jusqu'à dix ans. De nos jours, la construction d'un grenier nécessite souvent l'achat des poteaux, des poutres et des seccos dont la dépense est évaluée selon les villageois entre 30 000 et 35 000 FCFA pour un grenier de grande capacité pouvant contenir 400 battes de mil (soit l'équivalent de 4 t de grain).

Tout comme dans d'autres régions du pays, les effets de la sécheresse ont des répercussions sur les techniques de construction des greniers. Dans les environs de Niamey, par exemple, on peut noter l'apparition chez les Djerma de structures en banco reposant sur une plate-forme en pierre, érigées à côté du grenier traditionnel en paille dont ils ont gardé la forme habituelle.

1.2.1.3 Ethnie Haoussa

Les greniers Haoussa, appelés Rufewa, sont impressionnants, tant par leur architecture et leur volume que par leur longévité. Ils sont utilisés pour le stockage du mil et du sorgho en épi, ainsi que pour le niébé en grain. Ces greniers sont entièrement construits en banco.

La disponibilité ou non de matériaux végétaux influence les techniques de construction, que l'on peut ramener à deux types principaux. Tout d'abord, aux environs de Madaoua, le grenier comprend une assise circulaire de grosses pierres soutenant une plate-forme faite de poutres et de petites traverses en bois, disposées autour du centre comme les rayons d'une roue. Le corps du grenier, dont: la forme est celle de deux troncs de cone inversés (cf. figure H.4), est construit en couches successives (environ 20 cm de hauteur) d'argile, souvent mélangée à de la paille finement hachée. Il se termine, à son sommet, par une petite ouverture circulaire (50-70 cm de diamètre), permettant le remplissage et l'accès dans le grenier. Un petit chapeau en paille recouvre cette ouverture. La partie conique supérieure est toujours recouverte de chaume pour la protéger des intempéries (pluies et rayonnement solaire).

Plus au nord, près de Tahoua, la structure du grenier est plutôt sphérique (cf. figure H.5) et repose simplement sur un lit de grosses pierres, sans plate-forme en bois. Elle présente deux autres différences par rapport au type de grenier précédent: d'une part, la présence d'une ouverture latérale, à mi-hauteur, s'ajoutant à l'ouverture du sommet; d'autre part, l'absence de jupe de chaume sur la partie supérieure du corps du grenier.

1.2.2 Dégâts et pertes

1.2.2.1 Infestation par les insectes

Selon les paysans Djerma interrogés, leurs greniers en paille permettent de conserver les épis de mil et de sorgho sans infestation pendant un an.

Dans les greniers en banco des Bela, des Wogoow et des Haoussa, l'infestation d'insectes sur le mil et le sorgho devient évidente au début de la saison des pluies mais, aux dires des villageois, n'occasionne que des dégâts négligeables. Quant au riz stocké en paddy, il reste intact pendant un an au moins.

En ce qui concerne le niébé, la technique utilisée par les Djerma consiste à le stocker en gousses dans les greniers végétaux. Cette méthode ne permet pas de le conserver en bon état au-delà de trois mois. Chez les Haoussa, en revanche, le niébé est stocké en grain dans les greniers de banco. La technique de conservation repose sur l'emploi de sable tamisé, qui remplit tous les espaces vides et empêche ainsi les déplacements des bruches.

On commence par répandre une couche de sable de 20 cm d'épaisseur sur le fond du grenier, puis une couche de grains de même épaisseur, et ainsi de suite, en alternant régulièrement sable et grains de niébé, pour terminer toujours par une couche de sable. Cet:te technique permet, d'après les producteurs, de conserver le niébé sans pertes pendant au moins cinq ans.

1.2.2.2 Problèmes engendrés par les termites

Les paysans Djerma se plaignent des dégâts causés par les termites dans leurs greniers, qu'il s'agisse des matériaux de bois et de paille ou même des stocks de céréales. Ces dégâts, qui ont surtout pour effet de limiter la durée de vie des greniers, semblent dus principalement à la disparition des matériaux résistants aux termites, que l'on remplace par des produits végétaux de moindre qualité.

