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Chapitre 5: Méthodes de cuisson et de transformation

Table des matières - Précédente - Suivante

Manioc
Cuisson et transformation de l'igname
Taro
Bananes et plantains
La patate
La pomme de terre

 

Comme beaucoup d'autres aliments, les racines et les tubercules sont rarement consommés crus. Ils sont normalement transformés et cuits au préalable. Les méthodes de transformation et de cuisson vont de la simple cuisson à l'eau, à la fermentation, au séchage et au broyage pour obtenir de la farine, selon les variétés des racines et tubercules.

Ces procédés visent principalement à rendre les racines et les tubercules ainsi que leurs dérivés plus agréables au goût, plus faciles à digérer et propres à être consommés sans risques pour la santé humaine. La transformation prolonge aussi la durée de conservation des racines et tubercules, qui sont souvent extrêmement périssables à l'état frais. Elle fournit également toute une gamme de produits plus faciles à faire cuire, à préparer et à consommer que les produits à l'état brut.

Les femmes jouent un rôle très actif à tous les stades de la production et de la transformation des plantes-racines. Une étude réalisée dans cinq Etats du Nigéria a indiqué que, pour la culture du manioc, les femmes assurent en moyenne 34 pour cent des travaux de préparation des champs et 77 pour cent de la plantation, 86 pour cent du sarclage et 77 pour cent de la récolte. Les activités après-récolte, c'est-à-dire la transformation, le stockage et la commercialisation, sont effectuées principalement par les femmes, mais d'après des études récentes, les hommes commencent à s'intéresser à la transfommation des racines carils achètent et utilisent des broyeurs électriques.

Manioc

Le manioc est rarement consommé cru à l'exception du manioc doux parfois mangé à l'état naturel au Congo, en Tanzanie et en Afrique de l'Ouest. Une gamme variée de techniques de transformation a été mise au point dans différentes régions du monde, aboutissant à un grand choix de produits. Ces techniques servent à rendre la racine agréable au goût, et trés souvent, à permettre de la stocker, mais elles ont aussi comme effet d'éliminer le cyanure (HCN) ou d'en abaisser la quantité à des niveaux acceptables. De nombreux procédés tels le trempage et la fermentation ont été conçus tout particulièrement pour détoxiquer les racines. D'autres, comme la cuisson à l'eau et le rôtissage ont pour but de rendre les produits à base de manioc plus agréables au goût. La quantité de cyanure restant dans le produit final varie largement selon la méthode de transformation utilisée. Nombre de techniques complexes employées aujourd'hui dans le monde proviennent d'Amérique du Sud et ont été introduites dans les autres régions en même temps que la plante de manioc, quelquefois plus tard. D'autres procédés ont été mis au point dans les pays producteurs mêmes.

Rôtissage, cuisson à l'eau, friture

En Amérique latine, le rôtissage est la technique la plus simple, mais on l'emploie rarement, sauf si l'on ne dispose pas d'ustensiles de cuisine. Les racines entières sont enfouies sous la cendre chaude ou placées devant le feu jusqu'à ce qu'elles soient bien cuites.

Plus souvent, on fait cuire à l'eau les racines de manioc doux et on les mange chaudes ou froides, parfois écrasées en purée. Ce sont les méthodes utilisées dans le monde entier. En Amérique latine, on prépare une soupe ou un ragoût appelé cancocho ou cocido en faisant cuire à l'eau des racines de manioc avec des légumes. La friture du manioc dans un corps gras est une technique qui aurait été introduite par les Européens. En Ouganda, les racines sont épluchées, lavées, enveloppées dans des feuilles de bananier et cuites à la vapeur dans une casserole (Goode, 1974). La cuisson du manioc doux sous la cendre est une technique très répandue en Afrique. En Afrique du Sud, on fait aussi rôtir des variétés amères, mais après les avoir épluchées et frottées avec du tabac. En Zambie, on fait souvent tremper les racines avant de de les faire rôtir. Le manioc est frit dans l'huile après avoir été épluché, lavé et coupé en rondelles.

