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Chapitre 7 Lactosérum

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Introduction

Les quantités de lactosérum disponibles dans le monde sont considérables puisqu'elles représentent au moins 85 pour cent du lait transformé en fromage. La composition de ce dérivé de l'industrie laitière varie avec la fabrication dont il provient.

On distingue généralement deux catégories de sérum, selon que son acidité est inférieure ou supérieure à 1,8 g d'acide lactique par litre:

D'une façon générale, les sérums acides contiennent moins de lactose et davantage de minéraux, notamment de calcium et de phosphore, du fait de la déminéralisation de la micelle de caséine. Les protéines sont constituées principalement de protéines solubles; dans les fabrications supportant des températures élevées de pasteurisation, leur teneur diminue.

Dès son élimination du caillé, le sérum ensemencé en bactéries lactiques et autres micro-organismes et à pH et à température favorables à leur développement s'altère rapidement. Pour le conserver, il convient de le traiter sans délais en le refroidissant vers 5 à 8 °C après, si possible, pasteurisation.

Il faut souligner les excellentes propriétés fonctionnelles des protéines de sérum: solubilité, capacité à absorber et à fixer l'eau, gélification, propriétés émulsifiantes et moussantes. Par contre, sa teneur relativement élevée en matières salines est plutôt un inconvénient. Il existe de nombreuses utilisations possibles du sérum dans l'alimentation humaine et animale, mais sa forte teneur en eau (94 pour cent), sa salinité élevée et son altérabilité, rendent souvent difficiles sa valorisation.

Dans certains grands pays laitiers industrialisés, l'accroissement considérable des quantités de fromages fabriqués par unité de production ne permettent plus d'éliminer le sérum directement, soit par une consommation animale proche (porcheries), soit par déversement dans les cours d'eau, où il serait à l'origine de pollution grave due à la fermentation de ses matières organiques (lactose et matières azotées) et à la diminution de la teneur en oxygène dissous de l'eau audessous d'un seuil acceptable. La DBO (demande biologique d'oxygène) du sérum est de 40 000, c'est-à-dire qu'un litre de sérum nécessite 40 g d'oxygène pour que ses matières organiques soient détruites par oxydation microbienne. Dans ces conditions, il est devenu indispensable de le traiter de sorte qu'il ne constitue plus une matière gravement polluante. Encore faut-il que son traitement soit économiquement acceptable.

Avant toute utilisation, le sérum est généralement filtré et centrifugé afin de récupérer les particules de caillé et la matière grasse. Les méthodes de traitement du sérum sont variées et permettent d'obtenir de nombreux produits (figure 20).

Le sérum, déminéralisé ou non, est concentré puis éventuellement séché sur rouleaux ou par le procédé spray. La concentration avant séchage permet, outre une économie d'énergie, la cristallisation du lactose sous forme alfamonohydratée et ainsi l'obtention d'une poudre non hygroscopique et peu collante. Selon la qualité du sérum mis en œuvre, il existe différentes variétés de concentrés ou de poudres: produits de sérum doux, de sérum acide, de sérum déminéralisé et de sérum délactosé. D'une façon générale, les sérums doux sont plus faciles à sécher, de meilleure qualité et offrent plus de débouchés.

Les poudres sont principalement utilisées dans les aliments d'allaitement pour veaux. Elles sont également employées, de même que les concentrés liquides, en mélange avec d'autres aliments (hachis de paille, dréches de brasserie, farines), pour divers animaux d'élevage (bovins, porcins, volailles). En alimentation humaine, les sérums concentrés et en poudre ont des applications dans les produits à base de céréales, où ils agissent à la fois comme renforçateur des farines et améliorateur de goût et de couleur. Moins coûteux que la poudre de lait, ils tendent à la remplacer au moins en partie.

