Back to Home Page of CD3WD Project or Back to list of CD3WD Publications

Composition en éléments nutritifs des racines et tubercules

Table des matières - Précédente - Suivante

La composition en éléments nutritifs des racines et tubercules varie d'un endroit à l'autre, selon le climat, le sol, la variété de la plante et d'autres facteurs. Une table représentative de la composition en éléments nutritifs des racines et tubercules communs figure au tableau 4.4. La composition en acides aminés des protéines de certaines racines ainsi qu'une comparaison des besoins probables en acides aminés sont données au tableau 4.5.

Le principal élément nutritif fourni par les racines et les tubercules est l'énergie alimentaire sous forme de glucides. La teneur en protéines est faible (1-2 pour cent), et dans presque toutes les protéines des plantesracines comme dans celles des légumineuses, les amino-acides contenant du soufre sont les amino-acides limitants (tableaux 4.5 et 4.9). Le manioc, la patate, la pomme de terre et l'igname contiennent de petites quantités de vitamine C, et les variétés jaunes de patate, d'igname et de manioc renferment du bêta-carotène ou de la provitamine A. Le taro est une bonne source de potassium. Les racines et les tubercules contiennent de faibles quantités des autres vitamines et minéraux mais renferment des quantités importantes de fibres alimentaires. Les feuilles de taro sont cuites et consommées comme légumes. Elles contiennent du bêta-carotène, du fer et de l'acide folique qui protège contre l'anémie. On mange aussi couramment les feuilles de la patate et du manioc.

Glucides

La matière sèche des plantes-racines, des bananes et des plantains est composée principalement de glucides, généralement dans la proportion de 60 à 90 pour cent. Les glucides des végétaux comprennent des celluloses, des gommes et des amidons, mais les amidons sont la principale source d'énergie nutritive car les celluloses ne peuvent être digérées.

Les amidons sont composés de deux polymères principaux, un polymère du glucose en chaîne droite appelé amylose, qui représente habituellement de 10 à 30 pour cent environ du total, et un polymère du glucose en chaîne ramifiée, l'amylopectine, qui constitue le reste. Le principal élément constitutif du glucide comestible est l'amidon avec quelques sucres, dans des proportions variant selon la plante-racine.

Tableau 4.5 Comparaison de la structure des besoins probables en acides aminés et de la composition

Tableau 4.6 Propriétés rhéologiques de diverses fécules d'igname

Espéce et
cultivar
Température
d'empesage°C
Viscosité (unités Brabender) Résistance à la gélification
(ml) aprés:
(à la
température
de 95° C)
maximum atteint
avant
refroidissement)
24 h 96 h 168 h
D. rotundata
Puna 76 450 630 8,8 13,6 14,1
Labreko 78-79 260 470 4,3 6,2 8,0
Kplinjo 77 330 490 10,6 12,7 13,3
Tantanpruka 79 610 650 12,4 17,2 20,5
Tempi 80-82 430 520 7,5 10,5 10,8
D. alata
A chair blanche 85 25 110 14,8 16,5 17,2
A chair rouge 81 80 200 14,8 18,5 19,4
D. esculenta 82 25 55 2,5 4,0 4,6
D.dumetorum 82 25 25 - - -

Source: Resper & Coursey, 1967.

Tableau 4.7 Fibres en pourcentage de matière sèche dans les patates et les bananes crues

  Patates Bananes
Cellulose 3,26 1,0
Hémicellulose 4,95 5,8
Pectine insoluble 0,50 -
Lignine - 0,2