Râpage, pilage, cuisson au four ou à l'eau

En Amérique latine, les racines de manioc sont râpées sur les troncs épineux des palmiers ou réduites en pulpe. Celle-ci est ensuite travaillée à la main et cuite de différentes façons. Plusieurs groupes de population en font des galettes qu'ils font cuire sous la cendre chaude; parfois, ils les protègent en les enveloppant dans des feuilles avant la cuisson. Certains groupes de population, comme les Nambicuara, font sécher au soleil des boulettes de pulpe, les enveloppent dans des feuilles et les mettent dans un panier ou les enfouissent dans le sol, pour les utiliser en cas de disette. Au bout de quelques mois, ils récupèrent les boulettes fermentées et les font cuire sous la cendre chaude. On fait bouillir la pulpe de manioc soit en plongeant les galettes ou les boulettes dans l'eau bouillante, soit en y ajoutant de l'eau pour former une sorte de bouillie. Cette bouillie sert parfois à la préparation de la farine. La pulpe est cuite à l'eau et écumée à l'aide d'une spatule, passée à travers une claie de fins bâtons et enfin rôtie dans une casserole pour faire de la farine.

Cuisson à la vapeur et fermentation (peujeum). Le peujeum est un produit traditionnel préparé à Java (Stanton et Wallbridge, 1969). On fait cuire à la vapeur les racines épluchées jusqu'à ce qu'elles soient tendres; on les laisse refroidir et on les saupoudre de ragi, amorceur de farine de riz relevé d'épices. La purée de manioc mélangée au ragi est enveloppée dans des feuilles de bananier dans un pot de terre cuite et mise en fermentation pendant un ou deux jours. Le peujeum a un goût acide rafraîchissant et légèrement alcoolisé; il est consommé tel quel ou cuit.

Manioc séché au soleil et pilé ou broyé en farine

Les racines de manioc sont d'abord trempées dans de l'eau, puis on les fait sécher au soleil et on les réduit en farine. Cette méthode semble être adoptée partout.

Pour préparer du fuku au Zaïre, on pile les racines séchées avec du mais partiellement fermenté, la quantité variant selon la saison. On fait ensuite griller la farine ainsi obtenue sur une plaque pour arrêter la fermentation du mélange qui avait commencé avec le maïs fermenté. On consomme la farine sous forme de bouillie préparée avec de l'eau bouillante La farine de manioc sert à la préparation de plusieurs autres aliments. Pour préparer du nsua, on mélange la farine avec de l'eau et on la filtre à travers un sac de jute. Une fois l'eau éliminée, on enveloppe la pâte dans une feuille et on la mange crue. On prépare le ntinga de la même façon, si ce n'est qu'on fait cuire dans de l'eau une partie de la pâte et on la mélange avec le reste de pâte crue. On enveloppe le mélange dans une feuille et on fait cuire à nouveau.

Râpage, compression et grillage ou cuisson au four pour faire de la farine ou du pain

Ces méthodes sont largement utilisées pour préparer la farine de manioc ou le pain de manioc en Amérique tropicale. Les détails varient d'un groupe ethnique à l'autre, mais il existe deux méthodes principales selon que les racines sont préalablement trempées ou non dans l'eau.

Racines non trempées. Ce procédé est très laborieux et nécessite deux jours au minimum. On lave d'abord les racines fraîchement déterrées pour enlever tout résidu de terre, puis on les épluche. On réduit les tubercules en pulpe, habituellement en les râpant, mais parfois en les écrasant dans un mortier ou entre des pierres. On comprime la pulpe avec divers instruments pour extraire le liquide. On laisse la pulpe humide toute la nuit dans un récipient. Le lendemain, on la passe au tamis pour enlever toutes les grosses fibres. On fait cuire ensuite la pulpe de deux manières différentes suivant que l'on veut obtenir du pain ou de la farine.

Pour préparer du pain, on met la pulpe de manioc sur une plaque ou une pierre chaude, on l'aplatit en une fine couche et on la fait griller des deux côtés. Les grandes galettes plates et rondes sont appelées pain de manioc, casabe, beigu ou couac de manioc selon l'endroit Quand il est frais, le pain est mou à l'intérieur et certains préfèrent le préparer tous les jours. Mais, en général, on le fait sécher au soleil pendant plusieurs jours, pour qu'il durcisse et puisse être conservé pendant plusieurs mois. On mange généralement ce pain de manioc en le trempant dans de la bouillie ou un ragoût pour le ramollir (Jones, 1959). On peut faire d'autres types de pain en ajoutant divers ingrédients au manioc, par example, au Brésil, on prépare un pain spécial en ajoutant des noix pilées ou râpées à de la pulpe de manioc.