FIGURE 20 Schéma d'utilisation et de valorisation du lactosérum

Les sérums concentrés et en poudre sont aussi utilisés en mélange avec de la crème ou de la matière grasse butyrique ou végétale, des protéines et additifs divers (stabilisants, sucre, sel, arômes, etc.) pour préparer divers produits crémeux, pâteux ou à tartiner. Des mélanges de poudre ou de concentré de sérum et de protéines de soja, aromatisés, colorés et texturés, permettent la préparation de produits stables, non gras, rappelant la viande.

Protéines de lactosérum

Bienqu'en faible quantité dans le sérum, où elles ne représentent qu'environ 13 pour cent de sa matière sèche, leur extraction présente beaucoup d'intérêt en raison de leur grande valeur nutritionnelle et notamment de leur utilisation possible dans les domaines diététiques et thérapeutiques. De plus, grâce à leurs remarquables propriétés fonctionnelles, elles ont un grand nombre de rôles spécifiques dans la texture de préparations alimentaires.

Il existe diverses techniques d'extraction. Le procédé le plus ancien est la thermocoagulation. Le plus simple consiste à porter à ébullition du lactosérum acidifié à pH 4,6-4,7. Dès 63 °C, les protéines commencent à floculer; la précipitation est totale peu après l'ébullition. Leur récupération se fait par filtration ou décantation. Ce produit, pressé pendant 24 heures, donne un fromage connu depuis très longtemps. On peut aussi en faire un «lait de protéines» qui est réincorporé au lait de fromagerie. Ce procédé ne modifie pas la valeur nutritionnelle des protéines mais modifie défavorablement leurs propriétés fonctionnelles. Aussi semble-t-il préférable de recourir aux procédés modernes que sont l'ultrafiltration et les échangeurs d'ions.

Lactose

La fabrication du lactose se fait par évaporation du lactosérum, après extraction éventuelle de la matière grasse, des protéines et des sels minéraux, puis par cristallisation du lactose, séparation et séchage des cristaux. Il existe deux qualités principales de lactose:

Lactose hydrolyse

L'hydrolyse est généralement réalisée par voie enzymatique à l'aide de lactases. Elle se fait soit par l'enzyme libre, soit par l'enzyme immobilisée. Après hydrolyse du lactose, son pouvoir sucrant est environ quatre fois plus élevé.

Valeur nutritionnelle du lactosérum

Usage alimentaire du lactosérum

La qualité nutritive du lactosérum tient à la fois à la présence du lactose et des protéines sériques. La richesse en lactose en fait un auxiliaire actif dans le brunissement enzymatique ou maillardisation apprécié en boulangerie, biscuiterie et viennoiserie.

Les propriétés fonctionnelles liées aux protéines sériques en font des produits intéressants à la fois pour l'alimentation du bétail, mais aussi en nutrition humaine.

Ces protéines sont utilisées en alimentation infantile pour leurs qualités nutritionnelles (richesse en acides aminés essentiels), pour la préparation de plats cuisinés (rétention d'eau), pour leur solubilité à toute échelle de pH (boissons au lait, limonaderie) et pour leur pouvoir moussant (confiserie, nougaterie).

Elles sont également employées dans bien d'autres opérations de l'industrie agro-alimentaire, telles que la fabrication des potages en poudre, des fromages fondus, des crèmes glacées, des mousses de foie et la panification. Enfin, les protéines sériques conviennent particulièrement au développement des levures.

Il convient de noter la présence de diverses vitamines hydrosolubles dans le lactosérum. Le lactosérum récupéré pour la nutrition humaine ou animale provient pour l'essentiel de la fabrication fromagère. La composition donnée au tableau 61 est à titre indicatif, compte tenu de la diversité des fabrications fromagères, notamment de celles issues de coagulation mixte et acide. Au cours du stockage du lactosérum à température ambiante, les vitamines ne sont pas détruites et la teneur en Iysine n'augmente quasiment pas, témoins d'une bonne stabilité du produit.