Les propriétés physiques des grains d'amidon influent sur la digestibilité et l'aptitude être transformées des plantes-racines. Les grains d'amidon de certaines variétés de taro sont trés petits, un dixième environ de ceux de la pomme de terre. Ce facteur améliore la digestibilité de l'amidon et rend ces variétés mieux appropriées à l'alimentation des nourrissons et des malades. Pour la préparation de certains aliments, comme le foufou, il faut une pâte ferme, et les propriétés rhéologiques de l'empois d'amidon deviennent donc importantes. La viscosité des pâtes amidon-eau de différents amidons d'igname varie considérablement, depuis le coefficient relativement faible de D. dumetorurn à celui, le plus élevé, de D. rotundata en passant par le coefficient intermédiaire de D. esculenta (tableau 4.6). C'est pourquoi D. rotundata a toujours été utilisée pour la préparation du foufou. La plupart des ignames donnent des pâtes visqueuses résistant mieux à la gélification que celles des autres plantes-racines. On choisit donc de préférence les ignames pour le foufou, empois d'amidon préparé en pilant des racines ou des tubercules cuits dans un mortier avec un pilon (Rasper, 1969, 1971). La farine de manioc présente des caractéristiques spéciales pour l'industrie alimentaire. Elle se gélifie facilement en cuisant avec de l'eau, et après refroidissement la solution reste assez fluide. Les solutions sont relativement stables et ne retombent pas en décomposition sous une forme insoluble (rétrogradation) comme le fait la fécule de mais ou de pomme de terre.

Outre l'amidon et le sucre, les plantes-racines contiennent aussi quelques polysaccharides privés d'amidon dont les celluloses, les pectines et les hémicelluloses, ainsi que des protéines structurales et des lignines associées, appelées collectivement fibres alimentaires (tableau 4.7). Le rôle de ces fibres dans la nutrition a suscité beaucoup d'intérêt ces dernières années. Certains résultats épidémiologiques laissent à penser qu'une consommation accrue de fibres alimentaires peut réduire l'incidence de certaines maladies comme les diabètes, les cardiopathies ischémiques, le cancer du colon et divers autres troubles digestifs. Les fibres semblent agir comme un tamis moléculaire, retenant les substances cancérogènes qui autrement seraient remises en circulation dans l'organisme; elles absorbent aussi l'eau produisant ainsi des selles molles et volumineuses. La patate est une source importante de fibres alimentaires car sa teneur en pectine atteint parfois 5 pour cent de son poids frais ou 20 pour cent de la matière sèche au moment de la récolte (Collins et Walter, 1982). Cependant, la banane, qui est connue pour son effet bénéfique sur les troubles intestinaux semble contenir très peu de fibres, seulement 0,84 pour cent, d'après les méthodes d'analyse classiques. Forsythe (1980) a étudié les substances des parois cellulaires de la pulpe de banane par extraction avec de l'acide ascorbique, centrifugation et élimination des sucres par lessivage. Le résidu, comprenant 3,3 pour cent de la pulpe avait une capacité de rétention d'eau égale à 17 fois son poids sec. L'analyse a donné 15,2 pour cent de lignine, 13 pour cent d'amidon, 9,8 pour cent de protéines, 4,8 pour cent de cellulose, 3,7 pour cent de lipides, 1,3 pour cent de pectine et 0,4 pour cent de cendres. Il faudrait donc accorder une plus grande attention au rôle des substances fibreuses dans ces plantes-racines, notamment dans la banane et la patate, et déterminer leur composition et leur fonction alimentaire. D'autres plantes-racines, en particulier l'igname, contiennent des mucilages qui ont une influence considérable sur leurs qualités culinaires.

Protéines

La teneur en protéines des racines, tubercules, bananes et plantains varie, de même que la qualité de ces protéines. L'igname et la pomme de terre en contiennent davantage, approximativement 2,1 pour cent en poids frais. La quantité de protéines fournies par ces aliments dans les pays en développement, corrigée en fonction de la qualité des acides aminés est, en moyenne mondiale, seulement de 2,7 pour cent, fournis principalement par les pommes de terre et les patates. Toutefois, ces aliments féculents de base assurent une plus grande partie de la ration protéique en Afrique (tableau 4.8), allant de 5,9 pour cent en Afrique de l'Est et en Afrique australe à un maximum de 15,9 pour cent en Afrique de l'Ouest humide, fournis principalement par l'igname et le manioc. Ces chiffres ne comprennent pas les protéines apportées par les feuilles de végétaux comme le manioc, la patate et le taro qui sont consommées comme légumes verts. La teneur en acides aminés des racines et tubercules, contrairement à la plupart des céréales, n'est pas complétée parcelle des légumineuses car toutes deux sont pauvres en acides aminés soufrés (tableau 4.9). Afin de maximiser leur apport de protéines dans l'alimentation, les racines et tubercules devraient être complétés par une grande variété d'autres aliments, dont des céréales.