Pour obtenir de la farine, on remue sans cesse la pulpe de manioc pendant qu'elle cuit sur une plaque afin d'empêcher la formation de grumeaux. La farine ainsi obtenue se conserve bien; on l'appelle selon les cas farinha de rnandioca, farinha seca, farinha surruhy, kwak ou koeak. On peut la manger sèche, mélangée à de l'eau chaude ou froide en pâte ou en bouillie, ou associée à d'autres aliments. On a aussi recours à d'autres modifications et à diverses méthodes, simples ou complexes.

Un plat philippin traditionnel à base de racines de manioc est appelé landang ou riz de manioc. On épluche et on râpe des racines fraîchement déterrées, puis on met la masse obtenue dans des sacs de jute et on la comprime entre deux blocs de bois pour exprimer le jus. On la place ensuite dans un van qu'on fait tourner jusqu'à ce que des granulés se forment. Par intervalles, on tamise les granulés et on fait tourner de nouveau ceux qui ne sont pas passés. On les fait sécher sur une natte, puis on les fait cuire à l'étuvée dans une coque de noix de coco sur une claie placée sur une cuve d'eau bouillante. On met les granulés cuits dans le van et on les sépare à la main. Suivant un autre procédé, on plonge les racines épluchées dans l'eau douce et propre d'une jarre en terre cuite ou d'un récipient de bois pendant cinq à sept jours jusqu'à ce qu'elles soient tendres. Puis on les fait macérer, on élimine les fibres et on fait sécher la partie restante qui sera transformée en granulés selon la méthode décrite. Les granulés obtenus par ces deux méthodes sont mis à sécher au soleil pendant trois à cinq jours et stockés jusqu'au moment de l'emploi. Le riz de manioc peut être mangé tel quel sans être cuit à nouveau.

Racines trempées. En Amérique latine, les tubercules de manioc, épluchés ou non, sont trempés dans de l'eau pendant trois à huit jours et même parfois plus longtemps pour qu'il y ait un début de fermentation. On les retire de l'eau, on enlève les peaux si besoin est, puis on écrase à la main ou on râpe les racines ramollies pour les réduire en pulpe et en faire de la farinha seca. Cette méthode est aussi utilisée pour préparer du pain de manioc, mais le plus souvent le produit final est la farine de manioc. Il existe de nombreuses variantes de ce procédé de base.

En Afrique de l'Ouest, après fermentation, le manioc est pilé ou broyé jusqu'à ce qu'il forme une pâte qui est consommée tout de suite ou stockée, suivant le pays. Dans certaines régions du Nigéria, on fait bouillir la pâte pendant 20 minutes, puis on la pile de nouveau. Au Cameroun, on divise la pâte humide en deux portions et on l'enveloppe dans des feuilles avant de la faire cuire. Au Mozambique, on ajoute à la pâte des assaisonnements, dont l'oignon et le sel, avant de l'envelopper dans des feuilles et de la faire cuire dans l'eau.

La préparation de pâtes à partir du manioc pilé est un procédé typiquement africain qui n'est pas employé en Amérique du Sud. Les pâtes sont consommées sous diverses formes, la plus connue étant le foufou. Le terme foufou et ses variantes sont trés largement utilisés en Afrique de l'Ouest pour indiquer une pâte gluante ou bouillie préparée avec une racine féculente pilée: igname, taro, manioc, etc.

Pour préparer du foufou, il faut éplucher, laver et râper les racines, puis les laisser fermenter pendant deux ou trois jours. Pour faire fermenter le manioc, il faut soit simplement laisser reposer la masse râpée (Doku, 1969), soit la mettre dans des sacs sur lesquels on place des poids pour exprimer le jus. La pâte ainsi obtenue est cuite immédiatement ou conservée dans des cuves, recouverte d'eau froide, changée chaque jour. Le produit est consommé de différentes manières, selon les pays, accompagné d'un ragoût ou d'une soupe.

Le gari est le produit à base de manioc le plus populaire consommé en Afrique. Pour le préparer, il faut laver, éplucher et râper les racines de manioc, mettre ensuite la pulpe dans des sacs de jute ou de toile et la laisser fermenter pendant trois à six jours. C'est la fermentation qui donne au gari son goût aigre caractéristique, qui le distingue de la farinha brésilienne. Durant cette étape, on comprime la pâte pour exprimer le jus de manioc. On retire des sacs la pulpe de manioc contenant à peu prés 50 pour cent d'eau et on la tamise pour éliminer toutes les matières fibreuses. On la fait ensuite chauffer ou «garifier» dans des marmites profondes en remuant continuellement jusqu'à ce qu'elle devienne légère et croustillante.