Quant aux greniers en banco, il semble que les termites n'y occasionnent que des dégâts négligeables.

1.2.2.3 Dégâts causés par les rongeurs

La présence des rongeurs, des souris principalement, est surtout manifeste dans les greniers en paille et les nouveaux magasins en banco où ils s'installent presque en permanence. Les signes de cette présence signalés par les villageois sont- presque toujours les trous dans le plancher et les sacs déchirés dans les magasins, ou les épis rongés et émiettés à l'intérieur des greniers.

L'intrusion des rongeurs dans les greniers en banco n'a été signalée que dans les cas où les structures reposent sur un lit de pierres. Selon les paysans, ces ravageurs arrivent parfois à percer la base de la structure et à s'établir à l'intérieur du grenier.

1.2.3 Utilisation de produits chimiques

A part la technique de conservation du niébé décrite plus haut, les méthodes traditionnelles de lutte contre les parasites semblent avoir disparu. C'est la raison pour laquelle tous les agriculteurs rencontrés disent utiliser des "poudres", soit pour protéger la structure contre les termites, dans le cas des greniers en paille, soit pour préserver le grain contre les insectes. Le produit le plus couramment employé est le HCH que les paysans appliquent sur les poteaux et la plate-forme des greniers végétaux, sur les parois intérieures, mais aussi parfois à la surface du stock lui-même. Outre le HCH, les villageois utilisent également le Thirame, le Thioral et même le Dieldrine, qu'ils achètent disent-ils auprès des services agricoles ou bien sur les marchés locaux.

2. Conclusions

2.1 Récolte et séchage

Pour toutes les denrées cultivées, céréales et légumineuses, on observe des délais de récolte plus ou moins longs: deux à quatre semaines pour le mil, le sorgho et le niébé, une semaine pour le riz. Ces délais occasionnent des pertes importantes (jusqu'à 10-15% pour le riz) dues principalement aux invasions d'oiseaux. Or, au Niger, les conditions hygrométriques qui prévalent au moment des récoltes, d'octobre à décembre, doivent permettre de réduire sensiblement cette durée de séchage. On peut en conclure qu'il existe une autre cause au retard dans la récolte, qu'il serait nécessaire d'identifier.

2.2 Stockage

Les techniques de stockage utilisées traditionnellement au Niger étaient parfaitement adaptées à la fonction qui leur était assignée. Autrefois, par exemple, chez les Bela, les greniers en banco étaient pourvus d'un toit en paille qui les protégeait bien des pluies et du rayonnement solaire, et ils reposaient sur une plate-forme en bois résistant aux termites et empêchant l'accès des rongeurs. Chez les Djerma, les matériaux végétaux utilisés étaient prévus eux aussi pour résister aux termites. Chez les Haoussa, dans la région de Tahoua, les greniers en banco reposaient sur des plates-formes en bois, comme c'est: encore le cas plus au sud, près de Madaoua.

Suite aux longues années de sécheresse, ces techniques ont été altérées, spécialement dans le choix des matériaux de construction. On peut relever les modifications suivantes: disparition du toit en paille et de la plate-forme en bois du grenier Bela; disparition également de la plate-forme en bois du grenier Haoussa, dans les environs de Tahoua; utilisation, partout ailleurs, de bois et de tiges de graminées beaucoup moins résistants aux attaques des termites.

Ces diverses mutations ont des conséquences négatives quant à la solidité des structures et la qualité de la conservation. Ainsi, tous les villageois Djerma interrogés disent avoir des problèmes en ce qui concerne l'infestation de leurs greniers par les t-ermites, au point que certains ont déjà construit des structures en banco sur le modèle et à la place des greniers traditionnels en paille. Dans la région de Tillabéry, c'est le stockage en sac dans des magasins en banco, où le grain est plus exposé à l'humidité du sol et aux attaques des ravageurs, qui se propage au détriment du stockage traditionnel en épis. Dans la région de Tahoua, les greniers installés sur un simple lit de pierres sont plus vulnérables à la pénétration des rongeurs qui parviennent à s'introduire par la base.