Tableau 4.8 Part des calories et des protéines des aliments amylacés de base dans les régimes alimentaires des pays en développement. 1979-1981 (en pourcentage du total régional)

La teneur protéique des plantes-racines est influencée dans une certaine mesure par la variété, les pratiques culturales, le climat, la période de végétation et l'emplacement (Woolfe,1987). L'adjonction d'engrais azoté accroît la teneur en protéines des pommes de terre (Eppendorfer et al., 1979; Hoff et al., 1971). Pour la patate, la teneur en protéines pourrait varier de 2 à 7,5 pour cent selon le cultivar et le traitement. L'engrais azoté élève la teneur en protéines de la patate, mais abaisse la teneur en lysine; l'acide aspartique et les acides aminés libres augmentent (Yang, 1982). Par ailleurs, la partie feuillue se développe davantage que le tubercule.

Dans les plantes-racines, la qualité des protéines, quant à leur composition en acides aminés essentiels, peut être comparée à celle des protéines animales courantes dans la viande de boeuf, les ceufs ou le lait (tableau 4.5). Les plantes-racines contiennent généralement une bonne quantité de lysine, moins toutefois que les légumineuses, mais les acides aminés soufrés sont insuffisants. Par exemple, l'igname est riche en phénylalanine et en thréonine mais pauvre en acides aminés soufrés, en cystine, méthionine et tryptophane.

La qualité des protéines peut être évaluée par les valeurs relatives aux acides aminés, mais l'utilisation biologique des protéines dépend aussi de la composition de la ration alimentaire, de la digestibilité des protéines et de la présence de toxines ou de facteurs antinutritifs. Cela se reflète dans l'utilisation protéique nette (UPN, proportion de l'apport d'azote qui est conservée), ou la valeur biologique de la protéine (VB); la proportion d'azote absorbé qui est conservée (tableau 4.10) est estimée au moyen du bilan azoté ou, de préférence, par des études directes sur des animaux d'expérience. Les résultats seront exprimés en coefficients d'efficacité protéique (CEP) où ŒP = le gain de poids en grammes divisé par la dose protéique en grammes.

Dans des essais d'alimentation menés sur des rats, on a employé les protéines des bananes et celles du mais, bien que leur utilisation ait été moins efficace que celle des protéines de l'igname, du taro et de la patate. Les protéines de la pomme de terre ont une bonne qualité nutritive avec une teneur en lysine relativement élevée; on peut donc les utiliser dans les pays en développement pour compléter les aliments pauvres en lysine. Comme l'indique le tableau 4.10, ses protéines utilisables en pourcentage de sa teneur en calories sont aussi importantes que celles du blé.

Tableau 4.9 Acides aminés essentiels du plantain, du manioc, de la patate, du taro et de l'lgname comparés avec ceux du dolique de Chine

Amino acides
(mg N/g)
Plantain Manioc Patate Taro Igname Dolique
de Chine
Lysine 193 259 214 241 256 427
Thrèonine 141 165 236 257 225 225
Tyrosine 89 100 146 226 210 163
Phénylalanine 134 156 241 316 300 323
Valine 167 209 283 382 291 283
Tryptophane 89 72 - 88 80 68
Isoleucine 116 175 230 219 234 239
Méthionine 48 83 106 84 100 73
Cystine 65 90 69 163 72 68
Total acides            
aminés soufrés 113 173 175 247 172 141
Total acides            
aminés essentiels 1 042 1 309 - 1 976 1 768 1 869

Source: FAO, 1970.

Tableau 4.10 Protéines utilisables dans quelques aliments de base (en pourcentage des calories)

  Protéines totales Protéines utilisables
Saboutier 0,6 0,3
Manioc 1,8 0,9
Plantain 3,1 1,6
Igname 7,7 4,6
Maís 11,0 4,7
Riz 9.0 4,9
Pomme de terre 10,0 5,9
Blé 13,4 5,9

Source: Payne, 1969.