On consomme le gari sous diverses formes. On le mange quelquefois sec ou sous forme de pâte. Le plus souvent, on le trempe dans de l'eau froide pour faire gonfler et ramollir particules qui conservent cependant leur forme de granulé. D'autres fois encore, on lui ajoute de l'eau froide pour faire une bouillie peu épaisse que l'on boit avec du lait. Une façon populaire de préparer le gari au Nigéria consiste à le plonger dans de l'eau bouillante pour obtenir une pâte épaisse, l'eba, appelée parfois foufou.

Des produits très semblables au gari, mais connus sous des noms divers, sont préparés dans toute l'Afrique de l'Ouest avec de légères variations dans le procédé. La transformation du gari a été récemment mécanisée au Nigéria.

Une norme régionale pour le gari a été adoptée pour l'Afrique par la Commission du Codex Alimentarius (1986) qui a classé le gari en cinq catégories, selon la dimension des grains, et spécifié leurs critères essentiels de composition et de qualité. Ils comprennent le manioc à l'état brut et sa couleur caractéristique, le goût et l'odeur du gari et la spécification concernant l'acidité (pas moins de 0,6 pour cent et pas plus de I pour cent m/m spécifié en acide lactique), l'acide cyanhydrique total (ne dépassant pas 2 mg/kg spécifié en HCN libre), l'humidité (ne dépassant pas 12 pour cent m/m), la cellulose brute (ne dépassant pas 2 pour cent m/m), la teneur en cendres (ne dépassant pas 2,75 pour cent m/m), et il ne devrait contenir pratiquement aucune matière étrangère. Parfois, on y ajoute des graisses ou des huiles alimentaires et du sel, ou encore on l'enrichit de vitamines, de protéines et d'autres substances nutritives, mais l'adjonction d'additifs alimentaires est interdite.

Les méthodes ulilisées pour transformer le manioc dans le Pacifique Sud varient d'une île à l'autre bien que la cuisson des tubercules à l'eau ou au four soit une technique assez répandue. Dans les îles Salomon, les racines sont souvent râpées et mélangées à de la noix de coco ou à de la banane et consommées comme dessert. Dans les Nouvelles-Hébrides, le manioc est râpé, enveloppé dans des feuilles de bananier et cuit au four.

Une méthode propre aux habitants des îles du Pacifique Sud est la fermentation des racines dans des fosses, procédé qui prolonge indéfiniment la durée de conservation du produit. Dans l'île de Mango aux Tonga, on a découvert des aliments en bon état dans une fosse qui aurait environ un siècle. Traditionnellement, l a fosse est creusée à une profondeur dépendant de la dimension de la famille et tapissée de feuilles de cocotier, de grande taryove ou de bananier. L'aliment préparé qui peut être du manioc, des bananes, du taro ou un mélange des trois, est placé dans la fosse de façon à la remplir et couvert d'autres feuilles; des pierres ou des rondins sont rangés par-dessus pour maintenir le tout en place. La fermentation se poursuit pendant quatre à six semaines, après lesquelles on retire tout le produit ou une partie seulement. Parfois, on fait fermenter en ajoutant de l'eau douce ou de l'eau de mer. A Fidji, on procède un peu différemment: on fait fermenter la racine de manioc dans un panier que l'on fait descendre dans une lagune. Quand on en a besoin, on retire la racine, on l'égoutte et on en fait une pâte. On travaille cette pâte avec de la noix de coco préalablement râpée, on forme des boulettes que l'on enveloppe dans des feuilles de fruit à pain et on les mange cuites à l'étuvée ou bouillies. Ce produit se conserve plusieurs mois. Si l'on utilise de l'eau douce pour la fermentation, on mélange à la pulpe du sucre ou des fruits, on enveloppe le tout dans des feuilles que l'on mange cuites à l'étuvée ou bouillies. Ce produit appelé bila est fort apprécié à Fidji. Il se garde plusieurs jours.