TABLEAU 61 Composition moyenne du lactosérum

Composants Unités Lactosérum par kg Lactosérum par kg
Matières sèches g 61  
Humidité g   44
Lactose g 48-42 740-660
Protéines g 8 125
Graisses g 2 10
Minéraux g 5-7 80-105
Acide lactique g 1-5 2-42
Calcium g 0,5-1,0 7-20
Phosphore g 0,5 8
Potassium g 1,4 20
Sodium g 0,45 g
Chlore g 1,0 16
Magnésium g 0,04-0,08 1-2
Zinc mg 0,3-2,3 10-60
Fer mg 0,9  
Cuivre mg 0,2 3
Manganèse µg 6-26 120-470
Thiamine mg 0,4 5
Riboflavine mg 1,4 25
Pyridoxine mg 0,5  
Cobalamine µg 1,5 25
Acide nicotinique mg 2 8
Acide folique µg 50 220
Acide pantothénique mg - 11 5
Acide ascorbique mg 9 45
pH   6,0-4,5  

Note: Lorsque deux chiffre sont donnés, le chiffre de gauche correspond au lactosérum doux et celui de droite au lactosérum acide.

Impact des traitements particuliers sur la valeur nutritionnelle du lactosérum obtenu

Dessiccation (séchage). Le séchage du lactosérum par pulvérisation (spray) pour en faire de la poudre n'altère pas le produit alors que le passage sur rouleau est plus délétère.

Coagulation. Protéines sériques coagulées à la chaleur sont en fait des composés hétérogènes contenant principalement des protéines (88 pour cent) mais aussi des matières grasses (4,5 pour cent), du lactose (0,2 pour cent) et des cendres (4 pour cent). En outre, leur digestibilité est proche de 100 pour cent, c'est-à-dire meilleure que celle des protéines sériques ellesmêmes.

Ultrafiltration. Les procédés d'ultracentrifugation permettent de pousser plus ou moins loin la séparation entre nutriments. On peut obtenir une matière sèche de concentration très variable (de 12 à 70 pour cent); simultanément, la teneur en lactose peut être abaissée de 70 à 20 pour cent environ et celle de matière minérale de 10 à 4 pour cent.

Les concentrés de protéines sériques trouvent un usage particulièrement adapté en alimentation infantile. Toutefois, comme la teneur en minéraux augmente au cours de l'ultrafiltration avec la concentration protéique, une déminéralisation supplémentaire (par électrodialyse) est nécessaire avant d'en faire des produits adaptés à la consommation infantile. De même, les vitamines fortement liées aux protéines (cobalamine et acide folique) se retrouvent intégralement ou presque dans l'ultrafiltrat alors que les autres vitamines du groupe B ne se maintiennent qu'à des concentrations variant de 60 à 70 pour cent de leur valeur initiale. La vitamine C ne conserve que de 15 à 20 pour cent à peine de sa valeur de départ. Un réajustement vitaminique est dès lors nécessaire, selon l'usage ultérieur qui sera fait de ces produits.

Osmose inverse. L'osmose inverse ne devrait débarrasser le lactosérum que de son eau. Dans la réalité, il subit une légère perte de tous les minéraux.

TABLEAU 62 Composition moyenne de différents produits protéines du lait (%)

Composants Caséines Coprécipités Concentrés de lactosérum
Faible Fort
Humidité 4,5 6,0 4 4
Protéines 90 82,5 40 70
Lactose 0,3 0,8 46 1 8
Graisses 1,2 1,2 4 5
Cendres 4,1 9,5 5 4
Sodium 0,1 22 0,4 0,3
Potassium 0,1 0,1 1 2 1 0
Calcium 0,1 2,0 0,7 0.5

Intérêt nutritionnel des sous-produits du lactosérum ou de produits combinés

Utilisation des constituants du lactosérum. On peut modifier certaines fractions du lactosérum de manière à obtenir des coprécipités (96 pour cent de la caséine sont entraînés avec 70 pour cent des protéines sériques), des protéines sériques coagulées à la chaleur ou encore des protéines sériques concentrées obtenues par ultracentrifugation (tableau 62).

Les coprécipités possèdent un profil en acides aminés comparable à celui des protéines entières du lait. Quand du calcium est employé pour entraîner les constituants azotés dans la coprécipitation, des produits riches en calcium sont alors extraits. Ces produits servent à améliorer la teneur protéique du yaourt, du kéfir, mais aussi des biscuits, des produits de boulangerie, de la pâtisserie, des puddings, des crèmes glacées, etc.