La protéine de patate a aussi une valeur nutritive acceptable, avec un indice chimique de 82 et les acides aminés soufrés comme principaux facteurs limitants. La qualité de la protéine dépendra de la température à laquelle les produits à base de patate ont été transformés (Walter et al., 1983). Horigone et al. (1972) ont donné un CEP de 1,9 pour une protéine isolée dans une féculerie. Ce chiffre pourrait passer à 2,5 avec l'adjonction de lysine et de méthionine, ce qui indique un manque de méthionine et la destruction de la lysine durant la transformation. En ajoutant de la fécule de patate non chauffée à du blé dans la nourriture des rats dans la mesure de 30 pour cent, on a accru la valeur biologique de la ration qui est passée de 72 à 80 grâce à l'accroissement de la valeur protéique. Des résultats semblables ont été obtenus en remplaçant le riz par de la fécule de patate (Yang, 1982). Walter et Catignani (1981) ont extrait un isolat de protéine blanc et un concentré de protéine grisâtre (protéine du chromoplaste) de deux variétés de patate, «Jewel» et «Centennial», et ont constaté que les valeurs en acides aminés obtenues étaient très bonnes, la lysine étant supérieure à la norme FAO (tableau 4.11). Les deux isolais ont donné un gain de poids supérieur et un meilleur CEP que la caséine, bien que cela ne soit pas important statistiquement, indiquant que des fractions de protéines de certaines variétés de patate sont de très haute qualité (Yang, 1982).

La protéine du manioc est moins riche en acides aminés essentiels que les autres plantes-racines, mais récemment Adewusi et al. (1988) ont noté que la farine de manioc utilisée dans des essais d'alimentation animale, remplaçait plus avantageusement le blé que ne le faisaient le sorgho ou le maïs. La teneur protéique de l'igname oscille entre 1,3 et 3,3 pour cent (Francis et al., 1975), mais sur la base des quantités consommées par un adulte en Afrique de l'Ouest, de 500 g à 1 kg par personne et par jour, elle peut fournir à peu prés 6 pour cent de la ration protéique journalière (tableau 4.8). L'indice chimique des protéines de l'igname, en prenant comme norme la protéine de référence FAO, a varié de 57 à 69 (Francis et al., 1975). L'incidence du kwashiorkor serait élevée dans les zones où l'on consomme l'igname.

Tableau 4.11 Comparaison la composition en acides aminés essentiels de la protéine du chromoplaste et de la protéine blanche dans les patates Jewel et Centennial avec la protéine de référence FAO

  Protéine du chromaplaste FAO Protéine blanche
Amino-acide1
Jewel Centennial   Jewel Centennial
Thréonine 5,77 5,67 4,0 6,43 6,39
Valine 7,83 7,68 5,0 7,90 7,89
Méthionine 2,26 2,10   2,03 1,84
Isoleucine 6,01 5,89 4,0 5,63 5,71
Leucine 9,64 8,95 7,0 7,40 7,44
Tyrosine 6,71 6,41 6,0 6,91 7,09
Phénylalanine 7,08 7,15   8,19 7,94
Lysine 7,03 6,43 5,5 5,16 5,21
Tryptophane 1,56 1,77 1,0 1,23 1,44
CEP 2,73 2,78   2,64 2,63

1g amino-acide/16 g de N
Source: Walter & Catignani, 1981.