Extraction de la fécule pour la préparation du sipipa, du tapioca et du pot bammie

Le jus extrait du manioc râpé contient une certaine quantité d'amidon qui se dépose quand on le laisse reposer plusieurs heures. En Amérique latine, on décante le liquide, on rince le résidu d'amidon puis on le transforme, soit en le laissant sécher au soleil et, dans ce cas, on le mange cru, soit en le faisant cuire au four sous forme de galettes croustillantes appelées sipipa, friandise très appréciée par certains groupes de population. S'il est encore humide, l'amidon est chauffé sur une plaque jusqu'à ce que les grains éclatent et forment des granulés appelés flocons ou globules de tapioca. En Jamaïque, on obtient la fécule en ajoutant de l'eau à des racines de manioc râpées et en faisant égoutter la pulpe sur un linge. On laisse la fécule se déposer pendant quelques heures. On décante l'eau et soit on fait séchcr la fécule rapidement, on la sale et on la fait cuire au four en pot bammie, soit on la fait sécher pendant plusieurs jours, pilée dans un mortier, mélangée à de la farine et cuite en boulettes.

En Asie, les méthodes traditionnelles utilisées pour extraire la fécule sont semblables à celles d'Amérique tropicale et d'Afrique. La fécule contenue dans le jus extrait du manioc est lavée et séchée au soleil sur une natte. La fécule humide est utilisée commercialement pour la production du tapioca. Pour le préparer, on transforme la fécule humide en globules gélatinisés que l'on sèche au soleil.

Dans les pays du Pacifique Sud, on extrait la fécule des racines de manioc en les râpant, les lavant et les égouttant, puis on fait sécher au four pour obtenir un produit granuleux semblable au tapioca.

Dans les îles Padaids, la pulpe dont on a extrait la fécule est elle aussi utilisée. On en fait des boulettes de 5 à 6 cm de diamètre séchées au feu pendant environ une semaine. Au moment de la consommer, on râpe de nouveau le manioc séché et on y ajoute du lait de noix de coco et de l'eau (Massal et Barrau, 1956).

Dans les îles d'Anuta et de Tikopia (îles Salomon), on utilise le manioc pour obtenir un produit fermenté appelé ma manioka à Anuta, et masi rnanioka à Tikopia (Yen, 1978). A Tikopia, on fait tremper les racines de manioc dans de l'eau pendant cinq jours ou plus jusqu'à ce qu'elles soient tendres. Ensuite, on les épluche, on les concasse, on les comprime et on les enfouit dans des fosses tapissées de feuilles. A Anuta, qui ne possède pas d'eau de surface appropriée, on entasse les racines sans les serrer dans des fosses et on les y laisse pendant plusieurs semaines. Puis on les récupère, on les épluche et on les replace dans les mêmes fosses pendant un peu de temps encore. Le ma est utilisé en cas de crise alimentaire, cuit seul ou avec des racines féculentes fraîchement pilées et des fruits.

Transformation du lus de manioc en reep de manioc et bière

Le jus de manioc ou yari, obtenu en pressant du manioc râpé, sert communément à préparer des sauces et des boissons en Amérique du Sud et aux Antilles. On fait bouillir le yari jusqu'à ce qu'il ait la consistance d'un sirop épais, appelé reep de manioc aux Antilles. Les groupes de population habitant auprès des sources des affluents de l'Amazone fabriquent une boisson rafraîchissante au goût sucré en faisant bouillir du yari pendant plusieurs heures. On peut aussi préparer une boisson alcoolisée en faisant fermenter du jus de manioc.

Préparation de boissons à base de racines de manioc

Outre le jus de manioc, la racine entière, les racines coupées en rondelles, râpées ou pilées et le pain ou la farine de manioc servent tous d'ingrédients de base pour la préparation de boissons alcoolisées ou non.

Boissons non alcoolisées. Les racines sont épluchées, râpées, comprimées à la main et cuites. Quand elles sont froides, on les mastique pendant quelques minutes, puis on les laisse reposer pendant un court moment, mais pas suffisamment pour produire une boisson alcoolisée. Des boissons semblables sont obtenues à partir de la farine ou du pain de manioc.

Boissons alcoolisées. La préparation de bières de manioc est répandue en Amérique tropicale. On les appelle kashiri ou chicha. Plusieurs méthodes existent. Les plus communes sont les suivantes:

Transformation sans mastication. La boisson est généralement préparée par fermentation des racines de manioc entières. On laisse les tubercules dans un ruisseau pendant une semaine pour que la fermentation se produise. Ensuite, on les retire et on les écrase. On ajoute de l'eau à la bouillie et on laisse reposer trois jours avant de consommer. Il existe aussi d'autres méthodes de préparation.