Une autre conséquence de ces mutations est la généralisation de l'emploi d'insecticides tels que le HCH, le Thirame, le Thioral, voire le Dieldrine, qui sont des produits très toxiques et dont l'emploi sur les produits vivriers est totalement déconseillé. Cette situation est due tant au manque de sensibilisation et de formation des agriculteurs qu'à la non-disponibilité de produits moins toxiques et l'absence de législation sur les produits phytosanitaires dans le pays.

Enfin, il faut souligner ici que le projet n'a pu se rendre dans la région de Zinderoù, selon des techniciens du développement rural, le stockage des céréales est fait principalement en grain; il serait important de savoir si c'est là une pratique traditionnelle ou bien une méthode récemment adoptée en raison de nouvelles contraintes.

3. Recommandations

3.1 Evaluation des nouvelles structures familiales de stockage

Un nouveau mode de stockage des céréales à l'intérieur de constructions en banco avec toiture en tôle est apparu et se propage aux environs de Tillabéry. Le grain battu est mis en sac à même le sol de terre battue. Cette méthode présente l'avantage de protéger les paysans contre les vols devenus fréquents dans les villages. Mais, par rapport au grenier traditionnel, elle a l'inconvénient d'exposer davantage les grains aux remontées d'humidité, aux attaques de rongeurs et aux infestations d'insectes.

En conséquence, il est recommandé de mener des enquêtes pour évaluer la situation, puis d'étudier et de proposer un type de structure mieux appropriée, tant pour la bonne conservation des céréales que pour la protection contre les vols. Cette recherche devrait s'orienter en priorité vers l'amélioration du grenier traditionnel afin de mieux l'adapter aux contraintes nouvelles.

En ce qui concerne la région de Niamey, les effets de la sécheresse prolongée ont entraîné chez les Djerma la raréfaction, sinon la disparition, des meilleurs matériaux végétaux utilisés pour la confection des greniers. Aussi, note-t-on l'apparition de nouveaux greniers en banco, construits selon la même architecture que les anciens greniers en paille. C'est là une mutation dont la technique n'est pas maîtrisée. C'est pourquoi il est recommandé de suivre et d'évaluer cette nouvelle structure de stockage en vue de l'adapter aux exigences d'une bonne conservation.

Enfin, chez les Haoussa de la région de Tahoua, les greniers installés maintenant sur simple lit de pierres sont beaucoup plus vulnérables aux attaques des rongeurs qui parviennent facilement à s'y introduire. Il serait nécessaire d'évaluer l'ampleur des dégâts causés par ces rongeurs en vue de proposer une solution appropriée.

3.2 Formation et vulgarisation en matière phytosanitaire

L'insuffisance, sinon l'absence, de sensibilisation des agriculteurs sur les dangers que présente l'emploi des pesticides explique l'utilisation courante de produits toxiques tels que le HCH dans toutes les régions visitées. Il est donc fortement recommandé d'entreprendre une campagne nationale d'information et: de sensibilisation sur les risques inhérents à l'usage de ces produits, en commençant par le personnel d'encadrement des paysans.

3.3 Nécessité d'une législation phytosanitaire

L'absence d'une véritable législation sur les produits phytopharmaceutiques dans le pays prive les autorités de moyens de contrôle de la distribution et de l'utilisation de ces produits. Il est donc recommandé aux pouvoirs publics de doter le pays d'une véritable législation permettant un contrôle efficace de la composition, de l'homologation et de la distribution des produits phytopharmaceutiques.

Figure H.1: Nouvelle structure de stockage, appelée magasin. Remplace le grenier traditionnel dans certaines régions. Stockage en épis ou en grain battu dans des sacs posés à même le sol.

Figure H.2: Barma, grenier traditionnel en matériaux végétaux (Environs de Niamey, Niger)

Figure H.3: Barma (Niger)

Figure H 4: Grenier Haoussa (Région de Madaoua , Niger)

Figure H.5: Grenier Haoussa (Région de Tahoua, Niger)


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