Cela souligne la nécessité de compléter les régimes à base d'igname par davantage d ' aliments riches en protéines afin d'assurer la croissance normale des nourrissons. Le taro frais contient beaucoup d'eau et représente un aliment à faible teneur énergétique par rapport à d'autres racines. Il a une teneur en protéines d'environ 2 pour cent (tableau 4.4) et un indice chimique de 70 (tableau 4.5). Toutefois, l'indice chimique seul n'est pas satisfaisant comme indice de la teneur et de l'efficacité protéique dans l'alimentation. Il vaut mieux recourir à des essais d'alimentation contrôlés pour obtenir des coefficients de digestibilité. Ces coefficients ont été déterminés pour de nombreux aliments. Si on manque de renseignements sur la digestibilité de la protéine dans un régime alimentaire particulier, on en déterminera le coefficient en utilisant des valeurs relatives à chaque composant et en faisant la moyenne pondérée selon le pourcentage de protéines fournies par ces aliments. Avec des aliments à faible teneur protéique comme l'igname ou le manioc, les essais d'alimentation visant à déterminer l'efficacité biologique de la protéine sont souvent peu concluants. Pour une rectification approximative dans le cas d'un régime à base de protéines végétales, on pourra appliquer un coefficient de digestibilité de 85 pour cent (OMS, 1985).

Des essais d'alimentation humaine ont été menés avec des racines pour tester l'efficacité de leur protéine à assurer un bon état de santé en l'absence d'autres aliments protéiques. La plupart de ces travaux ont été réalisés sur la pomme de terre et sont bien documentés par Woolfe (1987). L'ouvrage classique de Rose et Cooper (1907) indique que, chez les femmes jeunes, le bilan azoté peut être tenu en bon état pendant sept jours avec un régime dans lequel la pomme de terre fournit 0,096 g d'azote/kg de poids corporel. Cette constatation a été confirmée par des expériences plus récentes qui ont montré qu'une teneur en protéines de la pomme de terre de 0,0545 g/kg de poids corporel maintient en bon état le bilan azoté chez des adolescents sains, contre 0,0505 g/kg de poids corporel obtenu pour l'ceuf.

Au Pérou, Lopez de Romana et ai. ( 1981) ont montré que la pomme de terre peut être utilisée avec succès pour couvrir jusqu'à 80 pour cent des besoins journaliers en protéines et de 50 à 75 pour cent des besoins énergétiques chez les nourrissons et les jeunes enfants, si le reste de l'énergie et de l'azote est fourni par des aliments non volumineux et faciles à digérer. L'acceptabilité, la digestibilité, la tolérance et la croissance des enfants ont été analysées. Une acceptabilité et une tolérance excellentes ont été observées avec les régimes dans lesquels environ 50 pour cent de l'énergie provenait des pommes de terre avec l'adjonction de caséine pour couvrir jusqu'à 80 pour cent de l'énergie alimentaire totale provenant des protéines. Quand on augmente les pommes de terre de façon à assurer 75 pour cent de l'énergie alimentaire, l'acceptabilité et la tolérance tendent à devenir médiocres durant la dernière semaine de l'étude de trois mois, surtout à cause du volume et de la mauvaise digestibilité des glucides.

Il a été rapporté en 1909 que les populations britanniques, qui s'étaient installées en 1876 sur l'île lointaine de Tristan da Cunha dans le Pacifique Sud, s'étaient accrues et avaient une trés bonne santé avec un régime à base de pommes de terre, la consommation moyenne étant de trois à quatre livres par jour (Kahn, 1985). Même dans un pays riche comme le RoyaumeUni, selon le National Food Survey Committee (1983), environ 3,4 pour cent de la ration protéique totale des ménages ont été fournis par la pomme de terre, contre 1,3 pour cent par les fruits, 4,6 pour cent par les œufs,4,8 pour cent par le poisson, 5,8 pour cent par le fromage, 5,7 pour cent par la viande de boeuf, 9,8 pour cent par le pain blanc et 14,6 pour cent par le lait.

Dans des essais d'alimentation, les adultes de la tribu des Yami ont été nourris de patates complétées par du poisson et des légumes, qui devaient fournir 0,63 g de protéines/kg de poids corporel par jour. Au bout de deux mois, on n'a relevé aucune anomalie physique, mais on a constaté qu'ils se fatiguaient plus vite si l'on prolongeait ce régime. En raison de la forte teneuren fibres alimentaires des patates, le volume des matières fécales chez les sujets participant à l'expérience était très élevé, en moyenne 800 g en poids humide par jour. Ce régime, contrairement aux prévisions, n'a généralement pas réduit le cholestérol du sérum ni les lipides totaux, comme l'ont fait d'autres légumes, bien qu'une variété particulière de patate ait sensiblement réduit ces facteurs (Yang, 1982).