De nombreux groupes de population utilisent du pain de manioc pour préparer des boissons. En Guyane, on trempe dans de l'eau du pain de manioc frais, on le place dans une cuve peu profonde, dans un coin sombre de la maison, et on le laisse, couvert de feuilles, pendant trois à cinq jours durant lesquels une moisissure se forme. On place ensuite le pain découpé en morceaux dans de grandes jarres de terre cuite pendant deux à cinq jours. Enfin, on ajoute de l'eau et le produit fermente, donnant une boisson légèrement alcoolisée. D'autres méthodes sont utilisées au Brésil et au Suriname pour préparer des boissons alcoolisées à partir du pain de manioc.

Transformation avec mastication. L'habitude de mastiquer pour préparer des boissons alcoolisées est répandue en Amérique tropicale. La plupart des boissons alcooliques traditionnelles sont préparées de cette manière. La mastication accélère la fermentation car les enzymes salivaires provoquent la transformation de l'amidon en sucre.

Diverses boissons sont faites avec du manioc mastiqué. Dans la forêt tropicale brésilienne, des morceaux de manioc coupés finement et bouillis sont comprimés, mâchés et mis à fermenter de un à trois jours. Aux Antilles, une boisson appelée paiwuri est préparée de cette manière. On ajoute parfois à la bière d'autres ingrédients: fruits, légumes, mais ou patate.

La fabrication de boissons à partir du manioc n'est pas habituelle en Afrique. Goode (1974) décrit une méthode de préparation de la bière en Ouganda. On mélange la farine avec de l'eau et on la fait fermenter pendant une semaine. Puis, on la fait griller sur le feu et on la met dans un récipient rempli d'eau dans lequel on ajoute de la levure. Au bout d'une huitaine de jours, on passe le liquide, on ajoute du sucre et on laisse fermenter la bière pendant quatre jours. On utilise aussi la farine de manioc pour faire de la bière en Afrique du Sud, dans le sud-ouest de la Zambie et en Angola.

Cuisson et transformation de l'igname

La quasi totalité de l'igname récoltée dans le monde est consommée à l'état frais. Traditionnellement, les produits transformés à base d'igname sont fabriqués dans la plupart des zones où elle pousse, et sont généralement un moyen d'utiliser les tubercules qui ne peuvent être stockés.

Habituellement, l'igname fraîche est épluchée, cuite à l'eau et pilée jusqu'à l'obtention d'une pâte gluante. On appelle ce produit igname pilée ou foufou d'igname.

Le seul produit transformé à base d'igname traditionnellement fabriqué dans le village est la farine d'igname. Sauf chez les Yoruba au Nigéria, la farine d'igname est considérée comme un succédané inférieur de l'igname fraîche pilée carelle est souvent faite avec des tubercules endommagés. Par contre, on préfère la farine d'igname dans les contrées habitées par les Yoruba où l'aliment reconstitué est appelé amala. Elle est aussi fabriquée en petites quantités au Ghana sous le nom de kokonte. La valeur nutritive de la farine d'igname est la même que celle de l'igname pilée.

Préparation de la farine d'igname

On coupe les tubercules en lamelles d'environ 10 mm d'épaisseur, selon que le temps est plus ou moins sec. On les fait ensuite cuire à moitié et on les laisse refroidir dans l'eau de cuisson; enfin, les épluche et on les fait sécher au soleil pour abaisser leur taux d'humidité.

On réduit ensuite en farine les lamelles séchées dans un mortier de bois et on tamise plusieurs fois de façon à obtenir une texture homogène.Aujourd'hui, on utilise de plus en plus les moulins à grains ou à farine manuels ou mécaniques.

Transformation industrielle

Très peu d'ignames ont été transformées au niveau industriel pour être commercialisées. Des farines d'igname déshydratées et des flocons d'igname ont été obtenus par séchage au soleil. La fabrication de produits frits à partir de D. alata a aussi été tentée récemment sous forme de chips et de frites. On a essayé, sans grand succès, de conserver de l'igname dans la saumure.