Les protéines coagulées à la chaleur trouvent leur meilleure application comme produit d'addition: on en ajoute aux fromages blancs, aux yaourts et toutes sortes de produits laitiers fermentés, aux fromages, aux crèmes glacées et aux pâtisseries.

Les produits d'ultracentrifugation sont surtout utilisés en diététique infantile. En effet, la valeur biologique de ces lactoprotéines sériques concentrées équivaut à celle des protéines solubles originales et la biodisponibilité de la lysine n'est pas entamée par ce procédé. Les résidus de l'ultracentrifugation contiennent surtout du lactose, de l'azote non protéique et des minéraux. La récupération de ces résidus passe par l'hydrolyse du lactose pour obtenir une matière sirupeuse (mélange de glucose et de galactose au pouvoir sucrant quatre à cinq fois supérieur).

D'une manière générale, la bonne qualité du lactosérum en fait un produit d'addition particulièrement approprié pour enrichir les aliments ou les régimes pauvres en protéines. En pathologie, on pense particulièrement à l'alimentation des diabétiques, des malades hépatiques ou des sujets souffrant de malnutrition. En alimentation de soutien, on pense aux sportifs, aux personnes âgées ainsi qu'à certaines catégories d'enfants. Le pain additionné de lactosérum voit ses qualités nutritionnelles améliorées, mais les produits laitiers eux-mêmes (fromages, etc.) peuvent aussi bénéficier d'un apport de telles protéines. Les régimes riches en aliments d'origine végétale se trouvent aussi notablement améliorés lorsque des protéines lactées sériques y sont ajoutées. Cet avantage est particulièrement intéressant pour les pays en développement, puisque les protéines sériques se prêtent bien au mélange avec d'autres aliments, et notamment à la cuisson en remplacement de l'œuf.

Fromages riches ou enrichis en lactoprotéines. On peut, par ultrafiltration du lait de fromagerie, obtenir une matière sèche de telle manière que le lactosérum ne soit pas perdu lors de la fabrication du fromage. Ainsi, toutes les protéines sériques restent dans le fromage qui en contient dès lors 15 pour cent environ au lieu de 2 à 3 pour cent.

De même, les teneurs en calcium et phosphore sont plus élevées et celles de sodium et potassium légèrement plus faibles. Lors de la protéolyse enzymatique, les protéines solubles résistent mieux que la caséine: les teneurs en acides aminés libres et en composés azotés solubles seront relativement plus basses. On peut même enrichir la matière sèche fromagère en protéines solubles. Dans ce cas, la teneur protéique sérique relative peut atteindre 35 pour cent.

Usage alimentaire des autres constituants du lactosérum

Lactose. En raison de ses propriétés le lactose a de nombreuses utilisations: en diététique; en industrie pharmaceutique comme diluant, excipient ou milieu de fermentation; en industrie alimentaire, notamment en charcuterie comme substrat de culture pour les bactéries lactiques; en confiserie, boulangerie, biscuiterie et pâtisserie; dans la fabrication des chips et pommes de terre frites pour favoriser les réactions de brunissementet de caramélisation, ou encore comme charge glucidique à faible caractère sucré (sept fois moins sucrant que le saccharose). Il est aussi utilisé comme fixateur d'arômes, absorbeur de pigments et pour son pouvoir émulsifiant, son aptitude au séchage et à la compression.

Lactose hydrolysé. L'hydrolyse du lactose (dédoublement en glucose et en galactose) ouvre de nouveaux et intéressants débouchés au lactosérum déminéralisé, notamment dans les desserts, les fabrications sucrées à base de farine, la confiserie, les crèmes glacées, la biscotterie, la biscuiterie, ainsi que dans l'alimentation animale. Toutefois, certains pays font encore des réserves sur son emploi considérant que l'innocuité du galactose n'est pas pleinement démontrée.


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