Toutefois, lorsque sept adolescents ont été soumis à deux régimes semblables à base de patates, apportant respectivement 0,67 g de protéines et 0,71 g de protéines/kg de poids corporel, ils présentaient un bilan azoté négatif et l'azote uréique du plasma était descendu de 8- 11 mg à 2-3 mg pour 100 ml. La combinaison type d'acides aminés libres du plasma présentait aussi quelques anomalies: les amino-acides de la chaîne ramifiée, la valine, l'isoleucine et la leucine étaient en diminution, indiquant une certaine déplétion protéique (Huang, 1982). Ce résultat confirme que la protéine de la patate ne peut à elle seule satisfaire les besoins nutritionnels d'un enfant en pleine croissance, mais semble plus prometteuse chez les adultes. En tentant d'améliorer le régime alimentaire des populations de Taiwan, Yang (1982) a constaté que lorsque 13 pour cent de patates sont remplacés à calories égales par du riz, le bilan azoté s'améliore grâce à la complémentarité des protéines. On a observé également que cette substitution accroît la longévité des rats et des souris. Ainsi, si elle pouvait être cultivée à un prix compétitif, la patate serait un aliment de base supplémentaire dans les régimes composés de riz, farine de blé et autres céréales.

Un aliment contenant environ 5 pour cent de l'énergie totale fournie par des protéines utilisables et équilibrées peut maintenir en bonne santé s'il est consommé en quantités suffisantes pour couvrir les besoins énergétiques. Il est donc important d'examiner les facteurs affectant la teneur en protéines des plantes-racines. Si des variétés riches en protéines et contenant des glucides digestibles pouvaient être mises au point, elles serviraient à la conception et à la production d'aliments de sevrage complémentaires. La production à titre expérimental d'aliments de sevrage contenant de la pomme de terre a été signalée par Abrahamsson (1978). Les programmes d'amélioration génétique visant à relever la teneur en protéines, vitamines et sels minéraux des produits vivriers devraient aussi comprendre des études sur les préférences des consommateurs, pour assurer l'acceptabilité des variétés améliorées au niveau du producteur.

Lipides

Toutes les plantes-racines présentent une très faible teneur en lipides. Il s'agit principalement de lipides structuraux de la membrane cellulaire qui renforcent l'intégrité cellulaire, offrent une résistance aux meurtrissures et contribuent à réduire le brunissement enzymatique (Mondy et Mueller, 1977); leur valeur nutritionnelle est limitée. La teneur va de 0,12 pour cent dans la banane à environ 2,7 pour cent dans la patate. Les lipides contribuent vraisemblablement à rendre les racines plus agréables au goût. La plupart sont constitués en quantités égales d 'acides gras insaturés, acides linoléiques et linoléniques, et d'acides gras saturés, acide stéarique et acide palmitique. Dans les produits déshydratés comme les pommes de terre déshydratées ou les granulés de pommes de terre instantanés, le pourcentage élevé d'acides gras insaturés dans la fraction de lipides peut accélérer le rancissement et l'auto-oxydation, produisant ainsi un faux goût et une odeur. La faible teneur en matières grasses et en amidon de la banane plantain en fait un aliment idéal pour les personnes âgées malades. La banane, seul fruit cru autorisé aux personnes souffrant d'un gastrique, est aussi recommandée contre la diarrhée infantile. Elle fournit également des glucides utiles dans la maladie coeliaque et pour soulager la colique.