Comme l'igname pilée jouit d'un très grand prestige et que c'est en général sous cette forme que ce végétal est consommé, on a tenté à deux reprises de commercialiser le procédé. La première tentative a été la production d'igname pilée et déshydratée par séchage au tambour. Ce produit pouvait être ensuite reconstitué sans subird'autres transformations. Cette production a d'abord été essayée en Côte d'Ivoire au milieu des années 60, sous la marque «Foutouprêt», en faisant sécher à l'air de l'igname précuite, râpée ou écrasée (Coursey, 1967). Onayemi et Potter (1974) ont eu recours au séchage au tambour pour obtenir des flocons pouvant facilement être reconstitués enigname pilée parl'adjonction d'eau bouillante. Cette technique est la base du produit commercial appelé «Poundo» au Nigéria, qui eut du succès au départ Pour réduire la perte de m atière première, on enlève la peau de l'igname en plongeant le produit végétai dans une solution alcaline à 10 pour cent à 104 °C, la durée de l'immersion variant selon le cultiver d'igname (Style et Sammy, 1976). On ajoute du sulfite pour empêcher le brunissement enzymatique.

Dans le second projet commercial, un type de robot ressemblant à un mixer a été mis au point. L'igname est cuite, fumée et battue comme pour le pilage, de façon à former deux à quatre portions. Il semble qu'au début ces deux projets aient eu beaucoup de succès, mais plus tard, les populations sont revenues au pilage manuel de l'igname, qui donne une viscosité et une fermeté caractéristiques difficiles à obtenir mécaniquement.

On a signalé des essais de fabrication de chips d'igname frite, semblables aux pommes de terre frites, à Porto Rico.

Taro

Le taro est consommé essentiellement de la même manière que l'igname. Il peut être bouilli, frit ou pilé en foufou, mais il jouit de moins de prestige. On en fait aussi de la bouillie ou du potage, des chips et de la farine. La farine de taro présente l'avantage supplémentaire d'être très digestible, c'est pourquoi on la donne aux malades et on l'emploie comme ingrédient dans les aliments pour nourrissons.

Le taro est l'aliment de base traditionnel dans les îles du Pacifique, où on le transforme en une série de produits alimentaires semblables à ceux décrits pour le manioc. Le poi est un mets très populaire aux îles Hawaii et en Polynésie. On le prépare en faisant cuire à la vapeur les tubercules crus, qui sont ensuite épluchés, puis écrasés jusqu'à ce qu'ils aient une consistance semi-fluide, et passés à travers une série de passoires, la dernière ayant des trous d'à peu prés 0,5 mm de diamètre. Le poï est ensuite empaqueté et vendu, ou stocké à température ambiante où il subit une fermentation lactique. On y ajoute parfois des produits extraits de la noix de coco avant de le consommer.

Au Nigéria, le taro est râpé, mélangé à des condiments et enveloppé dans des feuilles. On le fait cuire à l'étuvée pendant 30 minutes environ et on le sert avec une sauce. Connu sous le nom de ikokore, il est très répandu dans l'ouest du Nigéria. Une variante au Cameroun consiste à le faire cuire sous forme de boulettes avec d'autres ingredients. On l'appelle alors epankoko.

Bananes et plantains

Un avantage de la banane est que les variétés de dessert (bananes douces) peuvent être consommées crues sans subir de transformation. Dans de nombreuses régions d'Afrique, la banane à cuire est bouillie ou cuite à l'étuvée, écrasée, cuite au four, séchée ou pilée pour obtenir du foufou. Au Cameroun, on fait bouillir la banane verte et on la sert avec une sauce à l'huile de palme, accompagnée de poisson, de viande cuite, de haricots verts ou secs et de condiments. En Ouganda, où elle est à la base de l'alimentation, on la fait bouillir avec d'autres ingrédients dont les haricots. On y ajoute du beurre fondu liquide ainsi que du poivre, du sel et des oignons. Ce plat est appelé akatogo. On prépare l'omuwumbo en enveloppant la pulpe dans des feuilles de bananier et en faisant cuire à la vapeur pendant une heure environ. Ensuite, on le comprime entre les mains pour en faire une masse ferme et on le mange ainsi. La banane verte est séchée et stockée. Appelée mutere, elle est quelquefois utilisée après avoir été réduite en farine (Goode, 1974), mais c'est surtout une réserve alimentaire en cas de famine. Le même procédé est utilisé au Gabon, au Cameroun, en Amérique du Sud, en Amérique centrale et aux Antilles (Fawcet, 1921).