Vitamines

Du fait que les racines et les tubercules sont très pauvres en lipides, ce ne sont pas de bonnes sources de vitamines liposolubles. Toutefois, la provitamine A est présente sous la forme de bêta-carotène du pigment dans les feuilles des racines, dont certaines sont comestibles. Les racines et les tubercules contiennent généralement trés peu de bêta-carotène à l'exception de certaines variétés de patate. Les variétés de couleur foncée sont plus riches en carotène que les cultivars blancs. Dans la variété orange «Goldrush», le pigment est composé d'environ 90 pour cent de bêtacarotène et de 88 pour cent dans «Centennial». Cela est un des avantages de la patate du point de vue nutritionnel, car l'ingestion régulière et en quantités suffisantes de feuilles de patate, avec des tubercules très riches en bêta-carotène, peut couvrir le besoin journalier de vitamine A du consommateur et donc prévenir la xérophtalmie, terrible maladie entraînant la cécité d'origine nutritionnelle dans de nombreux pays subsahariens et asiatiques. La patate douce est encore plus riche en bêta-carotène et on a estimé qu'une dose de 13 g par jour suffirait à couvrir le besoin de vitamine A. Par ailleurs, il existe des variétés d'igname très colorées, notamment D. cayenensis appelée igname jaune. Cette couleur jaune est due aussi aux caroténoïdes, composés principalement de bêta-carotène dans des quantités allant de 0,14 à 1,4 mg/100 g (Murtin et Ruberté, 1972), ainsi qu'à d'autres caroténoides sans valeur du point de vue nutritionnel (Martin et al., 1974). Certaines variétés d'igname des îles du Pacifique contiennent jusqu'à 6 mg/100 g de carotène (Coursey, 1967) et le taro en renferme aussi des quantités abondantes. Parmi les autres sources de bêta-carotène figurent les variétés de bananes orange foncé. Mais il existe une diminution de la concentration qui passe de 1,04 mg/100 g quand elles sont vertes (non mûres) à 0,66 mg quand elles sont mûres (A senjo et Porrata, 1956). Les plantains contiennent très peu de bêta-carotène.

Il n'y a pas de vitamine A dans la pomme de terre. La vitamine E est présente en quantités limitées, jusqu'à 4 mg/100 g dans la patate.

La vitamine C est présente en quantités importantes dans plusieurs plantesracines. La teneur peut être réduite durant la cuisson, à moins de ne pas enleverles peaux et d'utiliser l'eau de cuisson. Quand elles sont correctement préparées, les racines assurent un bon apport de vitamine C dans l'alimentation. La banane contient de 10 à 25 mg de vitamine C (pour 100 g.), mais certaines variétés en renferment jusqu'à 50 mg. La quantité est la même, que la banane soit mûre ou non. L'igname contient de 6 à 10 mg de vitamine C (pour 100 g.) et jusqu'à 21 mg dans certains cas. La teneur en vitamine C de la pomme de terre est très semblable à celle de la patate, du manioc et de la banane plantain, mais la concentration varie selon les espèces, l'endroit, l'année agricole, le stade de maturité au moment de la récolte, le sol, les engrais azotés et phosphatés appliqués (Augustin et al., 1975). Cent grammes de pommes de terre bouillies dans leur peau suffisent pour couvrir environ 80 pour cent des besoins en vitamine C d'un enfant et 50 pour cent de ceux d'un adulte. Selon le National Food Survey Committee (1983), la pomme de terre était la principale source de vitamine C dans le régime alimentaire des Britanniques, couvrant 19,4 pour cent du besoin total. McCay ét al. (1975) ont estimé qu'aux Etats-Unis, la pomme de terre fournit autant de vitamine C (20 pour cent) que les fruits (18 pour cent).

La plupart des plantes-racines renferment de petites quantités de vitamines du groupe B suffisantes pour compléter les sources alimentaires normales. Les vitamines du groupe B interviennent comme cofacteurs enzymatiques participant à l'oxydation des aliments et à la production d'énergie. Elles se trouvent principalement dans les céréales, le lait et les produits laitiers, la viande et les légumes verts, dont les feuilles de racines et tubercules. Pour 1 000 kcal de glucides ingérés, environ 0,4 mg de vitamine B. (thiamine) est indispensable à une bonne digestion. La patate contient à peu près le double de cette quantité nécessaire de vitamine B. (0,8 - 1,0 mg/1 000 kcal). Villareal (1982) a estimé (tableau 4.12) que 1 ha de terre planté en patates fournira environ huit fois plus de vitamine B. (thiamine) et 11 fois plus de vitamine B2 (riboflavine) que I ha planté en riz. De même, selon des estimations du National Food Survey Committee (1983), au Royaume-Uni, la pomme de terre a fourni 8,7 pour cent de la riboflavine, 10,6 pour cent de la niacine (vitamine B3), 12 pour cent de l'acide folique, 28 pour cent de la pyridoxine (vitamine B6) et 11 pour cent de l'acide pantothénique (Finglas et Faulks, 1985).

Tableau 4.12 Nombre de personnes pouvant vivre avec les éléments nutritifs fournis par un hectare de cultures par jour

Culture Calories Calcium Fer Vitamine A Thiamine Riboflavine Vitamine C
Riz 61 2 33 0 18 9 0
Maïs 27 1 9 25 42 24 480
Patate 138 138 405 991 140 106 1 370
racines 122 85 105 324 100 40 1 050
feuilles 15 53 300 667 40 66 320
Taro 55 86 178 770 120 61 660
rhizomes 45 28 71 0 107 24 180
feuilles 6 40 65 747 10 33 433
pétiole 3 16 40 23 1 3 46
Chou 41 178 194 50 92 74 3441
Haricot velu
de la basse Nubie 29 17 78 4 60 20 27
gousse 42 159 150 347 158 168 1 008
haricot sec 63 18 193 0 129 61 0
Soja (sec) 33 41 168 0 40 16 traces
Soja (ven) 36 87 194 6 1 257 614 251
Mangue 1 0 501 18 1 1 279
Tomate 16 26 116 257 58 38 845
Banane 2 110 2 1 0 2 237

Source: Villareal, 1970.

Minéraux

Le potassium est la principale substance minérale dans la majorité des plantesracines alors que le sodium tend à être peu abondant. Pour cette raison, certaines racines sont particulièrement utiles dans l'alimentation des hypertendus qui doivent limiter leur consommation de sel. Dans de tels cas, le rapport élevé du potassium au sodium peut être un avantage supplémentaire (Meneely et Battarblee, 1976). Toutefois, les aliments riches en potassium sont généralement absents du régime des personnes souffrant d'insuffisance rénale (McCay et al., 1975). Comme les plantes-racines contiennent peu d'acide phytique par comparaison aux céréales, les minéraux qui peuvent être rendus inactifs par l'acide phytique alimentaire y sont plus assimilables que dans les céreales. Cela est particulièrement important pour le fer, qui est assimilable à 100 pour cent dans la banane (Marriott et Lancaster, 1983). En outre, la forte concentration de vitamine C dans certaines plantes-racines peut contribuer à solubiliser le fer et à le rendre plus assimilable que dans les céréales ou d'autres légumes. Au Royaume-Uni, la pomme de terre occupe la troisième place parmi les aliments fournissant du fer, représentant jusqu'à 7 pour cent de la ration totale des ménages. True et al., (1978) ont constaté que 150 g de pomme de terre fournissent de 2,3 à 19,3 pour cent des quantités de fer recommandées aux Etats-Unis par le Food and Nutrition Board of the National Research Council of America. On peut douter, cependant, de l'assimilabilité du calcium et du phosphore dans le taro à cause de la présence d'oxalate.

On reconnaît rarement que la pomme de terre peut apporter une quantité satisfaisante de sels minéraux grâce à sa bonne teneur en iode. Cela pourrait être utile dans les zones d'Afrique et d'Asie où sévit le goitre car la dose d'iode est faible ou négligeable. Puisque plus de 96 pour cent du zinc de la pomme de terre sont utilisables, là aussi à cause des faibles teneurs en phytate, la pomme de terre peut également fournir une quantité importante de ce minéral. L'igname peut couvrir une partie substantielle des besoins en manganèse et en phosphore des adultes, et dans une moindre mesure en cuivre et en magnésium. Comme il est indiqué au tableau 4.12, 1 ha de patates couvrira les besoins en calcium de 60 fois plus de personnes et 12 fois les besoins en fer que la même superficie plantée en riz.

Continue


Table des matières - Précédente - Suivante

CD3WD Project Donate