En Colombie, on prépare une soupe appelée sancocho en faisant bouillir des rondelles de banane verte avec du manioc et d'autres légumes, tandis qu'aux Antilles la banane verte bouillie est servie avec du poisson ou de la viande salés.

On a déjà mentionné la fermentation de la banane dans des fosses dans les pays du Pacifique. On forme avec le produit fermenté de petits pains que l'on fait cuire. Connu sous le nom de masi, ce produit se conserve pendant plus d'un an dans une fosse, tandis que le masi cuit stocké dans des paniers hermétiques peut se garder pendant des dizaines d'années dans un trou profond (Cox, 1980). Le faux tronc et le tubercule amylacé de la fausse banane, ou ensete, sont préparés de la même façon en Ethiopie. Le produit fermenté appelé kocho sert à la fabrication d'un pain plat, qui est cuit. Les bananes mûres sont conservées par séchage au soleil. Appelées figues bananes, on les mange comme sucreries. Elles se conservent pendant des mois, voire des années.

En Afrique de l'Ouest, on fait cuire à demi les bananes avant de les faire sécher. Le séchage se fait au four en Polynésie. Le produit séché est ensuite enveloppé bien serré dans des feuilles et conservé jusqu'au moment de l'emploi (Massai et Barrau, 1956). Une technique similaire est utilisée en Inde.

Au Burundi, où la banane occupe environ 25 pour cent des terres arables, elle sert principalement à la fabrication de la bière. On a estimé la consommation de bière locale à 1,2 litre par habitant et par jour. La fabrication de la bière à partir de la banane est courante en Afrique orientale.

On enfouit des bananes vertes dans des trous recouverts de feuilles où elles mûrissent pendant une huitaine de jours, stade auquel elles commencent aussi à fermenter. Après avoir enlevé les peaux, on mélange la pulpe à des graminées dans une cuve et on extrait le jus. On lave le résidu et on l'ajoute au jus. On y met de la farine de sorgho grillée ou du mil et on laisse la masse fermenter pendant un ou deux jours, couverte de feuilles de bananier fraîches. Une variante consiste à ajouter du miel à la pulpe de banane fermentée.

La patate

La patate peut elle aussi être mangée bouillie, frite ou rôtie. Coupée en rondelles, séchée au soleil et broyée, elle donne une farine qui se conserve bien sur une longue durée. En Indonésie, on plonge la patate dans l'eau salée pendant une heure environ pour empêcher l'apparition de microbes avant le séchage. La farine est utilisée comme levure dans la fabrication du pain et comme stabilisant dans l'industrie des glaces et des crèmes glacées.

La patate est transformée en chips à peu prés comme la pomme de terre, et le produit est maintenant très apprécié en Asie. Les chips recouvertes de sucre ont du succès en Chine, la variété salée plaît aux Etats-Unis, celle épicée au poivre de Cayenne et à l'acide citrique a été essayée au Bangladesh avec de bons résultats (Kay, 1985).

On extrait la fécule de la patate à peu près comme on le fait avec d'autres racines féculentes, si ce n'est qu'on maintient la solution alcaline (pH 8,6) en utilisant de la chaux, qui contribue à précipiter les impuretés et à dissoudre les pigments. La fécule obtenue a des propriétés intermédiaires entre la fécule de pomme de terre et la fécule de maïs/manioc pour ce qui est de la viscosité et des autres caractéristiques. Au Japon, environ 90 pour cent de la fécule produite à partir de la patate sert à la fabrication de sirop de fécule, de sirop de glucose et de glucose isomérisé, de boissons contenant de l'acide lactique, de pain et autres produits alimentaires manufacturés.

Au Japon, la fécule de patate sert aussi à la production d'un spiritueux, le shochu (Sakamoto et Bouwkamp, 1985). Le procédé est semblable à celui de la fabrication du whisky, mais pour obtenir le koji, équivalent de l'amorceur de malt dans la production du whisky, il faut inoculer dans du riz cuit à la vapeur ayant séjourné une nuit dans l'eau Aspergillus kawachii pendant deux jours à 35°-37 °C. Le koji estmélange à une solution d'amidon et à de la levure pour que se produisent une saccharification et une fermentation. Enfin, le filtrat est distillé. Le rendement est d'environ 800 litres par tonne de patates.

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